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Un concerto pour piano joué dos au public, cela peut paraître surprenant. Et pourtant... Leif Ove Andsnes l’a fait. A l’occasion de cette quatrième soirée du Music Marathon, le musicien norvégien avait pour tâche de fusionner les rôles de pianiste et de chef d’orchestre. Faisant face au Mahler Chamber Ochestra, Andnses est parvenu à incarner le lien parfait entre les parties soliste et orchestrales. Les musiciens nous ont ainsi proposé un « Voyage Beethoven » (The Beethoven Journey) constitué d’œuvres du compositeur allemand complétées par deux pièces d’Igor Stravinsky.

La salle Henry Le Boeuf résonne encore du son de la cinquantaine de musiciens présents sur scène mercredi soir, lors de cette troisième soirée du Music Marathon, consacrée à la musique symphonique. Le chef Yuri Temirkanov et son orchestre, le philharmonique de Saint-Petersbourg, nous ont ainsi fait vibrer dans des œuvres de Serge Prokofiev avant que Nelson Freire ne se joigne à la fête pour interpréter magistralement le Concerto pour piano et orchestre n°2 de Johannes Brahms. Pour que notre joie soit complète, les organisateurs du festival avaient prévu une série de bonus tels que l’accès pour une soixantaine de privilégiés à la répétition générale du concert, ou encore, la séance de dédicaces tenue publiquement par le pianiste à l’issue du concert dans le Bozar Shop.

Trop c’est trop - 20 novembre 2012

Tout commence bien : plongés dans le noir, on entend des exclamations joyeuses : « it’s so beautiful, waouh ! A double rainbow ! » Rire. Lumière. Une femme en robe blanche tourne et tourne, danse sur la musique jazz de Keith Jarrett. La musique est belle, la danse est belle. Chouette ! Une agréable soirée en perspective.
Mais... (on l’attendait, bien sûr) le plaisir ne dure que peu de temps... le temps pour les danseurs de prendre la parole et de bâillonner ainsi l’imagination des spectateurs. Tous les moyens du théâtre sont convoqués pour participer à la narration, donnant ainsi lieu à un spectacle terriblement redondant et ennuyeux.

Jocaste Reine - 20 novembre 2012

Nicole Huston, romancière franco-canadienne et invitée d’honneur du festival Météores, revisite le mythe d’Oedipe sous le point de vue très féminin de Jocaste pour un spectacle sensuel et malicieux dans une mise en scène réglée sur du papier à musique par Serge Demoulin au petit Varia.

Un paradoxe de qualité ! - 20 novembre 2012

Pour le plus grand bonheur du spectateur, Denis Podalydès réussit là où Monsieur Jourdain a échoué : en véritable chef d’orchestre, il parvient à faire danser le sobre et le burlesque, le classique et le contemporain, le ridicule et la tendresse, la simplicité et l’extravagance, pour créer un univers enchanté où rires et folies tiennent les rôles principaux.

Au diable les décors en papier mâché et autres costumes extravagants ! C’est dans une mise en scène sobre et singulière que La Flûte enchantée de Mozart nous a été présentée lundi 19 septembre, à Bozar, par l’Akademie für Alte Musik Berlin et le RIAS Kammerchor, sous la baguette de René Jacobs. Comme promis, le chef gantois nous a littéralement entraînés avec lui dans l’univers imaginé il y a deux siècles par le librettiste Emanuel Schikander. Le livret sous le yeux, la présence occasionnelle de personnages et d’effets sonores dans la salle (bruits de tonnerre, de gouttes d’eau, etc. réalisés aux percussions), et la situation de l’orchestre au centre de la scène et autour duquel évoluaient les chanteurs, tout était là pour recréer les atmosphères du récit et étendre ainsi l’espace scénique à l’entièreté de la salle Henry Le Boeuf.

Voilà un concert-spectacle pas comme les autres et comme on les aime ! Il nous prend d’emblée par la main, et le cœur alors épris, palpite et s’illumine tout au long d’une ballade dont la trame de vie se tisse, s’effiloche, se détricote, s’emmêle, se reprise, et se retisse de mille et une couleurs poétiques… La musique, les mots, les zygomatiques et les maux mêlés dans l’absinthe de cette comi-tragédie burlesque nous plonge dans les fonds, les tréfonds, les bas-fonds de l’âme humaine. Au fond, sait-on qui l’on est ? Sans en avoir l’air, un fil conducteur électro-aquatique se distille au gré des airs acoustiques doux amers, sucré-salés, épicés. Ce spectacle mutant invente constamment ses formes, au rythme des boires et déboires de Monsieur Y, archétype surréaliste de l’humanité attachante qui dégrise en chacun de nous.

Pas de surprise, le concert de Cecilia Bartoli accompagnée du Kammerorchester Basel, donné dimanche soir à Bozar à guichet fermé, était un succès total ! Au bout de plus de deux heures de représentation, la chanteuse a conquis son public tant par sa technique vocale et son interprétation irréprochables que par sa personne, profondément chaleureuse, et d’une bonne humeur débordante. En témoignent les trois rappels successifs demandés dans un tonnerre d’applaudissements par une salle en standing ovation !

... qu’on court après ce temps qui s’envole à une vitesse incroyable ! Et c’est parce qu’on court après ce temps, cet argent, ces kilomètres qui défilent que Fabrizio Rongione a décidé, dans sa grande magnanimité, de nous offrir un peu de répit dans ce monde fou, fou, fou que même les bisounours ont déserté depuis bien longtemps (à se demander pourquoi nous on reste, n’est-ce pas ?)

La grandeur du tout petit - 16 novembre 2012

Le tonnerre d’applaudissements résonnant dans la salle ne laisse planer aucun doute ; la chorégraphe Michèle Anne De Mey et le réalisateur Jaco Van Dormael ont réussi le projet audacieux de transformer la scène du théâtre National en lieu de tournage insolite où l’imaginaire fait loi.

Sans repère ni limite - 16 novembre 2012

Alexandre Drouet conçoit le théâtre comme "un lieu où naissent les débats et où les êtres humains réfléchissent à leur avenir". En mettant en scène "Happy slapping", il espère réveiller le dialogue entre les générations. Construite à partir de faits choquants, la pièce de Thierry Janssen est une fiction, qui ne justifie jamais les actes monstrueux de jeunes à la dérive. Sans provocation, elle nous interroge sur le malaise et la colère d’ados déboussolés, coupés des adultes et livrés à la toute-puissance de l’image.

The show must go on - 14 novembre 2012

Pour Odile Matthieu et Dominique Bréda, écrire ce thriller farfelu est "une merveilleuse occasion de tordre les codes du théâtre, les sacro-saintes conventions et parfois le cou de certains personnages indésirables." "O’Sister" brille effectivement par sa fantaisie et son humour grinçant. Les mises en abîme rocambolesques nous intriguent et les tensions entre trois paumés, tentant désespérément de monter un spectacle, sont souvent très drôles. Cependant la progression de la comédie est parfois freinée par des gags insistants ou des échanges trop étirés.

Le père Popi est un rockeur - 12 novembre 2012


Aller au théâtre et se retrouver devant une sorte d’opéra rock. Devant une tranche de vie éphémère, sublimée et déjantée. Celle de Popi Jones, star à la cinquantaine bien tapée, libéré d’une existence en demi-teinte « just for one day ». C’est ce que Heroes nous balance avec la puissance du son et des mots sans retenue. Une tragédie moderne qui prend sa source dans un quotidien commun et morose. Une rêverie où la tête d’un (anti)héros sort du lot.

Du 18 au 24 novembre, Bozar nous présentera son Music Marathon, un festival de musique classique à la cadence soutenue. Une série de stars internationales vont ainsi se succéder sur la scène Henry Le Boeuf et interprèteront certains chefs-d’œuvre ou trésors cachés de l’histoire de la musique. Parmi ces artistes renommés, Cecilia Bartoli, Nelson Freire, Antonio Pappano et bien d’autres encore...

Ce premier roman a été écrit en 1961 par Marie Denis (de son vrai nom Eliane Stas de Richelle) née en 1920 à Liège. Contemporaine de Simone de Beauvoir, elle est une des pionnières du mouvement féministe en Belgique. Son oeuvre a été récompensée par plusieurs prix. Catherine Meeùs et sa soeur Eléonore ont écrit la pièce à partir du roman de leur grand-mère, rejointes par Stéphanie Van Vyve. Elles y ont ajouté le personnage actuel de Camille, issu de leurs visions personnelles de la femme en 2012. C’est Cécile Van Snick qui s’est proposée à la mise en scène de ce projet, lequel a le mérite de soulever un sujet encore trop tabou dans notre société et peu traité au théâtre : le désir de non-maternité.

Ce jeudi 1er novembre, l’équipe d’ « Improscène » nous dévoile son talent et assure le show sur les planches du B’izou, petit café-théâtre. Cette nouvelle édition de « Seules les meilleures histoires ont une fin » ne manque pas d’ingéniosité et de maestria. 4 jouteurs et un animateur nous tiennent en haleine du début à la fin. Fous rires garantis !

Les voix de Cypress Hill et Bob Marley résonnent dans la salle du Théâtre de Poche pendant que le public s’installe. Tous les sièges sont occupés. Le titre de la pièce est évocateur : « Les monologues de la marijuana ». Un sujet audacieux pour trois comédiens, au talent certain, qui pourtant n’échapperons pas, entre autre chose, à énumérer un par un les stéréotypes de la fumette.

C’est un trio aussi sympathique qu’inattendu qui plonge le public du Poème dans l’atmosphère anarcho-révolutionnaire des beatniks US des années cinquante : Jean-Claude Derudder, Christian Léonard, Marc Lelangue. Les 2 premiers sont comédiens, le troisième bluesman. Ensemble, ils font sourire, et surtout réfléchir. Les textes, interprétés avec ferveur, ponctués d’accords de guitare, sont empruntés à la figure emblématique du mouvement de la BG, Lawrence Ferlinghetti, mais également au poète belge Louis Savary.Parfois drôle et souvent déroutante, Blind poets blues - dont l’adaptation est signée Christian Debaere et Jean-Claude Derudder - est une oeuvre pointue, qui ennuiera les uns mais instruira les autres.

L’accès de Willy Brandt* à la chancellerie de la république fédérale d’Allemagne (RFA) en 1969 donne le départ d’une réhabilitation de son pays au sein de la communauté internationale, et en même temps, d’une politique de normalisation des relations avec l’Est.

Dans l’impasse commune - 1er novembre 2012

Créée en 1944, cette "pièce noire" divisa profondément les spectateurs. Pour certains, Antigone incarnait la résistance à un pouvoir tyrannique, pour d’autres, Créon justifiait la collaboration pétainiste. Anouilh méprisa ces polémiques. A juste titre. Ses héros ne mènent pas un combat politique. C’est sur le terrain philosophique et moral
qu’ils s’opposent. Soif d’idéal contre acceptation des compromissions. Ni Antigone ni Créon n’ont le dernier mot. Une ambiguïté qui rend cette tragédie passionnante et universelle.


Un village isolé, un accident tragique, un fait divers sordide et des habitants qui essayent de continuer à vivre malgré tout. « Place du Marché 76 » c’est une histoire avec un narrateur et des personnages, des costumes, de la danse, du chant. C’est un spectacle avec tous ses composants. Mais c’est également un spectacle de la Needcompany : les codes de la théâtralité sont tantôt convoqués, tantôt mis en abyme. C’est mélodramatique, c’est souvent drôle aussi... comme la vie.

« Au café du port » est un bar perdu au bord de l’océan d’une Buenos Aires imaginaire où des femmes et des hommes se croisent, se rencontrent parfois, entre poésie, rêverie, amour, séduction. Et solitude, jalousie, nostalgie aussi. Des danseurs de tango, un garçon de café clownesque et un enfant des rues à la peau noire, trouvent un certain réconfort auprès de la chanteuse et de l’orchestre qui joue tous les soirs dans ce lieu intemporel.

Laissez les souris danser - 24 octobre 2012

Hier, au théâtre 140, quatre gars et deux filles. Ils parlent espagnol, français, anglais, portugais ou néerlandais. Ils courent dans tous les sens, débarquent à moto sur scène, se battent, rient, hurlent. Bref, ils foutent un joyeux bordel. Les majeurs levés, ils crient fuck au monde entier, à leur metteur en scène qui les a laissés se débrouiller sans lui et les a cassés dans leur ambition, au public qu’ils ne cessent d’interpeller et d’amener sur scène, à eux-mêmes quand ils ne parviennent pas à se comprendre.

Duel ou duo d’amour ? - 22 octobre 2012

C’est pour se délasser que Tchékhov, fatigué par la rédaction de "La Steppe"(1888), écrivit "L’Ours" et "Une Demande en mariage". Il n’accordait guère d’importance à ces "plaisanteries en un acte". Pourtant, elles connurent d’emblée un grand succès, qui ne s’est jamais démenti. En mettant en scène ces amours entre propriétaires terriens colériques et belliqueux, Sebastian Badarau exploite efficacement l’énergie qui circule entre les personnages.

Mère sans repères - 22 octobre 2012

Le titre du nouveau spectacle de la Balsamine s’oppose à l’atmosphère qui s’en dégage. « Ravissement » décrit les affres d’une séparation et les étapes de la reconstruction qui s’en suit. Une mère, devenue célibataire, doit réapprendre à vivre. De l’enfer à la lumière, de la tristesse au bonheur en passant par l’excès, le traumatisme de la séparation est revisité par les sœurs Rullier. Pendant deux heures, au cœur d’une forêt morbide symbole de l’univers mental d’une maman solitaire, de nombreux thèmes sont abordés de manière originale par des comédiens très talentueux mais le résultat laisse un petit goût d’imparfait.

Face à ses démons - 16 octobre 2012

Dans "R.W. Premier et deuxième dialogues", que le Rideau reprend cette saison, Pascal Crochet entraîne le spectateur dans une dérive poétique, qui libère son imaginaire. "Continent Kafka" prolonge cette démarche. Pour le metteur en scène : "Le but est moins de restituer fidèlement Kafka que d’entrer en résonance avec lui." Mêlant des fragments puisés dans sa "Correspondance" et dans certains de ses romans à une chorégraphie très inventive, il nous propose une rêverie tendue entre images et textes.

Pour leur nouveau projet, la Clinic Orgasm Society se lance dans l’exploration de la normalité. Voulant tester de nouvelles manières de faire, ses membres se sont répartis en trois groupes de travail distincts, chacun produisant à un spectacle. « Pré » est le premier volet qui est montré au public. « La tragique histoire de Lala Ferrero » questionne la normalité sexuelle à travers l’histoire de cette pauvre fille au vagin énorme. Amusant.

Jouée en 2011 au théâtre des Galeries, « la Puce à l’oreille » revient cette année au théâtre Le Public. Autre lieu, autre interprétation, Feydeau est indémodable, surtout quand il est repris par des acteurs talentueux qui semblent prendre autant de plaisir à jouer que le public à les regarder. Faut-il encore décrire l’essence du théâtre populaire de ce grand auteur, ses enchaînements loufoques, ses quiproquos basés sur l’imagination débordante de femmes mariées ou sur la présence incongrue d’un sosie parfait. Beaucoup d’enthousiasme dans cette nouvelle adaptation très contemporaine, orchestrée par Daniela Bisconti et Renata Gorka (scénographe), qui ne laisse aucune place aux temps morts. Pas de décor, seules deux grandes portes tournantes délimitent un espace ouvert rectangulaire sur lequel se déroule une avalanche de rebondissements qui captent toute l’attention !

Une mère sur le déclin ; elle perd peu à peu la parole. Un fils qui s’en veut de n’avoir cru qu’à un énième sursaut de comédie de la part de cette femme excentrique. Ce fils, c’est Tom Lanoye. Sur scène, il expulse avec une conviction presque surréaliste les mots qu’il a lui-même écrits et surtout vécus d’une manière et pas d’une autre. L’expérience est belle et douloureuse. Parfois drôle, très drôle ; parfois triste, très triste. Elle amène à la compassion et à de vrais sentiments humains. Comme le partage, l’impuissance ou encore le destin.

Radio indépendance - 10 octobre 2012


« Je suis une arme de distraction massive » dixit DJ Yaya. Le jeu de mots résume bien Yesso. Un spectacle distrayant c’est vrai, avec un regard intéressant sur la position de l’Afrique. Bien qu’un peu naïf et même cliché à certains moments. L’histoire du jeune Yaya est attachante, sans doute parce qu’elle revêt une grande simplicité et est truffée d’anecdotes colorées.

Aux confins du réel - 8 octobre 2012

S’il est assez rare qu’un spectacle se revendique abscons, en voici un prototype ! Plongée d’un soir dans l’aquarium de nos mémoires, dignement visité par des cachalots colorés. Seul le début de l’histoire s’avère clair : victime d’un accident de voiture en rentrant d’un spectacle d’art contemporain, Sébastien (Sébastien Jacobs), a perdu la mémoire immédiate. Entre rêve et réalité, les moments suivants s’enchevêtrent dans une logique toute onirique que nous n’oserions interpréter. Musique, chant et acrobaties, Patrick Masset joue avec les disciplines pour construire un poème qui résonne comme le chant d’une baleine.

Après avoir fait forte impression cet été 2012 au Festival de Spa, Jean-Luc Piraux entame une tournée de son spectacle "En toute Inquiétude" à travers toute la Belgique. C’est avant tout un spectacle où l’on rit. Mais est-ce là tout ?

Pantins mécaniques, robots, animaux en folie ; crabes, cerf. Meutes de chiens, d’hommes, danseurs, enfants, indien, schtroumpf,… Quelques images parmi d’autres, des impressions. Built to Last, la création de la chorégraphe Meg Stuart et de sa compagnie Damaged Goods est un spectacle autour et à propos de la musique. Qu’est-ce que ces grands « classiques » réveillent en nous ? Comment bouger sur Xenakis, Schoenberg, Beethoven ? Comment habiter ces grands monuments ? Nous laissent-ils libres de nos mouvements ? A travers des tableaux qui semblent s’amuser avec les codes de la représentation, ces différentes questions sont explorées avec inventivité, finesse et humour.

Sous le pouvoir de Napoléon III, pas question de porter "Les Misérables" à la scène. C’est donc à Bruxelles, en 1863, que la pièce fut créée. Depuis cette première, les adaptations théâtrales, les films, les versions télévisées, les comédies musicales se sont relayés pour populariser ce roman-culte. Thierry Debroux l’a abordé de manière cinématographique. En élaguant intelligemment cette oeuvre tumultueuse et en s’appuyant sur un dispositif scénique très efficace, il nous propose un spectacle nerveux, émouvant, qui met en valeur misère, révolte et rachat.

Jeux de l’ego - 1er octobre 2012


Sortir des carcans rationnels et oublier la notion de temps pour donner à la réalité une tout autre dimension... Christine Delmotte semble y être parvenue ou du moins en être très proche. Ca peut paraître flou mais, sur scène, face à Stéphanie Van Vyve et Patrick Brüll, l’approche devient manifeste. Celle du jeu sur l’ego et l’illusion de la réalité via une sorte de thérapie. Du théâtre de grande qualité, déstabilisant, percutant et questionnant.

« I will survive » - 29 septembre 2012

A partir du récit de Florence Aubenas « Le quai de Ouistreham », Isabelle Pousseur, sollicitée par Catherine Mestoussis et Magali Pinglaut, a mis en scène « Les invisibles », un spectacle sensible, physique et percutant. Le public se retrouve parfois témoin, parfois acteur de cette course au CDI, de cet hommage aux humbles, à ces femmes de ménage engagées à des salaires scandaleusement bas par des entreprises de nettoyage peu scrupuleuses. Du théâtre militant porté par deux actrices éblouissantes et très motivées.

Le silence est dehors - 27 septembre 2012


Un road movie sur les planches, c’est vrai qu’on n’en voit pas souvent. Sensationnel en plus, dans le sens où toute la mise en scène concourt à un effet direct et fort sur le public. Au moyen surtout d’images projetées, de chant lyrique, de son et de fumigènes. Mais aussi à travers le jeu à la fois brut et voluptueux de Viviane De Muynck, on y croise des gens, reliques d’un passé révolu, individualités isolées et enracinées dans un temps qui n’existe presque plus.

Exilé à Guernesey, de 1855 à 1870, Victor Hugo se défoule en écrivant "Théâtre en liberté". Un recueil de comédies et de drames inattendus, impertinents, dont fait partie "Mille francs de récompense". Injouable à cause de la censure, cette pièce qui stigmatise l’argent roi, les préjugés bourgeois et la rapacité des financiers, dénonce l’injustice sociale. Avec une verve, un humour malicieux qui privilégient l’esprit subversif et le ton pamphlétaire, au détriment de l’émotion.

Amandine Beyer, une des violonistes baroques les plus douées, interprétera la Sonate n°2 et les Partitas
n°2 et 3 de Bach, un des sommets de la musique virtuose pour violon seul.

Beep ! Beep ! Orphéon Bilboquet joue à franchir les limites. Un pas de trop et le système d’alarme du muséum se déclenche. Ecrivain, Orphéon cherche l’inspiration. Il trouvera bien plus que ça : contemplant un tableau de Bonnard, il fait la connaissance d’Elmer Etcetera, politicien en devenir. Pietro Pizzuti (Orphéon) et Alexandre Trocki (Elmer) rayonnent dans la petite salle du Public, réservée chaque soir à un dialogue tout en finesse et en humanité entre deux hommes différents aux souhaits convergents.

Immigration conditionnelle - 23 septembre 2012


Odyssée est une succession de tableaux/séquences qui mettent en jeu des immigrants et tout ce petit monde interlope qui grouille autour d’eux. Ca sent la peur, la magouille, le désespoir. Ca pue aussi la démagogie médiatique et l’exploitation de masses. Tout ce patchwork est très bien tissé. Parce qu’il forme une quête vers l’Europe tant convoitée. Avec son texte à la fois prosaïque, percutant et drôle à certains moments, Gustave Akakpo fait dans la lucidité acceptable. Même si quelques faiblesses viennent déforcer un propos plutôt fort.

Jouir ou mourir - 21 septembre 2012

Censurée à sa sortie en 1891, « L’éveil du printemps », est une œuvre majeure de Frank Wedekind dans laquelle le dramaturge allemand remet en cause le puritanisme extrême d’une bourgeoisie austère. Douze acteurs contribuent généreusement à cette plaidoirie pour le libre épanouissement sexuel des adolescents, pendant deux heures d’un spectacle inégal et touffu mis en scène par Jasmina Douieb. Intéressante et rythmée, cette nouvelle version n’arrive cependant pas à toucher le spectateur en profondeur, malgré les drames existentiels qui se déroulent sous ses yeux.

Que l’homme me soit conté - 20 septembre 2012

Un spectacle en plein air, un spectacle muet, un spectacle devant être joué dans un immense espace, désolé et vide. L’ancien site industriel de Tour et Taxis accueille la nouvelle création de FC Bergman, ce détonnant collectif flamand que les spectateurs francophones ont la chance de découvrir pour la première fois.

“It’s my life and I do what I want”, certains auront sans doute reconnu les paroles du hit de The Animals… mais lesquels d’entre eux savent que leur auteur est Willem Kroon ?
Willem qui ? Rien de mieux que la conférence décalée de Guy Dermul et Pierre Sartenaer pour le découvrir. Avec intelligence et humour, les deux artistes nous font voyager à travers l’Europe et le XXème siècle.

Entre désolation et espoir - 18 septembre 2012

Dans un reportage sur un camp de réfugiés entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, figurait la photo d’un mariage. C’est la blancheur improbable de la robe qui inspira à Isabelle Hubert cette fable. Comme le souligne la metteuse en scène Geneviève Damas, l’auteure québecoise évite "la vision manichéenne du "bon réfugié", victime éternelle de l’occidental égoïste". Avec tact, elle nous montre comment ces rejetés de la société survivent différemment. Si certains subissent ou exploitent la misère, d’autres s’efforcent de croire à un bonheur à portée de main.

Îles flottantes - 5 septembre 2012

En cette fin de saison, la Balsamine s’illustre une nouvelle fois par une création audacieuse. La chorégraphe et scénographe Kyung-a Ruy propose « Board On, On Board », un spectacle singulier dont le contenu mêle habillement pensée des quatre éléments, travail de la matière pure et vision architecturale. Par un emploi inhabituel des surfaces - au sol comme en suspension, cette oeuvre se distingue et dégage indéniablement une poésie propre, que l’on aurait néanmoins espéré plus consistante dans sa réalisation. Pour les avides de curiosité, ce spectacle vaut cependant le détour.


Quand un homme promet une île, qui ne le suivrait pas ? Surtout s’il y ajoute un emballage de mots défiant la plate réalité. Cet homme, poète pragmatique, séducteur faible et créateur de rêves carburant sec a la picole, s’appelle Frantichek Oïbaba. Et celui qui le suit, Cyril. Rebaptisé Lapidus, un nom de roi soi-disant et aussi d’esclave.
Ensemble, le maître et le disciple vont tenter d’atteindre leur objectif imaginaire. Le maître en usant de stratagèmes et de combines bancales et le disciple en y croyant vraiment mais aussi en désenchantant.

Je, tu... Nous ? - 27 juin 2012

Les lumières s’allument, vives, sur un plateau occupé par sept danseuses. Vêtues de robes longues de teintes sombres, grâce et beauté s’imposent comme concepts premiers aux spectateurs.
Une musique tribale retentit : la percussionniste Robyn Schulkowsky interprète en live Rebonds de Iannis Xenakis. Les corps des danseuses se plient, se tendent, tournent, possédés par ce rythme endiablé qui leur dicte leur énergie. Le ton de la première partie est donné : physique, violent, ininterrompu.

Etre mélan...cool ? - 22 juin 2012

Dans "La Grande vacance", son spectacle précédent, Philippe Vauchel ridiculisait la vanité de la société de consommation et nos dérobades devant la mort. Mêlant dérision, lucidité et bonhomie, il nous invitait à affronter notre condition : mortels mais bien vivants ! "Sherpa" poursuit cette réflexion métaphysique. Dans un style plus tendre, plus fraternel. L’histoire de cet homme, né avec un coeur gros, nous interpelle, nous touche et nous encourage à "grimper haut, à porter lourd."

Humain, trop humain - 12 juin 2012

Oeuvre bouleversante d’un génie fulgurant, le Woyzeck de Georg Büchner demeure inachevé en 1837, lorsque son auteur disparait à l’âge de 23 ans. Les quelques fragments qui constituent la pièce racontent l’existence d’un soldat en lutte pour sa propre vie, plongé dans une société qui ne l’accepte pas. Soutenue par la dramaturgie d’Adeline Rosenstein, la mise en scène de Thibaut Wenger propose une version résolument chthonienne de cet homme ordinaire, en proie aux tourments quotidiens. Au final, l’on obtient une création abondante en propositions, dont le sens réel demeure malheureusement en partie inaccessible.

Après la question du (trans)genre explorée l’année passée, les 90 artistes, les critiques et le philosophe David Zerbib poseront la question des limites de performance elle-même pour cette nouvelle édition de Trouble aux Halles de Schaerbeek. Rien à dire : l’offre est alléchante et grâce à la réputation du festival, c’est les yeux fermés que nous y courons…pour nous prendre un bon poteau dans la figure. Trouble 2012, un rendez-vous manqué.

Dès la première, le 27 décembre 1897, "Cyrano de Bergerac" remporta un succès retentissant. Humiliée par la défaite de 1870, déchirée par l’affaire Dreyfus, la France retrouvait dans cette comédie héroïque, un souffle épique et le goût du panache. La société d’aujourd’hui, gangrenée par la toute-puissance du fric et l’écrasement des faibles, s’indigne. Par son refus des concessions, sa bravoure et son désintéressement, Cyrano nourrit notre besoin d’idéal et nous fait rêver à un monde plus juste. On le perçoit dans la chaleur des applaudissements, qui saluent la brillante performance d’Olivier Massart, incarnant cet anti-héros triomphant.

Territoire de glace - 29 mai 2012

L’hiver des plaines infinies s’invite en plein mois de mai. Ultime spectacle d’une saison placée sous le signe de la variation, Migrations investit la grande salle du Varia, non sans transformer le théâtre en véritable banquise. Par un mariage du patinage et de la danse contemporaine, Nicole Mossoux et Patrick Bonté nous racontent le destin de ces humains, ponctuels immigrés ou nomades éternels, qui survolent les territoires à la recherche d’une demeure favorable. Innovation formelle, poésie picturale et précision chorégraphique font de ce Migrations une grande réussite, qui ravira ceux dont l’esprit se plait à vagabonder d’un paysage à l’autre.

Le Non du père - 21 mai 2012

Montée au Théâtre de Poche, en novembre 2011, la pièce de Julie Annen "Les Pères" nous proposait les témoignages sincères et émouvants de cœurs mis à nu. "Le Test" aborde la paternité sous un angle très différent. C’est l’implosion d’une famille bien comme il faut que nous montre Lukas Bärfuss. Dans un style cinglant, qui rend cette dénonciation de l’individualisme implacable et convaincante.


Pas de sens apparent à ce vaste show qui opère entre musique, danse et théâtre. Alors oui, ça se veut très bien construit et visuellement éblouissant. En à peine une heure, on n’a pas le temps de s’ennuyer mais juste de se demander si on va entrevoir une certaine cohérence à ce délire « maîtrisé »...

Pour illustrer le drame de l’acteur confronté au vieillissement, Thierry Debroux, le nouveau directeur du Théâtre du Parc, a eu la malice de réunir, dans une maison de retraite, Yves Larec, son prédécesseur, et deux de ses vieux complices Michel de Warzée et Jean-Claude Frison. Exploitant astucieusement les rapports entre le théâtre et la vie réelle, il leur a écrit une comédie grinçante, teintée parfois d’émotion. "Les Cabots magnifiques" nous parlent de problèmes, qui nous angoissent tous, en nous faisant énormément rire.

Tomber en grâce - 7 mai 2012

Déroutant mais brillant, ainsi peut-on résumer ce Fall into the show. Partant sur les bases formelles d’un one-woman-show traditionnel, la comédienne Gwen Berrou casse la frontière des genres pour offrir un produit parfaitement homogène. Oscillant entre improvisation, jeu classique et performance, ce délicieux spectacle divertit par son humour, étonne par sa créativité et emporte définitivement dans l’intimité d’une femme en proie à la chute permanente. Une variation sur la décadence humaine que l’on recommande chaleureusement.

Insanely yours - 7 mai 2012

Oeuvre majeure du répertoire, La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco n’a pas fini de clamer son absurdité au monde. Cette nouvelle version, mise en scène par Daniel Scahaise, emprunte une orientation résolument expressive et burlesque. Les comédiens parcourent la gamme entière de la démence, pour le plaisir entier du public. Drôle et désaxé, le spectacle l’est très certainement. Au risque peut-être d’ensevelir les nuances qui se cachent au cœur du texte.

Le bonheur est cette chose fugace qui se cache dans la trame de l’existence : il est délicat d’en vouloir extraire le fil sans défaire le canevas entier. Chacun essaie ainsi de cultiver pour lui ces moments où nous semblons disparaitre dans notre bulle. Cette thématique du bonheur personnel est au coeur de Hako Onna, création de la chorégraphe Uiko Watanabe. Point de stylisation ni de grands moyens. Tout est tracé sur une toile de lin, aussi simplement que les pétales de cerisiers se détachent de leur branche. Malheureusement, cette danse du quotidien pourra sembler déforcée par sa fragile nature. Délicatesse ou inconsistance, le public aura le dernier mot.

Frappée par le désamour, que l’on sent au Nord du pays, Geneviève Damas nous interpelle sur la manière de vivre ensemble, dans une patrie en train de se désagréger. Ni séparatiste, ni unioniste, "Paix nationale" est une fable qui suggère que : " la Belgique, c’est quelque chose de purement irrationnel, de complètement émotionnel, de tout à fait paradoxal."

Après Sarah Kane et Imre Kertesz, c’est un autre auteur contemporain à la plume torturée et puissante qui est monté au Théâtre Océan Nord. Le texte du suédois Lars Norén nous parle des rapports tendres mais surtout douloureux qui se nouent entre les membres d’une famille. Entre les non-dits et les cris, chacun cherche à affirmer sa place sous les regards examinateurs des voisins.


Passionnant, bouleversant, … Non, c’est trop faible dit comme ça. Prenez plutôt un scénario, mix de Ken Loach et de Jean-Pierre Jeunet version scandinave, un humour assez brit mais avec une langue française qui explose les académismes, du délire plausible tant il est incarné avec une naïve subtilité et puis aussi des thèmes fondamentaux carrément déshabillés. « Ma chambre froide », c’est cet improbable métissage et beaucoup plus.

L’oeuf ou la poule - 23 avril 2012

"Il y a de l’oracle dans l’air." cette unique réplique donne le ton de ce spectacle déjanté. Singeant avec amour la civilisation grecque, Claude Semal et Ivan Fox revisitent l’un des mythes fondateurs de notre continent. L’humour belge y côtoie le genre tragique sans aucun complexe, pour un résultat simple mais efficace. Sans révolutionner l’art comique ni la vision du théâtre antique, cette proposition fort agréable ravira les amateurs du genre.

Des Genet en paix - 23 avril 2012


Corps réels ou imaginés qui s’attirent et s’affrontent, miroirs ou fantasmes d’un même homme, la dramaturgie torturée et intense de l’auteur s’étale dans un récit aussi passionnant qu’étrange. Frédéric Dussenne synthétise avec une poésie tranchante le passage dans la vie de Genet, homme multiple en combat permanent. Une sorte d’hommage en le ressuscitant.

Un policier attend son collègue et amant, des marchands d’arts montent une escroquerie pour vendre un tableau qui perd ses couleurs, un mathématicien découvre une formule laquelle, introduite dans un ordinateur quantique, permettra de prévoir l’avenir,... Toutes ces scènes et bien d’autres se déroulent simultanément dans un motel quelconque à la périphérie de Las Vegas. Cinq histoires pour représenter les diverses facettes de la bêtise humaine, cinq acteurs pour donner corps aux 25 personnages de la pièce de Rafael Spregelburd, voilà un petit aperçu de la nouvelle création de Transquinquennal. Une occasion de découvrir cet auteur argentin et de rire de nos travers.

Le bruit et la fureur - 23 avril 2012

Déjà sept mois que Pinocchio le Bruissant a quitté Liège et son Théâtre de la Place. Accompagné de sa joyeuse troupe fantasmagorique, le célèbre pantin de bois fait désormais escale au théâtre Varia. Adaptation libre du conte de Carlo Collodi, le texte d’Eugène Savitzkaya est soumis à la fougueuse direction de Pietro Varrasso. Malheureusement, cette version grasse et furieuse aura grand peine à séduire les nostalgiques qui espèrent retrouver la tendre histoire de la marionnette qui voulait devenir « un vrai petit garçon ». Véritable déception pour un spectacle prometteur.

Le metteur en scène Xavier Lukomski considère que cette "Forêt", écrite en 1870, "résonne comme un révélateur de notre XXIe siècle, où tout est à vendre ( et pour pas cher), les banques, les ports, les dettes, les pays..." Pour souligner son actualité, il s’appuie sur une nouvelle adaptation (co-écrite avec Natacha Belova et Michèle Hubinon), qui nous laisse sur notre faim. On s’intéresse à l’opposition entre la cupidité d’une société, où règne le mensonge, et la générosité des acteurs, qui font rêver à un autre monde. Mais, alourdie par des scènes d’exposition laborieuses et des dialogues bavards, cette comédie manque d’entrain et nous montre des personnages plus déconcertants que passionnants.

Deux reines - 2 avril 2012

Deux femmes sur le bord d’une nationale en train de faire du stop, ça n’a rien d’exceptionnel me direz-vous. Peut-être est-ce de moins en moins courant mais cela n’a rien d’exceptionnel. Toutefois, avec Fugueuses ce serait carrément sous-estimer le caractère explosif de Claude et le côté naïf de Margot…

Pour le plus grand plaisir des spectateurs, Michel Noiret et ses danseurs s’amusent avec les codes du film noir dans "Minutes Opportunes". Autour de quelques objets clés, sur un plateau blanc immaculé, les quatre danseurs se croisent, s’accostent, se poursuivent, donnant à voir les différents possibles de la relation humaine. Machination, mystère et angoisse sont au rendez-vous pour cette création ludique et inventive.

Adop-tueuse - 30 mars 2012


C’est étonnant comme on croit toujours que l’adoption en occident, c’est quelque chose de bien, de beau, orné justement de bonnes intentions. L’image des parents adoptifs sauveurs de vies.
Eh bien, il faut croire qu’on se trompe parfois. C’est ce qu’a lourdement relaté Cathy Min Jung dans un seul en scène empreint d’une extrême froideur, tragique et à la fois déterminée.

Shakespeare sur le fil - 27 mars 2012

Marier le tragique de Titus Andronicus avec les frasques comiques de Comme il vous Plaira : le pari ne semble pas gagné d’avance. Aussi bien pictural que littéraire, Cet audacieux Banquet ne laissera pas indifférents celles et ceux qui s’abandonneront à cet objet artistique des plus atypiques. Amateurs de l’esthétique contemplative, cette création devrait vous convenir. Pour les autres, le spectacle s’appréciera sans doute moins facilement.

A l’Océan Nord, les festivités continuent pour les trente ans du théâtre. Après la reprise de « Khaddish » au mois de février, c’est « 4.48 Psychose » qui est à présent rejoué. Un texte témoignant de la souffrance psychique de son auteure, un texte complexe et sombre que la mise en scène d’Isabelle Pousseur et la scénographie de Michel Boermans parviennent à éclairer et à transmettre dans toute sa richesse au spectateur. Grâce au talent de Catherine Salée et de Véronique Dumont, c’est un spectacle puissant, émouvant mais jamais pathétique qui est présenté et qu’il faut aller voir.

Après le VRAK festival qui s’est déroulé autour de la place Flagey le mois dernier, c’est à présent le théâtre National qui présente sa sélection de « courts ». Le XS (pour eXtra Small) c’est 18 spectacles à la durée variant entre 5 et 25 minutes. Un défi pour les artistes qui doivent convaincre en un temps qui ne laisse pas le droit à l’erreur mais aussi une occasion d’aller à l’essentiel.

Depuis plus de vingt-cinq ans, Normand Chaurette écrit "avec et contre Shakespeare". Cette collaboration musclée, qu’il a décrite dans "Comment tuer Shakespeare" (2011), a produit une douzaine d’adaptations. C’est en cherchant à traduire "Richard III" qu’il a été attiré par les personnages féminins de cette tragédie. En leur donnant la parole, il nous introduit dans les coulisses du pouvoir. Ces "Reines" s’épient, se jalousent, se déchirent. Avec la férocité des hommes, dont elles dépendent. Touffu, parfois obscur, le texte de l’auteur québecois explore remarquablement la noirceur de l’âme humaine.

A l’Atelier 210, on réveille les fantômes de l’histoire. Ils sont peu nombreux, les Belges qui se souviennent du passé tourmenté des Cantons de l’Est. Si les guerres mondiales ont jeté les peuples dans la bataille sanglante, elles ont également déchiré des pays entiers, rabattant violemment des communautés les unes contre les autres. Seul en scène et sous la direction de Michael Delaunoy, Serge Demoulin relève le défi d’emporter le spectateur dans son jardin familial, rythmé par les kermesses, l’alcool et la folie des hommes. Le résultat est convaincant, mais il y manque une certaine efficacité scénique pour conférer à cette pièce un caractère définitif.

Aux Halles de Schaerbeek, deux spectacles pour explorer la relation à soi, la relation à l’autre. Chacun à leur manière, avec les moyens du cirque, les artistes dans un questionnement identitaire. En première partie, les Français de la compagnie « Un loup pour l’homme » reviennent avec un nouveau spectacle intitulé « Face Nord ». On retrouve leur intérêt pour le toucher, le contact et ses incidences sur notre rapport à l’autre. En seconde partie, Kenzo Tokuoka monte sur son monocycle pour insister sur la fluidité de nos identités et sur l’ambiguïté des sentiments qui nous animent.

Aux Halles de Schaerbeek, deux spectacles pour explorer la relation à soi, la relation à l’autre. Chacun à leur manière, avec les moyens du cirque, les artistes dans un questionnement identitaire. En première partie, les Français de la compagnie « Un loup pour l’homme » reviennent avec un nouveau spectacle intitulé « Face Nord ». On retrouve leur intérêt pour le toucher, le contact et ses incidences sur notre rapport à l’autre. En seconde partie, Kenzo Tokuoka monte sur son monocycle pour insister sur la fluidité de nos identités et sur l’ambiguïté des sentiments qui nous animent.

Une nuit au théâtre - 17 mars 2012

Bl !ndman c’est quatre quatuors interprétant un répertoire de musique classique contemporaine. C’est aussi un groupe engagé dans le questionnement sur l’espace, les conditions de réception et les attentes des spectateurs. Dans « Cube », le troisième volet de « Kwadratur », les musiciens investissent différents lieux du Kaai, permettant au spectateur de faire l’expérience d’une autre écoute, d’un autre concert.

Cuivre et cirque - 15 mars 2012

Souvenez-vous : en 2007 le gouvernement français s’interroge sur ce qui constitue l’identité française et crée, pour y répondre, le ministère de l’identité nationale. Cette volonté de définition de ce qui est français et de ce qui ne l’est pas n’a pas manqué d’inquiéter une frange de la population. Si les intellectuels écrivent des textes, c’est au moyen de la musique et de l’acrobatie que Circa Tsuica met en scène ce qu’une telle question lui évoque. Revisitant les épisodes de l’histoire de France lors desquels le nationalisme a été particulièrement exacerbé, la troupe se moque gaiement de tout ce qui est censé faire la grandeur de la France : la meilleure cuisine, les plus belles femmes, les plus vaillants soldats qui partent le sourire aux lèvres, fiers et heureux de mourir pour leur patrie. A travers une succession de sketchs dans lesquels les instruments de musique sont des personnages à part entière, les circassiens font rire le public tout en lui proposant de s’interroger, à partir d’images du passé, sur l’avenir de la société.

"Aujourd’hui, la croissance a tendance à s’étirer de tous les côtés, dans une sorte d’obésité." Frappé par ces propos d’économistes, Dominique Bréda met en scène la boulimie de notre société, qui en veut toujours plus, sans savoir pourquoi. Une fois encore, il s’attaque à un sujet grave, avec son humour décapant. Mais cette comédie, qui sacralise la bouffe, n’est pas cuite à point.

Célèbre pièce d’August Strindberg, « Mademoiselle Julie » a été interprétée par les plus grandes et en particulier tout récemment par Juliette Binoche à Avignon. Anouchka Vingtier reprend le flambeau avec charme et conviction bien entourée par Fabrice Rodriguez, ambitieux et manipulateur, et par le jeu discret de Catherine Grosjean, dans le rôle de la servante. Confrontation entre classes sociales, désir illicite et tentative d’évacuer les blessures passées, un beau moment de théâtre naturaliste.

"Le Joueur d’échecs", "La Confusion des sentiments", "Vingt-quatre heures de la vie d’une femme"... 70 ans après sa mort, Stephan Zweig est fréquemment à l’affiche. Ces récits, où il fouille avec finesse l’âme tourmentée de personnages complexes, se prêtent à l’adaptation théâtrale. Dans sa mise en scène de "La Pitié dangereuse", Vincent Dujardin s’est efforcé de souligner l’ambiguïté des rapports humains et le poids des "silences qui trouent la parole".

Arrivé au terme d’un long processus de travail, voilà qu’émerge Faisons des Vivants. Deux destins de femmes : Christine Horman et Isabelle Puissant nous invitent dans l’intimité de leur vie. De l’enfance à l’imaginaire, du souvenir au rêve, nos deux voyageuses remontent de leur naissance vers le ciel de leur ancêtres. Dispositif notable, le spectateur est convié à partager cette aventure en laissant derrière lui (à la dernière page de son programme) un dessin, un geste ou un poème, ce que son ressenti lui aura inspiré. Notons au passage que ces collections de bouts de vie seront exploitées lors de la représentation du 11 mars, à 17h. De quelle façon ? Cela reste à découvrir. Faisons des Vivants est une curieuse expérience qui touchera la sensibilité de certains, tandis que d’autres y resteront malheureusement indifférents.

Transposer Dracula sur la scène ? L’idée semble séduisante. L’univers du Prince de Ténèbres, parcouru de cryptes humides et de manoirs gothiques, parait tout désigné pour être développé dans l’espace confiné du théâtre. A travers leur adaptation du roman de Bram Stoker, Sofia Betz et Antoine Bours souhaitent offrir une version du mythe alliant horreur, burlesque et réflexion. Malheureusement, le résultat final est miné par une batterie de procédés inutiles. Dommage pour ce Dracula, dont les intentions louables sont étouffées par de regrettables trivialités.

Après avoir été applaudi en Avignon cet été, Bloed & Rozen enchante le public bruxellois au Kaaitheater. On comprend pourquoi : le spectacle mis en scène par Guy Cassiers c’est, pour faire très court, de fabuleux acteurs vêtus de costumes inventifs interprétant avec force le texte de Tom Lanoye. Ce texte simple, beau et poétique raconte l’histoire de Jeanne d’Arc et de Gilles de Rais dans un flamand qui résonne et nous fait vibrer comme rarement.

Ce « je » sera celui des dix personnages qui viendront tour à tour se livrer sur scène. Dix femmes différentes, dix types, presque des clichés. De la laide femme à lunettes amoureuse d’un assassin à la future mère suicidaire, ce sont des témoignages tantôt drôles tantôt tragiques qu’interprètent au théâtre de la place des Martyrs quatre comédiennes talentueuses.

Psychologique et intimiste, « Nœuds » explore les imbroglios humains. Deux femmes, Raphaëlle Blancherie et Karine Jurquet se partagent la scène, dans une analyse brute de leurs expériences. Elles évoquent leurs amours, leurs échecs, leurs regrets, leurs passions ou leurs interrogations. Un spectacle court et étrange, qui emmène le spectateur dans un voyage mental basé sur la parole et le langage des corps. « Nœuds » , comme symbole de la complexité humaine : un partage d’intimité réussi.

Cela fait maintenant plus d’un an que Benoit Verhaert et son équipe sillonnent les salles et cafés de Belgique, afin de présenter La Chute d’Albert Camus, terrible testament d’un homme désabusé par l’existence. Ce cabaret ambulant de la débauche humaine a entamé sa tournée en 2010, au Café Central de Bruxelles. Désormais, il fait une escale au Théâtre Varia, charriant avec lui son débit d’alcool, ses tables et ses clients. Adaptation incisive du roman éponyme paru en 1956, cette Chute orchestrée par Benoit Verhaert et délicieusement accompagnée par la voix pénétrante de la chanteuse Laïla Amezian, achève de plonger le spectateur dans les tréfonds inavouables de notre coupable humanité. Le théâtre de proximité a encore de beaux jours devant lui.

« Bourgeois à la con ayant réussi l’exploit d’entrer au Conservatoire national d’Art dramatique » comme il le dit lui-même, Sébastien Thiéry s’est mis à écrire à la trentaine, après un constat d’échec professionnel et quelques détours par le monde de la télévision. Depuis, cet homme pressé et impatient fait son chemin. Il a écrit Sans ascenseur, Dieu habite Düsseldorf, Le début de la fin, et Cochons d’Inde, qui lui vaut deux Molières en 2007.

Souffrance radicale - 2 mars 2012

Première mise en scène du jeune acteur Vincent Hennebicq, "Parasites" provoque, choque ou interroge. Six personnages, très sombres, tentent de communiquer, accablés par le destin, dans un univers fait de sacs poubelles gris. Faut-il rire ou pleurer, compatir ou condamner, un questionnement à plusieurs niveaux qui renvoie le spectateur à ses propres émotions.

D’abord il y a le frère : « Il nous faut l’eau courante. Sans l’eau courante, ça ne va plus nulle part ». Il faut rénover la ferme et reconvertir pour gagner de l’argent, pouvoir se laver tous les jours et faire venir une femme. Et puis il y a la sœur qui dit que le frère a plein d’idées et ces idées lui font briller les yeux. Enfin, il y a le père qui ne veut pas. L’argent du lait c’est du solide pour le paysan, dit-il. Alors le frère et la sœur piquent le tracteur et s’en vont, à la ville, pour commencer à vivre.

Les Bozar nous ont concocté une merveilleuse soirée à ne manquer sous aucun prétexte :

Khatia Buniatishvili et Truls Mørk, deux virtuoses en récital.
Khatia Buniatishvili et Truls Mørk font escale à Bruxelles pour un concert exceptionnel. Les deux artistes mettent leur talent au service de Beethoven, de Chostakovitch et de Rachmaninov.

La Guerre en pleine figure - 20 février 2012

Les images de guerre, qui se bousculent sur nos petits écrans, nous attristent, mais nous les regardons avec détachement : c’est bien loin tout ça... Dans "La Maman du petit soldat", Gilles Granouillet s’est efforcé de "nous faire sentir les choses de l’intérieur". En nous plongeant dans l’atmosphère cauchemardesque, où se débattent trois personnages à l’identité brouillée, il fait palpiter la guerre. Comme une onde de choc qui nous envahit.

Le théâtre Océan Nord ne fête pas les trente ans de son existence dans la frivolité, au contraire. A travers trois mises en scène d’Isabelle Pousseur, ce sont des textes durs et violents qui sont repris à cette occasion. Parmi ceux-ci : « Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas » du prix Nobel de littérature, Imre Kertész. Ceux qui ont lu ce récit d’un juif rescapé d’Auschwitz, lequel, en s’expliquant sur son refus d’enfant, nous livre ses pensées sur la vie et l’humanité tirées de son expérience des camps, comprendront le défi que constitue son adaptation pour la scène.

Avec This Is How You Will Disappear, Gisèle Vienne invite à une promenade à l’intérieur de l’inconscient collectif. Au moyen d’images baignées dans un espace sonore mixant gazouillements d’oiseaux, halètements et musique post-rock, elle pose la question de notre rapport ambigu à la beauté et à la nature. Entre harmonie bienfaisante et angoisse, la forêt sert de révélateur aux forces contradictoires qui animent non seulement les personnages mais également chacun d’entre nous.

Adieu ma poule - 15 février 2012

Les mises en scène passées de Frank Castorf nous l’ont appris : c’est en déconstructiviste que ce dernier s’empare des textes. Entre ses mains, ceux-ci sont des matériaux à disséquer, mélanger, transformer. Castorf ne porte pas des classiques à la scène pour simplement mettre des mots en images ; ce n’est pas à l’histoire des amours de Marguerite Gautier et d’Armand Duval qu’il s’intéresse. Non, la dame aux camélias est convoquée afin de mettre en lumière l’hypocrisie de son amant et à travers elle celle d’une société pour laquelle, comme le déclare le metteur en scène : « une bonne pute est une pute morte. Mais(...)c’est quand même bien de coucher avec elle avant. ». Castorf n’en démord pas, c’est encore la société capitaliste qu’il veut critiquer et c’est à cette fin qu’il utilise les mots d’Alexandre Dumas fils. En y greffant des extraits de “La Mission” de Müller et de “L’histoire de l’œil” de Bataille, il les décontextualise et élargit, ce faisant, leur portée.

Le grand retour de Boris S. - 13 février 2012

A priori, nous voilà face à trois thèmes sérieux (père et fils « en pétard », théâtre dans le théâtre et l’identité juive) et l’on pourrait s’attendre à un théâtre didactique, un peu lourd...c’est tout le contraire qui se produit.

Un Caricaturiste féroce - 11 février 2012

En jouant "Hétéro-kit", co-écrit avec Romain Robert, Yann Mercanton lance "un défi à ce qu’on veut bien nous faire croire." Il souhaite que le rire change notre regard et nous rapproche des autres. Cette intention humaniste se disperse dans la vingtaine de portraits au vitriol, qui composent ce spectacle au scénario inconsistant. On admire avant tout la performance d’un acteur électrisant la scène, par son ironie caustique et sa vitalité élégante.

Avec des projets atypiques comme Mind Out, Kill Me Please – auxquels nous avons eu la chance d’assister – La Mouette, Mais qui est donc Don Quichotte ?, Petites Histoires de la folie ordinaire – que nous n’avons malheureusement pas eu le loisir de voir – et maintenant Psy Cause(s), il n’y a plus aucun doute : le Théâtre 140 a du nez !

Aveuglement fatal - 2 février 2012

"Le roi Lear ou Le Père Goriot relu par Beckett" (François Ost). Cette tragédie shakespearienne, pleine de trahison, de crimes, de bruits et de fureur est aussi un drame familial corrosif et une fable métaphysique, qui interroge l’homme sur l’absurdité de sa condition. Soutenu par une équipe bien inspirée, Lorent Wanson a réussi à rendre accessible sa complexité, en préservant sa rugosité.

Beaucoup d’imagination et de subtilité dans cette nouvelle adaptation du texte de John Buchan déjà mis en scène en 1935 par Alfred Hitchcock. Michelangelo Marchese interprète magnifiquement le rôle du jeune homme oisif de 37 ans qui s’ennuie dans son appartement londonien. Entouré par la gracieuse Joséphine de Renesse, aussi crédible en femme élégante qu’en paysanne écossaise, et aussi par Gaëtan Lejeune et Marc Weiss, qui changent de rôle comme de chapeau, ce quatuor relève brillamment tous les défis.

De la candeur au malheur - 30 janvier 2012

Confrontation entre la naïveté d’une jeune femme troublée et le monde des adultes, « Les névroses sexuelles de nos parents » propose une réflexion sur la normalité dans la sexualité, et aussi, indirectement, sur la place d’une jeune handicapée dans la société moderne. N’offrant pas de réponse, le spectacle suggère des questionnements, il s’agit donc du récit d’une tranche de vie, chacun s’interrogera sur les dérives auxquelles il aura été sensible. Une histoire intéressante, sans objet manifeste, juste quelques humains dans leur rôle quotidien.

Ceci est un chanteur utile - 28 janvier 2012

Dans une de ses chroniques "Le pays petit", Claude Semal affirmait : "Je continue à vivre, à travailler et à chanter dans ce "pays siamois", avec la même passion, la même exaspération... et parfois bien sûr les mêmes doutes." Il n’a pas changé. On retrouve dans "Ceci n’est pas un chanteur belge", un artiste écoeuré par la déliquescence de la Belgique (BELGIK = belge ik ?), désabusé par le progrès mal digéré, révolté par l’écrasement des faibles, mais aussi un quinquagénaire qui refuse le désespoir.

Dans Le Sabotage Amoureux, la deuxième adaptation au théâtre d’Amélie Nothomb par Christine Delmotte, on fait rimer « Amour » avec « jeu », et « jeu » avec « Guerre ». Ces mots sont la triade infernale qu’a vécu l’auteure à ses sept ans, dans un « ghetto » diplomatique, en pleine Chine communiste. L’Amour, c’est Elena, « le centre du monde » sur lequel le triomphe signifie briser l’indifférence ; et le jeu, c’est cette épopée héroïque de l’enfance, la seule assez digne d’être vécue, la seule, la vraie, la guerre. Amour et jeux guerriers sont les écoles savoureuses d’Amélie, qui nous raconte sa découverte de la cruauté de l’enfance conjuguée à l’humour et le dynamisme d’une mise en scène haute en couleur.

Un Deuil stimulant - 26 janvier 2012

"L’important n’est pas d’arriver, ni même de partir, c’est le voyage, c’est de s’offrir une petite cigarette bien méritée, c’est de mordre la vie à belles dents." Par cette phrase, le metteur en scène Patrice Kerbrat souligne la vitalité des "deux petites dames", qui se lancent allègrement dans un pèlerinage funèbre. Un road-movie tonique, qui évoque la fusion entre deux sœurs, le deuil et le vieillissement, avec humour et émotion.

Comme en réponse à l’appel de Stéphane Hessel, la compagnie flamande Tristero se propose d’explorer les raisons de notre inertie. Une librairie, symbole de la complexité du monde contemporain, accueille les petites fourmis que nous sommes, tellement engluées dans les interconnections d’un système qui nous dépasse tellement qu’on ne sait même plus contre qui nous indigner. Alors on n’y pense plus, on vend et on achète. Comme le disait déjà Montesquieu, rien de tel que le commerce pour adoucir les moeurs.

Please Kill Me ? C’est initialement le titre d’un ouvrage paru chez Allia en 2006. Please Kill Me, c’est l’histoire du punk, racontée par ses acteurs. C’est 625 pages d’anecdotes, de souvenirs, de vécu. Racontées par qui ? Iggy and the Stooges, The Sex Pistols, The Dictators, The Ramones et leurs complices. Et les voilà qui débarquent au théâtre…

La vérité en surface - 23 janvier 2012


De la belle matière première à ce texte de Brigitte Bailleux : les lettres que son père envoyait à sa famille quand il était à la guerre. Le regard sur le père comme fils par sa propre fille. Oui, les mots simples peuvent contenir beaucoup de poésie. Mais ici, ça sonne un peu creux – dans le sens où on a l’impression que l’auteure a eu peur de toucher aux mots qui ne lui appartiennent pas - et trop intime pour être vraiment partagé. Ça se veut onirique quand on dirait plutôt un patchwork d’idées accumulées qu’on a voulu ressortir en vrac mais dans une même création.

Né d’un père tunisien et d’une mère suédoise, Jonas Hassen Khemiri est fasciné par les problèmes d’idendité. Témoin : "Un Oeil rouge", son premier roman, dont Halim, le héros, est en lutte contre une intégration caricaturale. Dans "Invasion !", il s’attaque aux malentendus et aux clichés qui nourrissent le racisme. Malheureusement, cette comédie hybride manque de ressort et rate parfois sa cible.


Dans « Le signal », il en pleut, plic-ploc, du début à la fin. Un rappel à la terre sans doute et à toutes les métaphores qui y prennent racine. Peut-être même un fil conducteur un peu faible à ce spectacle qui aborde 5 histoires très singulières, 5 biographies qui ont en commun le décrochage par rapport aux lourds carcans sociétaux, 5 formes de marginalité très vivantes. On en retient de la puissance et du cri libérateur mais on capte aussi un penchant à la bordélo-comédie.

D’abord, il y a le titre de la pièce qui titille la curiosité. Puis il y a le pitch qui émoustille déjà les zygomatiques. Vient alors la distribution dont les noms évoquent des synonymes de talents réunis. Il y a aussi l’annonce du programme qui nous dit « ces joyeux bras cassés sont doués pour rien sauf pour nous faire rire » Et enfin, il y a le théâtre qui les invite, dont le leitmotiv nous promet « ça va être dur de ne pas rire ». Gonflé à bloc par ces teasers alléchants, et après avoir traversé les émeutes de Matongé pour arriver au Théâtre de la Toison d’Or, ce soir-là, on se dit qu’on va prendre une bonne dose de rire bien méritée !

Les monologues de la Marijuana. Voilà un titre pour le moins éloquent ! Vous aussi vous imaginez voir tous les fumeurs de Bruxelles qui se sont donné rendez-vous au théâtre de Poche pour, une fois n’est pas coutume, aller au théâtre (rien que le mot les glace d’effroi : « ce truc pour intellectuel, là ? Ouuuh, tu crois qu’on va avoir mal à la tête ? ») attirés comme des mouches par le cinquième mot du titre ? Au risque de vous surprendre, il n’en est rien…

Quel honneur ! Quelle bonté ! Quel dévouement ! Aujourd’hui (et ce jusqu’au 31 décembre, bougre de chanceux), l’humoriste Bruno Coppens a fêté son demi-siècle avec nous ! Vous en connaissez beaucoup, vous, des hommes qui peuvent se targuer d’aimer et de se consacrer à tel point à son public qu’ils n’hésiteraient pas à célébrer sur scène leur premier pied dans la tombe, encore et encore, inlassablement avec joie et bonne humeur ?

Lady Sings the Blues - 19 décembre 2011


Tout en charme et en sobriété, Viktor Lazlo nous offre un moment jazz au théâtre, puis, bientôt, dans d’autres salles. Elle évoque la vie sombre de la chanteuse noire américaine Billie Holiday par quelques phrases déposées parmi ses chansons, quelques photos projetées pendant les morceaux ou un gardenia blanc dans ses cheveux, la fleur qui ne fera jamais d’elle une blanche… Un délicieux moment hors du temps.


Pour clore le chapitre qu’il avait consacré aux contes, le Magic Land Théâtre nous emmène au pays des mille et une nuits, dans un Bagdad revu et corrigé par la plume et l’imagination débordante de Patrick Chaboud.

Après "Die siel van die mier (L’âme des termites)" et "Liefde/ zijn handen (L’amour/ses mains)", "De gehangene/ Les pendus" est la troisième oeuvre issue de la collaboration entre Josse de Pauw et le compositeur Jan Kuijken.

Tout blanc, tout noir. - 9 décembre 2011


Si nous étions des plus inquiets quant à la tournure qu’une pièce telle que Georges Dandin in Afrika pouvait prendre, nos craintes se sont révélées totalement injustifiées… Nous sommes loin d’une assommante homélie sur les situations peu cocasses qu’ont subies les pays subsahariens, Dieu merci !

Frappé par la multiplication des suicides sur le lieu de travail, Dominique Bréda nous plonge dans la violence insidieuse, qui empoisonne l’entreprise. Avec un humour grinçant, un goût de l’absurde, mais aussi un désir de défendre ses personnages déboussolés, qui rendent cette satire attachante et cruellement drôle.

Première adaptation théâtrale du célèbre film mettant Marlène Dietrich en vedette, cette version de « L’ange bleu », mise en scène par Michel Kacenelenbogen, s’écarte du drame cinématographique. Oscillant entre comédie musicale, cabaret, cirque, comédie et tragédie, le spectateur se trouvera quelque peu dérouté, d’autant que la ressemblance entre Marlène et Laura Van Maaren, qui l’incarne, est quant à elle, évidente. Léger, distrayant, « L’ange bleu » s’inscrit dans la tradition des spectacles de décembre : music-hall et belles gambettes.

Grands crus ! - 5 décembre 2011

Toujours activement occupé à s’installer, The Egg propose un bain d’humour anticonformiste avec une reprise de l’émission culte des années 80 « Ça, c’est palace ». Mêlant absurdité, trivialité et jeux de mots habiles, cet ensemble de saynètes amusera ou consternera. Fidèle à l’esprit de la série et aux textes initiaux, il manque toutefois les changements de décors, qui apportaient un dynamisme esthétique à la danse des séquences. Une belle parade d’acteurs remontés, pour amateurs de moumoute en soupe, de directeur qui n’apprécie pas le bordel dans ses partouzes et de championnat du monde de patins (baisers) artistiques. Décoiffant et déjanté.

Avec ou sans divan - 23 novembre 2011

"Aucun des acteurs n’avait encore posé son... état d’âme sur le divan, j’avais donc une petite longueur d’avance sur eux et pouvais orienter pas mal d’idées sur le travail du conscient et de l’inconscient, la part cachée, invisible ou révélée des sentiments." Cette confidence de Bernard Yerlès, le metteur en scène, reflète sa volonté d’exploiter le mystère qui entoure la relation ambiguë entre deux personnages en errance. Leurs jeux de manipulation et de séduction, éclairés par des commentaires tantôt sentimentaux, tantôt psychiatriques, rendent cette comédie captivante.

It’s a pig’s world - 21 novembre 2011


Une petite cabane en bois abritant un sauna ; un parterre de gazon. Point. Trois hommes préparent leur plan machiavélique pour sauver la ville dont ils ont le pouvoir. Chacun d’eux représente en quelque sorte un cliché de la politique : le showman, le « scribe » et le penseur. Humour, cynisme et stratagème cohabitent dans cette pièce qui n’use d’aucun détour pour afficher la mécanique du pouvoir dans sa simple perversité.

Parodie des rapports belgo-marocains, « Moudawana Forever » exagère les caractéristiques des deux communautés tout en les associant au travers de relations amoureuses. Jean-François de Chaumount-Gistoux va épouser Nadia, tandis que Marc s’apprête à quitter Chantal pour Shéhérazade de Casa. Conçu comme une suite de saynètes, ce spectacle a déjà fait ses preuves en 2010. Mais la "Moudawana", droit de la famille au Maroc, a été révisée en 2004 par Mohammed VI, cette révision constitue une amélioration du statut de la femme et il faut que cela se sache ! Zidani et Ben Hamidou nous proposent une petite soupe de frites et de loukoums, parfois un peu bâclée, mais souvent délicieuse !

Sexe sans plus si affinités - 21 novembre 2011

Nouvelle adaptation du merveilleux texte de Philippe Blasband, à la fois audacieux et pudique, au Egg, tout récemment inauguré. On s’interroge, Jasmina Douieb et Georges Lini pourront-ils succéder à Nathalie Baye et Sergi Lopez, le film de Frédéric Fontaine ayant eu le succès que l’on sait ? La réponse est positive, le dialogue singulier auquel se prêtent les deux protagonistes est percutant, répliques et pensées s’entremêlent sans s’entrechoquer, et même si l’on connaît l’histoire de ce couple qui souhaite assouvir un fantasme avant d’entrer, on se plaît à participer à ce partage d’intimité, ces 55 minutes d’authenticité, ce texte si particulier.

A Coeur ouvert - 17 novembre 2011

A la naissance de Noé, son deuxième fils, Julie Annen ressentit le besoin d’écrire les impressions d’un homme qui devient papa. "Ce texte a désigné
chez moi une brèche, un vide à combler : je ne savais rien des intérieurs des pères." Aussi, sans but précis, elle a interviewé une cinquantaine de pères de cultures, d’origines et de milieux sociaux différents. Dans cette moisson, elle a choisi 27 témoignages, qui composent un spectacle émouvant et sincère. Sans pathos ni prétention intellectuelle, il nous fait entendre la voix de coeurs mis à nu.

"J’ai la chance d’avoir entre les mains une pièce nouvelle, inconnue en français, qui met en scène beaucoup de personnages, une pièce qui me plaît par la diversité de ses formes, par sa fraîcheur, son humour, sa critique bienveillante. Une pièce que j’ai eu envie de traduire, puis de monter, pour la faire connaître." L’enthousiasme manifesté par Dominique Pattuelli est pleinement justifié. "Happy family" séduit par l’originalité de son écriture et malgré son cynisme, nous touche par sa foi dans l’Homme.

Afrique, à deux mains - 14 novembre 2011


D’habitude, les jeux de mots ne s’expliquent pas. Mais là, il le faut. Car ils prennent leur source dans le texte de l’auteur, Eric Durnez. C’est un mix entre « l’Afrique, c’est demain » et les deux mains coupées de l’écrivain qui en écrivait trop…
Bref, tout ça pour dire qu’avec Un paradis sur terre, on se retrouve en Afrique, dans un camp de réfugiés européens. Emmenés dans cette fiction par la voie du conte et forcément touchés de voir les rôles s’inverser. La vision eurocentriste et « maître du monde » en prend un coup en même temps que les clichés fusent comme des petites baffes à vocation gentiment humaniste.

Ensemble, c’est tout - 14 novembre 2011

L’histoire d’amour entre Félicie Artaud et Aurélie Namur continue. Après « Le voyage égaré », « On se suivra de près » est leur quatrième spectacle, et la deuxième partie du dyptique « Partir », paru aux Editions Lansman.

Habit(u)ation en deux phrases ? C’est une pièce apocalyptique au décor époustouflant qui vous oppresse, vous compresse, vous intrigue… du début à la fin. En fait, c’est un spectacle à couper le souffle, tout simplement.

De deux choses l’une, si vous avez une très manifeste aversion pour les enfants et/ou aucune affinité avec l’humour fonckien, vous n’avez pas intérêt à mettre les pieds au TTO pour assister à « Fée un vœu ». Par contre, si vous aimez Sttellla et/ou que vous avez des enfants, vous avez tout intérêt à d’ores et déjà réserver vos places pour le mois de décembre car vous risquez fort d’apprécier cette création à la mise en scène signée Uffner !

« Qui suis-je ? » Depuis le commissariat parisien dans lequel il est en garde à vue, un jeune immigré se remémore les images de sa vie. Arrivé à 5 ans en France, il raconte la lente prise de conscience de la différence, la difficulté d’adaptation, son amour pour Mireille et puis la séparation, celle qui l’a conduit à l’ivresse, à commettre l’irréparable et finalement dans une cellule. Emouvant, agile, sobre, Ansou Diedhiou, comédien sénégalais, fait très justement vivre ce texte de Wilfried N’Sondé, musicien et éducateur congolais, maintes fois récompensé.

Entre délire et désir - 30 octobre 2011

Deux jeunes gens font connaissance dans un jardin. Il est dérangé par la musique qu’elle écoute, elle se fâche quand il fait exploser son transistor. Malgré cela, le dialogue s’installe. Cela pourrait être le début d’une belle histoire. Mais ce jardin est celui d’un asile psychiatrique et les protagonistes cumulent les troubles mentaux. Tania Gabarski et Charlie Dupont partagent cette histoire écrite par Nicolas Bedos, pleine d’humour et d’humeurs. Une autre manière d’approcher les déséquilibres psychiques.

Cyrano, ce martyr. - 30 octobre 2011

Cyrano, nous en sommes toutes un tantinet amoureuses. Tant d’éloquence, de panache et d’esprit… Cela ne peut que nous faire défaillir ! Ainsi, il est presqu’impossible de faire d’une telle pièce un fiasco car le génie de Rostand, qui se cache dans l’ombre de son protagoniste nasalement singulier comme ce dernier derrière la beauté de son rival, est tout bonnement inaltérable.


Face à cette création du collectif "On voit ta culotte madame Véro", on se retrouve quelque part entre Alice au Pays des merveilles et un vague terrain de jeu émotionnel. Ou, pour faire dans le synthétique, entre un conte et des réminiscences de profonds questionnements d’enfant. Cinq comédiens nous font partager ce monde imaginaire et tortueux à force d’expression dénouée et de mouvement. Cinq parcours oniriques à névroses variables auxquels on peine à s’identifier. Mais une belle performance collective se joue, on ne peut pas le nier !

Un clown gai propose quelques tours et puis s’en va… La machine se met en route. Il se retrouve dans une décharge, noyé dans une mer de sacs en plastique. Dénonçant la société de consommation, l’emprisonnement, la solitude et les bidons-ville, Gauthier Jansen partage une expérience vécue depuis 2004 dans les endroits les plus défavorisés de la planète. Une métaphore poétique et esthétique, très (trop ?) suggérée.

Dans l’ancienne demeure de Rostropovitch, Paul et Vladimir se préparent pour un concert au Japon. Une interview dans le dernier numéro du magazine « Piano » est l’occasion d’une remise en cause de la nature de leur collaboration. A la façon d’un vieux couple, ils vont reconsidérer leur partenariat, tout devient alors rapport de force, jalousie et mesquinerie. "Le banc" analyse le couple, conjoints, amis ou partenaires avec humour et philosophie : la relation bilatérale s’obscurcit-elle inéluctablement sous la pression du temps ?

Médée, le mythe en chair - 14 octobre 2011


Prenons le tout début et la toute fin de cette pièce. Comme on lirait la première et la dernière page d’un roman. On y voit un récit social platement dramatique. De la colère sans retenue et une existence sans lendemain. Entre les deux balises, se joue avec maîtrise et déchainement un métissage presque parfait entre deux formes a priori distinctes du théâtre : la tragédie et le contemporain. Un exercice périlleux quand on y pense, celui de rassembler et faire s’interpénétrer des codes langagiers si différents. Tom Lanoye y est brillamment parvenu et Christophe Sermet l’a mis en scène avec une efficacité subtile.

Une Société de sévices - 14 octobre 2011

"Grow or go" (2009), la précédente création de Françoise Bloch, nous plongeait, avec une froideur calculée, dans l’univers inhumain de la consultance en entreprise. Le portrait du télémarketing, dressé par "Une Société de services", est tout aussi angoissant. S’appuyant sur des témoignages et des enquêtes, la metteuse en scène et son équipe donnent à nouveau leurs lettres de noblesse au REEL, comme source d’inspiration. Sans pathos, ni diatribes, ni confidences intimes, ce spectacle, teinté d’un humour décalé, nous montre l’homme formaté et broyé par le système. Une autopsie qui nous interroge sur le sens du travail aujourd’hui.

Du silence des agneaux - 13 octobre 2011

Il y a des fées, mais ce n’est pas féérique. Des chaussures se perdent, mais pas celles que l’on croit. Il y a une méchante belle-mère, mais elle n’est, au fond, pas si diabolique que ça. Souvenez-vous de l’histoire de Cendrillon, puis oubliez-là : Sans fard, sans paillettes, abrupte et violente, celle-ci n’est peut-être pas la vraie Cendrillon, mais elle est bien ancrée dans la réalité.

Where is Brian ? - 12 octobre 2011

No idea but we don’t care ! Que Brian reste dans sa « kitchen » et qu’on en parle plus… En effet, Avec Sue, Helen, Zena, Tom et Julian, nous sommes servis et, à dire vrai, même très bien servis ! C’est sur un plateau d’argent qu’ils nous offrent une pièce drôle, absurde, complexe et pleine de surprises. En un mot, délectable !

Des Trompeurs trompés - 11 octobre 2011

Réalisateur prolifique, Woody Allen reconnaît qu’il préfère écrire pour le cinéma que pour la scène. "Au théâtre, il n’y a que le texte. Et il faut qu’il soit très enlevé, si l’on veut éviter qu’il soit ennuyeux." A son actif pourtant, une dizaine de pièces dont "Central Park West" (1995), "Old Saybrook" (2003) et "Riverside Drive"(2003), regroupées sous le titre "Adultères". En montant les deux premières, Marcel Delval souligne l’hypocrisie de maris volages et d’épouses insatisfaites. Ces variations autour de l’arroseur arrosé sont férocement drôles, mais ne nous laissent aucune illusion sur la condition humaine.

La mort de l’argent - 10 octobre 2011

L’argent parle-t-il de l’argent lié à la mort ou plutôt de la mort qui est toujours liée, d’une manière ou d’une autre, à l’argent ? Telle est la question que nous nous sommes posée à la sortie de la pièce.
C’est un concept pour le moins alléchant que nous présente ici la Balsamine :
« Voici un projet emblématique de notre saison : l’argent lié à la mort. (…)Il est de plus en plus difficile d’estomper le fossé entre ceux qui n’ont rien, même pas les mots, ceux qui ont de moins en moins et ceux qui ont tellement qu’ils ne savent plus comment le cacher. La vie artistique, miroir de nos sociétés, reflète cette précarité générale. L’ « artiste », empêché d’accomplir son œuvre, en est réduit à la non-existence. »

Partie de ping-pong à sept, les collectifs Tristero et Transquinquennal nous invitent au partage de leurs (d)ébats, au chevet d’un lit blanc immaculé. Politique, amour et vie intime, les trois sujets sont évoqués et parfois comparés, dans un ballet d’idées préconçues et pourtant novatrices. Les comédiens sont statiques, le jeu se passe dans les regards, parfois dans les attitudes. Les échanges deviennent de plus en plus personnels, toujours proches de l’improvisation. Dans ‘L’un d’entre nous », sept comédiens se dénudent, psychologiquement et physiquement, à grands coups d’authenticité.

Humoriste multifacette, Alex Vizorek présente son spectacle en Belgique, après s’être entraîné sur les scènes parisiennes dès 2008. Ayant terminé Solvay et le cours Florent, ce jeune artiste talentueux rassemble l’efficacité d’un jeune cadre dynamique, la diction et l’interprétation d’un acteur formé à Paris et une formidable envie de partager ses textes, drôles et accrocheurs.

Dans la tête des autres - 7 octobre 2011

C’est "la fascination de l’autre" qui a poussé la comédienne québécoise Evelyne de La Chenelière à se lancer dans l’écriture théâtrale. A son actif, déjà une bonne dizaine de pièces, dont "Des Fraises en janvier", son plus gros succès. Créée en 2004 à Montréal, sous le titre "Aphrodite 04", "Désordre public" est l’aboutissement d’une expérience théâtrale originale. Durant un mois, au terme de chaque représentation, l’auteure acceptait de modifier son texte. Cette pièce sur la capacité de s’ouvrir aux autres séduit souvent par son humour ou l’émotion qui se dégage de certains monologues. Mais, malgré les ajustements, elle laisse une impression brouillonne et manque de punch.

Sans doute une plaie supplémentaire au corps archi-mutilé de la compréhension humaine, du sens existentiel ce Play Loud. mais comme c’est bien fait ! Cette fois, Falk Richter a planté son décor dans une chambre d’enfants en escalier parsemée de peluches, cassettes vidéo, coussins, amplis, guitares et micros. Les comédiens, de pyjamas vêtus, transitent énergiquement entre réel et fiction dans des tableaux disparates à forte puissance relationnelle.

Alex Lorette est auteur, metteur en scène et comédien, fondateur de la compagnie Kinésis en 2006. En 2010 il a mis en scène et interprété « Terres Mortes » de Franz-Xaver Kroetz (qui lui vaudra la nomination de « Meilleure Découverte » par les Prix de la Critique). Ses recherches questionnent essentiellement les notions de l’identité, du territoire et de la mémoire, tout en interrogeant le rapport au public et la forme théâtrale.

Orgueil et préjugés - 3 octobre 2011

Amour(s) secret(s) n’est pas une pièce comme les autres. Si « The Pride », de son titre original, fut un énorme succès en Angleterre en 2008, ce n’est pas pour rien. La pièce d’Alexi Kaye Campbell offre une histoire en deux temps pleine de rebondissements et très agréable abordant des thèmes universels tels que l’amour et la solitude à travers ces deux états : le changement et son contraire, la persistance.

Obsédés de la planification, s’abstenir…A moins d’avoir envie de se remettre en cause ? Prévoir, diriger, contrôler sa vie. Ne laisser aucune place à l’imprévu. Le bonheur sous cellophane, à consommer avec modération. Ou alors… Laisser la place aux aléas, donner le temps au temps, profiter du moment présent. Belle réflexion contemporaine que le collectif Rien de Spécial suggère dans « In Vitrine », étalage d’émotions en kit, à planifier ou à aller voir par hasard jusqu’au 8 octobre.

Une Odyssée malicieuse - 3 octobre 2011

C’est Jules Verne qui, le premier, porta à la scène son roman "Le Tour du monde en 80 jours". Une production digne de Cécil B. De Mille, qui cherchait avant tout à épater un public médusé. En mettant en scène l’adaptation pétillante de Thierry Janssen, Thierry Debroux régale nos yeux, titille notre imagination et sollicite notre complicité. Résultat : un spectacle jubilatoire, qui ouvre brillamment la première saison que le nouveau directeur du Parc "a rêvée pour nous".


Se retrouver confronté au récit d’une guerre civile en R.D.C., devant autant de chaos, devant une réalité presque impensable, ça déstabilise. Pourtant l’actualité affiche au quotidien ces horreurs (in)humaines et on y est, pour la plupart et la plupart du temps, étrangers. Quand l’histoire provient d’une fille de 14 ans, ça frôle l’insoutenable. Pourtant, certains soutiennent qu’il ne s’agit que de paroles d’enfant...

Les Femmes préfèrent gagner - 29 septembre 2011

"Des phrases courtes, des situations à la fois simples et improbables, des personnages presque caricaturaux." Voilà, pour Eric Assous, "la recette d’un bon boulevard". C’est en l’appliquant qu’il a concocté "Les Belles- Soeurs", une comédie amusante, incisive et amère, montée avec succès par le Théâtre des Galeries, l’an passé. Dans "Les Hommes préfèrent mentir", il souligne à nouveau la lâcheté des hommes et la détermination belliqueuse des femmes. Malheureusement, misant avant tout sur l’humour décapant, il néglige l’humanité de ses personnages.

C’est encore un peu éberluée que nous entamons la rédaction de cette critique. À croire qu’il faut avoir été martyrs pour faire preuve de grâce et de finesse théâtrales au point de réellement frôler la perfection ! Vous pourriez penser que j’exagère mais il n’en est rien. Il s’agit simplement d’un texte splendide interprété par deux acteurs de mérite. Rien de plus.

Stoemp et poivrots - 26 septembre 2011

C’est avec beaucoup de tendresse et de générosité que Pierre Wayburn dépeint son enfance marginale, trimbalé par une mère démunie au gré de ses amants. Scènes pittoresques dans le quartier des Marolles, déménagements multiples, émigration vers Liège et séjour en Ardennes. L’acteur aux multiples facettes nous emmène ensuite dans un café bruxellois truffé de personnages typiques et sympathiques, panaché de dialogues légers aromatisé à la sauce Tintin.

La victoire des cafards - 26 septembre 2011

Andrés Cifuentes, acteur et metteur en scène, nous propose sa version du chemin parcouru par Sarah Kane, auteure de la pièce, qui s’est suicidée à l’âge de 28 ans, après avoir laissé ce dernier témoignage. A la base, la pièce décrit l’angoisse existentielle d’une femme homosexuelle, ici le personnage principal est un jeune écrivain. Une introspection très sombre en forme de crise existentielle sans issue, portée par un acteur généreux et concerné.

Vian, une éternelle jeunesse - 21 septembre 2011

Boudé, lors de sa parution en 1947, "L’Ecume des jours" est devenu un roman mythique, dont le succès ne se dément pas. Il est difficile de résister à l’envoûtement de son univers déjanté, fantastique et cruel. En 1999, Emmanuel Dekoninck incarnait Colin dans l’adapatation théâtrale, signée par Bernard Damien. La version qu’il nous propose met l’accent sur la fantaisie délirante, la fougue de la jeunesse, la recherche du plaisir et de l’amour beaucoup plus que sur l’émotion et le mal de vivre.

Ajar et condescendance - 8 septembre 2011

La vie devant soi, c’est d’abord bien plus qu’une histoire qui lie un jeune Arabe (Momo) et une vieille juive (madame Rosa). Autre chose qu’une polarité des genres. Le duo-cliché ne représente d’ailleurs pour son auteur qu’un prétexte, une amorce à l’échange puissamment humain, irrémédiablement mortel, entre ces deux « bouts » de la vie.
On peut aussi y voir l’histoire du monde symbolisée par cette vieille femme qui « se défendait » autrefois (autrement dit une ex-pute), maternisante malgré elle et concentré de détresse en décrépitude. Autour de madame Rosa, Momo incarne la vie en orbite, une intranquillité légère et le fils (de pute – oui, sa mère « se défend » également) en puissance.

(R)AGES - 12 juin 2011

Vont-elles vivre éternellement sur cet escalier ? Six femmes partagent leurs angoisses existentielles dans un road théâtre moderne basé sur des textes de Shakespeare. On adhère ou on rejette, difficile de rester indifférent aux 59 minutes d’échanges féminins, poétiques ou chaotiques, à chacun d’en juger. Dans tous les cas, une belle performance d’actrices militant pour la sauvegarde de leur crédibilité.

Sarah Brahy et Aline Mahaux nous invitent à partager quelques moments de folie dans les couloirs d’un hôpital psychiatrique. Entre délires et réflexions, entre déraison et rationalité, entre humour et gravité, elles nous offrent un spectacle intense et touchant, qui parle de rencontres, d’imagination et d’altérité.

"Effleurer le mystère qui est à la source de l’œuvre et pressentir aussi ce qui touchera, interpellera, provoquera les spectateurs d’aujourd’hui." Tel est l’objectif que s’est fixé Thierry Debroux pour "trahir fidèlement" "La Confusion des sentiments". Eh bien ! Il l’a parfaitement atteint. Audacieuse et intelligente, son adaptation nous plonge au cœur du drame vécu par trois personnages troublants et déchirés, en respectant la densité et la finesse du roman de Stefan Zweig.

Dennis Kelly est un auteur anglais, né à Londres en 1970, à qui l’on doit plusieurs pièces contemporaines mises en scène aux quatre coins du monde, en Europe, en Australie, au Japon. Régulièrement traduit et créé en Allemagne où il a été élu Meilleur Auteur Dramaturge en 2009, il écrit pour la radio, la télévision et le cinéma. Depuis 2003, année au cours de laquelle sa première pièce « Débris » est publiée, il écrit au rythme d’une pièce de théâtre par an. C’est en 2005 qu’il a écrit « After the end » traduit en 2010 par Georges Lini.

En 1998, par sa mise en scène lumineuse de "J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne" de Jean-Luc Lagarce, Philippe Sireuil nous faisait ressentir le déchirement de cinq femmes, abandonnées par leur fils, frère et petit-fils. Le retour de ce jeune homme épuisé par la vie libérait les sentiments indomptés et les paroles trop souvent refoulées. C’est aussi un déferlement de phrases maladroites ou cruelles que provoque le héros de "Juste la fin du monde". Venu annoncer sa mort prochaine aux siens, il repartira avec son secret. Embourbés dans leurs chamailleries, leurs frustrations, leur nostalgie, leurs rancœurs, les membres de sa famille sont incapables de l’écouter.

Calme plat - 6 mai 2011

Écrite par Shakespeare en 1611, « La Tempête » a inspiré une pléiade d’illustres artistes de toutes disciplines tels que Beethoven, Tchaïkovsky, Aimé Césaire ou encore Aldous Huxley. Gageons que cette adapation-ci ne restera pas dans les annales.


Si le texte Stabat Mater est à l’origine religieux et date du 13e siècle, on se trouve ici devant un tout autre récit. Un martyre adapté à l’époque contemporaine. Antonio Tarantino situe son récit à Naples, mais on pourrait aussi très bien se le représenter aux Marolles, version populaire. Pour incarner Marie, (vieille) fille-mère, alcoolique au verbe cru et abondant, Jean-Marie Pétiniot exhibe un jeu touchant de sincérité. Un seul en scène baroque qui dénote des plaies de condition humaine en même temps qu’un humour métissé...

Il l’appelle « Minou ». Elle l’appelle « Lapin ». Ah, là oui vraiment, ça commence bien. Et ça n’arrête pas un instant de miauler, sauter, ronronner, cavaler, dresser l’oreille, et la queue, caresser... dans le sens du poils parfois, mais à rebrousse poils surtout.

Un Deuil refusé - 4 mai 2011

Pour Dominique Bréda, " La comédie nous permet de mieux regarder le réel en face, comme un manteau nous permet d’affronter la tempête." Dans "Purgatoire", il observe l’Homme face à son destin, avec un regard tolérant et un goût prononcé pour l’absurde et la dérision. Dans "New York", il se sert également du prisme déformant de l’humour, pour nous parler de la mort et du sentiment d’abandon qui en découle. Une pièce subtile, émouvante, qui évite tout pathos.

Nous et les autres... - 30 avril 2011


Une femme - Valérie Bauchau -, un homme – Philippe Jeusette -, un couple usé. Aucun prénom pour les identifier. Arrivés à un âge perdu au milieu de la vie, ils se déchirent à coups d’insultes violentes et de provocations insensées. Peu à peu se dessine la trame d’un racisme primaire clairement identifié et plus globalement une peur de l’autre incontrôlée. Avec Occident, Frédéric Dussenne révèle une comédie humaine modélisée aux contours d’allégorie.

L’esprit et la lettre - 11 avril 2011

Quand deux intelligences se rencontrent et partagent les mêmes affinités, le tout qui en résulte devient bien plus que la somme de ses parties : un moment d’intense bonheur théâtral, brillant, direct, enrichissant. Et, en ces temps troublés, notons qu’il est de Seraing, qu’elle est d’Antwerpen, et que les barrières culturelles et linguistiques n’existent que pour qui veut bien les voir...

"Je possède ma pièce, comme un joueur d’échecs son damier.", affirmait Georges Feydeau. C’est sans doute la virtuosité, avec laquelle il manipule ses personnages, qui explique le succès persistant de bon nombre de ses comédies. Dans "La Puce à l’oreille", il nous entraîne dans une cascade de chassés-croisés, de quiproquos, de rencontres loufoques, de rebondissements saugrenus, avec la rigueur d’un ordinateur, qui aurait de l’humour. Un tourbillon que la troupe homogène, dirigée par Bernard Lefrancq, rend étourdissant.

Depuis plus de trente ans, le collectif des Ateliers de la Colline travaille à des projets de création artistique avec des enfants et des adolescents et cherche à faire exister sur scène une réalité souvent tue ou ignorée : celle de ces enfants des quartiers populaires des villes industrielles."Enfant Mouche" s’inscrit pleinement dans cette tradition et nous raconte l’histoire de Léon Mouche, 16 ans,qui a décidé de se taire pour toujours.

En véritable révolté, libertaire et individualiste qu’il était, Octave Mirbeau était réfractaire à toute idéologie aliénante. Résolument pacifiste, il s’est battu avec constance contre toutes les forces d’oppression, d’exploitation et d’aliénation (la famille, l’école, l’armée, le capitalisme industriel et financier, les conquêtes coloniales, le système politique bourgeois,...). Mirbeau était athée depuis l’adolescence, antireligieux, anticlérical et antimilitariste. Rien d’étonnant donc, sur le plan politique, à ce que ce Monsieur « anti » se soit rallié officiellement à l’anarchisme en 1890. Humour noir, rhétorique de l’absurde, ironie démystificatrice sont quelques-uns des outils que ce pamphlétaire, aussi efficace que redouté, met en œuvre pour amener la réflexion auprès de ses lecteurs.

"J’ai un pied dans la neige, l’autre dans le sable." Henning Mankell partage aujourd’hui sa vie, entre la Suède où il publie des polars à succès et le Mozambique, où il dirige, depuis 1996, le Teatro Avenida, seule troupe professionnelle du pays. Ses séjours réguliers en Afrique l’aident à mieux cerner le monde et à "devenir un meilleur Européen." Dans "Antilopes" (1986), il nous rend témoins du naufrage d’un couple, qui craque de partout. En ressassant le fiasco de leur mission, ces humanitaires perçoivent l’Afrique comme une réalité effrayante et incompréhensible. Une dénonciation féroce, plus corrosive que convaincante.


Oscillations entre la vie et la mort, entre ce qui fait sens et surtout non sens, entre les paramètres d’une relation usée. Un homme doit se rendre à l’anniversaire d’un fils qu’il n’a jamais voulu et n’a jamais rencontré en même temps qu’il retrace une vie de souffrance spirituelle dans l’enfer du monde. Pietro Pizzuti porte subtilement à la scène un texte noir, cinglant et porteur d’un message où l’espoir n’a pas sa place.

L’institut Benjamenta forme de futurs domestiques. D’allure sombre et sévère, ce lieu se révèle étrange et décalé. Les dialogues naïfs et absurdes étonnent de prime abord, séduisent ensuite. Les personnages, très typés, prennent en charge la formation de Jacob von Gunten, nouvel élève, dynamique et motivé. L’adaptation progressive de Jacob à ce nouvel environnement s’avère rapidement passionnante.

A sa création, "Maison de poupée" fit scandale. Certains y voyaient un outrage à la morale traditionnelle, d’autres un brûlot féministe. Depuis 1879, les moeurs, les rapports entre époux, le statut de la femme ont beaucoup évolué et la pièce ne suscite plus de polémiques. Si on la retrouve fréquemment à l’affiche, c’est parce qu’Ibsen ne défend pas une thèse, mais fait vivre des êtres humains. Des personnages complexes, que les six comédiens dirigés efficacement par Michel Wright incarnent avec conviction.

« Toutes nos mères sont dépressives » n’est pas qu’une histoire. Deux trames narratives s’y entremêlent. Celle de deux amis comédiens (Thibaut et Quentin) qui interprètent plusieurs rôles et celle d’une mère, Chantal. Rien de complexe pourtant, mis à part la difficulté inhérente au lien psychologique. La compagnie Chéri-Chéri nous ballade une fois de plus entre la lourdeur relationnelle et la légèreté de son approche humoristique à plusieurs couches.

Toujours dans les « Staerking blocks », prêt à tous les départs au pays d’Absurdie, Eric De Staerke, le pied aussi léger que le cœur, a l’art de nous emmener là-bas, ailleurs, plus loin, un peu plus haut, dans sa montgolfière de mots qui allègent le réel.

Sollicitées comme demoiselles d’honneur pour un mariage, cinq amies partagent leurs vécus et sentiments dans l’ancienne chambre de la mariée. Cinq caractères bien trempés, de l’écorchée à la lesbienne en passant par la catho, la ronde et la blasée, toutes évoquent leurs expériences sentimentales, les liens qui les unissent et surtout leur rancœur vis-à-vis de la gente masculine. Rythme soutenu et confidences touchantes, ces demoiselles nous séduisent.

La dernière séance - 22 mars 2011

C’est dans le cadre intimiste de la petite salle du Théâtre des Martyrs que nous retrouvons un homme et une femme, pour un moment unique, une nuit hors du temps, après un divorce prononcé l’après-midi et quelques années de séparation. Les spectateurs, assis de part et d’autre d’un hall d’hôtel, sont les témoins discrets de cette rencontre. Malgré un texte poignant et la proximité immédiate des acteurs, une distance s’installe. Sobriété extrême du décor, position très statique de la femme, espoirs dérisoires de l’homme, l’empathie ressentie est limitée.

Dix chaises, neuf comédiens, une quête existentielle. Le tout sans mots mais avec une profusion d’expressions corporelles. La dernière création du Panach’Club propose sous forme de comédie absurde et à travers une panoplie de personnages d’apparence stéréotypés, une lecture à la fois personnelle et universelle de la condition humaine. Des possibilités à prendre ou à laisser...

"Bravo Martine"(1995), "Miss B" (1999) et "Capitaine Chantal" (2006) ont permis à Laurence Bibot d’imposer son style d’humour et sa forte personnalité. Racontant les aventures qu’une fille de la campagne s’invente, pour tromper son ennui, ou les affres d’une candidate au titre de Miss Belgique, ou encore la dernière rencontre entre Laurence et sa maman, redescendue sur terre, ces histoires, co-écrites avec Nathalie Uffner, nous emportent dans un univers imaginaire, qui libère une flopée de personnages excentriques. Dans "Soeurs Emmanuelle", les deux complices appliquent la même formule à six femmes célèbres. Des icônes qui servent de tremplins à un spectacle allègre, délirant mais inégal.

Antoine Rault aime tremper sa plume dans l’Histoire. "La Première tête" (1989), son coup d’essai, est une comédie centrée sur Louis XVI et "Le Caïman" (2005), son premier succès, s’inspire du drame vécu par le philosophe marxiste Louis Althusser. Dans "Le Diable rouge", il brosse un portrait savoureux de Mazarin, souligne la tyrannie de la raison d’Etat et prend plaisir à railler la cuisine politicienne.

Bientôt producteur et co-producteur, Bob et Charles se réjouissent du succès de leur prochain film. Le projet sera définitivement signé le lendemain lors d’une entrevue avec le patron du studio, Richard Ross. Ce serait sans compter l’intervention d’une jeune et belle intérimaire, Karen, chargée de rédiger une note de lecture. Une histoire assez convenue, un scénario sans grosse surprise, un tiraillement entre l’appât du gain et la rédemption.

Tout le monde connaît l’histoire tragiquement célèbre du triangle amoureux Charles-Diana-Camilla, tant étalée dans les journaux. Inspiré du livre « Un ménage à trois » de Marc Roche, Pascal Vrebos a choisi d’en tirer une pièce de théâtre : « Lady Camilla ou Le Choix du Prince »

Joyeux côtoiement d’envolées lyriques, d’échanges comiques, de réflexions philosophiques et d’explosion de sentiments, « J’aurais préféré ne pas » est un fourre-tout élégant dans lequel chacun trouvera chaussure à son pied. De l’humour à la tragédie, ce spectacle déjanté présente beaucoup d’originalité.

Maniant avec virtuosité humour, ironie et fantastique, Stefano Benni est devenu, aujourd’hui, un des auteurs marquants de la littérature italienne. Pour nous entraîner dans son univers décalé, Marie-Paule Kumps et Bernard Cogniaux ont porté à la scène une quinzaine de nouvelles tirées de "La dernière larme" et de "La grammaire de Dieu". Déformant la réalité pour nous ouvrir les yeux, ces histoires, interprétées avec finesse, nourrissent un spectacle alerte, pétillant et rempli de trouvailles.

Gling gling glinglinglinglingling gling glingling... (intro guitare de Ziggy Stardust – David Bowie). Une phrase musicale mythique qui rythme une bonne partie de ce moment théâtral déjanté. Rien de plus normal, vu que c’est la source d’inspiration de la dernière création de Renaud Cojo. Ce comédien-metteur en scène français est en effet connu pour ses expérimentations dépassant largement le domaine du théâtre. Ici, il entraîne brillamment son public dans les délires de sa passion pour Bowie, dans le dédoublement et la schizophrénie. Dans un univers aux apparences bordéliques mais finalement pas plus que l’esprit artistique.

Pour garder les yeux ouverts - 21 février 2011

Délégué du Comité International de la Croix-Rouge, Maurice Rossel s’était rendu , en juin 1944, dans la ville-ghetto de Terezin et avait conclu sa visite par un rapport utile aux nazis. Frappé par son aveuglement, Juan Mayorga éprouva le désir de porter à la scène cette expérience. "L’expérience d’un homme qui, voulant aider la victime, finit par coopérer avec le bourreau." Tournant autour du sinistre maquillage d’un camp de concentration en cité paisible, "Himmelweg" est une pièce exigeante qui nous émeut et nous fait réfléchir. A la difficulté de voir la vérité, à la manipulation des faibles et aux relations ambiguës entre le théâtre et la vie.

En manque... d’amour - 17 février 2011

Bouleversé par une représentation d’"Aux hommes de bonne volonté", le metteur en scène Vincent Goethals préféra attendre d’être remis de ce choc, pour la monter. Et nous confirmer que cette pièce est "une baffe dans la gueule". Grâce à une langue extraordinaire, des comédiens vibrants et une scénographie intelligente, il rend cet appel à vivre et à aimer profondément émouvant.

C’est une petite vie de famille qui se voit bouleversée par un technicien d’apparence ordinaire. Un rapport mère/fils qui se détisse et s’exprime avec fracas de mots crus et humour corrosif. L’homme du câble oscille à force de grande maturité entre fiction et autobiographie et s’attarde sans s’y figer sur un sujet banal et pourtant si compliqué.

Parsifal, le dernier opéra de Wagner, est souvent joué à Pâques puisque cet hommage aux chevaliers du Graal est aussi un hommage au Vendredi Saint. La version qu’en donne Roméo Castellucci, à La Monnaie, à Bruxelles se veut indépendante de toute tradition, chrétienne, païenne ou bouddhique : l’homme est au centre, avec ses contradictions.

Révolte des exclus - 14 février 2011

En novembre 2005, Robert Bizac avait été témoin des émeutes, qui avaient embrasé la banlieue parisienne. En lisant dans "Libération", un entrefilet consacré à l’expropriation d’une vieille dame, il eut l’idée d’écrire une fable liant "ces deux évènements, qui s’étaient télescopés dans son imaginaire." Très vite le personnage principal, une octogénaire insoumise, prit les traits de Suzy Falk. "Rue des Jonquilles" est une pièce inégale, mais qui permet à la doyenne des comédiennes belges, de réussir ses adieux à la scène.

Bouffée d’humanité et de générosité, Historia Abierta est un voyage sensoriel. Danse, chant, expression corporelle, les acteurs sont les enfants du Chili qu’ils représentent. S’appuyant sur la vie de chacun d’entre eux, la trame, parfois un peu décousue, passe au second plan. Le sourire est omniprésent, comme le dit Karen Mena (actrice) : « On ne nous demande que d’être en forme et de bonne humeur ». Décors impressionnants, intégration spectaculaire des parties filmées, Historia Abierta se rapproche du show à la gloire du Chili même si c’est souvent de la mort dont il est question. Des moments très touchants.

Pour Yasmina Reza, "L’écriture, c’est choisir des routes où l’on peut se perdre et parvenir à ne pas se perdre." Dans ces "Conversations après un enterrement" où s’entremêlent propos quotidiens, souvenirs attendris, rancoeurs tenaces, tendresse pudique et amours déchirées, elle fait émerger la complexité des rapports humains et nous interroge sur le sens de l’existence. Avec un humour et une subtilité qui rend cet hymne à la vie drôle et attachant.

Ici et maintenant ! - 7 février 2011

Doté d’une mise en scène originale s’appuyant notamment sur la répétition, « Les poissons rouges » propose une étude assez sombre de la société. Comme les poissons rouges, l’être humain semble oublier son passé puisqu’il le reproduit régulièrement sans en tirer parti. La vie est un éternel recommencement de scènes identiques, bonheurs et malheurs se succèdent inlassablement, et quand un être humain disparaît, il est automatiquement remplacé. Introspection, froideur et originalité sont au rendez-vous de cette pièce qui aurait gagné à être raccourcie.

Pourquoi "Purgatoire" ? "C’est une représentation de l’au-delà et donc une définition du monde. Le spectacle aurait pu s’appeler "Paradis" ou "Enfer".", explique l’auteur , Dominique Bréda. Un cadre très souple qui lui permet d’observer l’Homme face à son destin. Avec un regard tolérant, un goût de l’absurde et un humour décapant qui rendent ce bain de philosophie particulièrement revigorant.

Et la tendresse, bordel ? - 24 janvier 2011

J-L. Piraux est un formidable bonhomme (re)découvert récemment comme l’incontestable meilleur acteur des contes bobos urbains du Poche, en décembre 2010

C’est au sortir de la deuxième guerre mondiale que fut publié " 1984 ". Au moment où l’on découvrait avec effarement l’organisation scientifique et bureaucratique de l’Holocauste et où l’on soupçonnait Staline d’instaurer, par la terreur, un régime totalitaire. Hanté par l’utilisation monstrueuse des technologies modernes, George Orwell imagine une dictature futuriste qui annihilerait toute volonté individuelle et tout sens critique. Par sa mise en scène inventive et rigoureuse, Mathias Simons exploite la force tragique de ce roman prophétique. Un spectacle poignant qui nous incite à conjurer la défaite de l’homme.

Dans "Shopping & fucking" (1996), sa deuxième pièce, qui remporta un succès retentissant, Mark Ravenhill dénonce férocement la toute-puissance de l’argent, qui ravale les hommes au rang de marchandises. "Product", qu’il joua lui-même en 2005, s’en prend également à notre société capitaliste et plus particulièrement à l’industrie du spectacle, qui récupère les douleurs les plus sacrées, pour en faire des produits. Cette charge contre l’exploitation hollywoodienne du pathos est percutante, mais piétine, hélas, sans cesse les mêmes plates-bandes.

L’exploration du langage et ses limites, du théâtre et ses potentialités, voilà ce que nous offrent le Rideau de Bruxelles et son metteur en scène associé, Christophe Sermet. Sur une scène épurée, se déploient sept comédiens qui nous feront entrer dans ce conte. Mais une fois envolée l’atmosphère légère initiée par le chant des acteurs, le monde réel nous frappe de plein fouet. « Hamelin, premier tableau » dit l’Annoncier. La pièce et son drame peuvent alors commencer.

Délire à deux - 14 janvier 2011

Un Ionesco… quasiment « inconnu au régiment » : Délire à deux, joué à Avignon, il y a deux ans par deux Belges, Xavier Campion et Florence Roux. Rarement représentée, presque une « curiosité ». La pièce est reprise fort opportunément à la Comédie Claude Volter. Pour amateurs d’Ionesco et pour ceux qui sentent que la guerre du couple n’est jamais loin de la guerre tout court.

"Habituation" = hantise du quotidien.
Entre performance technique et mal de vivre, Anne-Cécile Van Dalem ne cesse d’explorer les marges d’un monde entre réalisme écœurant et fantastique glauque. Avec pour soutenir ses hallucinations des acteurs forts et ici une petite fille actrice dirigée vers l’excellence.

Ivanov, une des premières pièces de Tchekhov et une des moins jouées du maître de » l’ennui mélancolique. » Armel Roussel, par un mélange-pas évident au départ- de justesse, de dérision et de drôlerie dans le tragique y met un « jus » contemporain tendre et efficace : pertinent.

Deux fanas de western ont écrit (Régis Duqué) et mis en scène (Jérôme Nayer) ce Hors -la -loi, où deux filles et trois garçons jouent, avec bonheur et malice, sur les clichés du western. Savoureux.

Comment transposer en ce début du XXIe siècle La Bohème de Puccini, bourrée de bons sentiments romantiques, où tout le monde est plutôt gentil et charitable ? Le théorème du metteur en scène Andreas Homoki : ces artistes bobos sont des cyniques parvenus et sans cœur. Visuellement et vocalement splendide, même si le sens littéral est bousculé.

"Laurent Baffie est un sale gosse." Ce titre, que l’humoriste a donné au one-man-show, qu’il joue actuellement à Paris, confirme son goût de l’autodérision. La grossièreté des sketches écrits pour Jean-Marie Bigard, l’impertinence des micro-trottoirs et la causticité de ses interventions dans les émissions de radio et de télévision lui ont valu de nombreux détracteurs. Cependant dans "Toc toc", il s’attaque à un sujet scabreux, sans provocation ni cruauté. Astucieusement construite, cette comédie nous réjouit par son humour pétillant, tendre et désarmant.

Wunderbar ! - 20 décembre 2010

Ingrid von Wantock Rekowski nous propose une étude de couples à travers dix classiques revisités. Sérieuse mais déjantée, cette composition mélange chansons, expression corporelle, recherche visuelle, piano et langues étrangères. Le savoir-faire des cinq acteurs est étonnant (Pietro Pizzuti, Isabelle Dumont, Candy Saulnier, Cécile Leburton et Pascal Crochet) et intelligemment mis en valeur par un pianiste, Philippe Collard-Neven, dont la prestation est remarquable.

Autopsie d’un couple - 15 décembre 2010

Créée à Broadway, en 1951, la pièce de Jan de Hartog obtint un succès retentissant, que l’on s’empressa d’exploiter dans une adaptation cinématographique ("The Fourposter, 1952), puis dans une comédie musicale ("I do, I do, 1966). Et depuis un demi-siècle, elle se retrouve régulièrement à l’affiche. L’image du couple, qu’elle véhicule, est obsolète, mais les sentiments vécus par les héros défient le temps.

En avant pour la bobotomie... - 10 décembre 2010

Les contes urbains du Poche en sont à leur 5e édition. Cette fois, ils s’attaquent aux bobos, classe sociale hybride aux identités et aux valeurs parfois contradictoires. Classe sociale de la grande majorité du lieu aussi... 4 contes, 4 metteurs en scène, 4 comédiens. Un spectacle en séquences qui joue de ces 3 dimensions, trace des (auto)portraits satiriques et remet en question par l’humour des modes de consommation. Et malgré ça, la sauce bobo ne prend pas...

Le lemming est un rongeur migrateur. Plus petit que la paume d’une main. Il vit avec ses congénères dans le grand nord et n’a en réalité aucune utilité. Il fait partie du tout… Son comportement social, sa classification en différentes espèces, sa posture courageuse, ses flux migratoires, tout y passe. Le titre de ce seul en scène ne ment donc pas. Il y est bien question de lemming, du début à la fin. Mais où est la surprise ? François-Michel Van der Rest !

Qui a tué Sebastian ? - 30 novembre 2010

Tennessee Williams avait signé, avec "Soudain l’été dernier", une œuvre forte en ce qu’elle dénonçait des sentiments encore honteux sur l’homosexualité, un rapport plus qu’ambigu avec l’autre qu’est l’étranger et une certaine idée de la folie. Des thèmes lourds qui interrogent toujours. Du pain béni pour les planches. Jouer ce texte, un bon plan a priori.

En 2008, le ZUT présentait, dans une mise en scène de Miriam Youssef, "Histoires de famille". Avec un humour noir, teinté de tendresse, Biljana Srbljanovic y montrait des enfants, qui se glissent dans la peau d’adultes, pour en dessiner des portraits féroces. Une métaphore qui dénonce les méfaits de la guerre en Yougoslavie. Dans "Barbelo à propos de chiens et d’enfants", l’auteure serbe évoque également des êtres égarés, qui cherchent à renaître dans un monde en transition. Mais cette pièce étrange, froide, déroutante est moins passionnante qu’"Histoires de famille".

Isthme entre antipodes - 15 novembre 2010

Rencontre avec le mal-être, « Niets » est un monologue fougueux de Nic Balthazar, brillamment interprété par Martin Swabey, dans lequel se succèdent des témoignages filmés et les commentaires de Ben, autiste persécuté par son entourage. Ben ne fait plus partie de notre monde et nous propose une description minutieuse des faits qui l’ont conduit à disparaître, nous faisant partager son immense détresse intérieure.

Dans la préface de "Geluck se lâche" (2009), le père du Chat reconnaît : "Le bon goût est le marteau qui frappe le clou du cercueil de l’humoriste. Voilà pourquoi, aujourd’hui, ça me fait tant de bien de me lâcher un peu." C’est avec la même jubilation qu’il nargue la bienséance dans "Je vais le dire à ma mère". Un spectacle, sans fil conducteur, qui fait mouche, grâce à l’humour mordant et à l’extraordinaire aisance d’un comédien, heureux de se retrouver sur scène.

Moi + Moi = Nous ? - 2 novembre 2010

Un coup de foudre entre deux personnes que tout oppose. Sur cet argument, qui ne brille pas par son originalité, la romancière suédoise Katarina Mazetti a écrit un best-seller, intelligemment adapté à la scène par Alain Ganas. Scrutant avec humour et sensibilité l’évolution des émois amoureux, cette comédie alerte bénéficie d’une interprétation très convaincante.

"Il n’a pas encore tué sa mère, sa femme, ses gouverneurs, mais il a en lui les semences de tous ces crimes." (Racine, Seconde préface de Britannicus). Cette cruauté naissante de Néron, son âme despotique vont le pousser à défier sa mère, l’orgueilleuse Agrippine, et à déclencher un combat sans merci. Une lutte féroce pour le pouvoir, dont la violence est remarquablement orchestrée par la mise en scène audacieuse et précise de Georges Lini.

Amateurs de contes étiologiques, "Les histoires comme ça" sont incontournables.
Le spectacle s’adresse principalement aux enfants mais conquerra aussi les adultes désireux d’entrer dans la poésie animalière de Rudyard Kipling. Comique de situation, comique de répétition et réparties sur le mode de l’absurde font partie du code de l’auteur britannique et sont habilement maîtrisés par Bernard Cogniaux, seul en scène dans cette pièce dirigée par Marie-Paule Kumps.

A sa création, en 2004, "Musée haut, musée bas" a remporté un succès retentissant, confirmé par une pluie de nominations aux Molières. La pièce était jouée par une bonne vingtaine de comédiens et durait plus de trois heures. Ecartant surtout les allusions politiques et la satire de la "gauche caviar", Alexis Goslain nous en propose une version plus courte mais très percutante. Comment pourrait-on résister à la fougue de six comédiens déchaînés, qui nous entraînent dans une farandole de scènes délirantes ?

Un huis clos captivant - 18 octobre 2010

Dans L’hiver de la cigale, Pietro Pizzuti fait se rencontrer deux femmes que tout oppose. Pourtant, leurs destins sont liés et elles vont devoir lutter ensemble pour affronter la vérité. En dépit de quelques longueurs, ce texte bien ficelé est servi par deux actrices impressionnantes et une mise en scène tout en subtilité.

Pas si évident à situer, cette interprétation d’un des poèmes les plus connus de Blaise Cendrars. Le travail collectif entre le comédien Paul Van Mulder et le musicien Pierre Quiriny est réussi, pas de doute. Par contre, c’est au niveau de leur dialogue sur scène qu’on aurait tendance à se perdre. Chacun y offre un art affirmé, singulier et de qualité mais la rencontre semble difficile.

Rebondir malgré tout - 18 octobre 2010

Pour Michel Dezoteux, qui nous propose une version effervescente des "Trois soeurs", "Tchekhov n’est pas un auteur psychologique, il ne bâtit pas un personnage par petites touches successives, il le livre tout entier dans sa contradiction émotionnelle." C’est pourquoi le metteur en scène s’est efforcé d’impliquer, le mieux possible, le spectateur dans ce chassé-croisé de sentiments opposés. Même si certaines scènes d’allégresse sont forcées, ce spectacle bouillonnant, intense, illuminé par le jeu de quelques excellents comédiens, nous touche profondément.

Maili mailo de furies - 13 octobre 2010

« L’amour fait vivre même quand il fait souffrir » ! Alors, pour un cochon d’homme, trois femmes se font vaches. Et, pour au moins l’une d’entre elles, le venin de la jalousie, quoique bien cruel, finit par devenir un dopant des verbes « vivre » et « aimer ». C’est là toute l’originalité de cette comédie de boulevard qui, sans cela, laisserait un trop fort goût de déjà vu.

Quand John hésite, ses partenaires trinquent. Gay, John partage la vie de son ami depuis quelques années. Souvent critiqué et rabaissé par celui-ci, il décide de le quitter et fait la connaissance d’une jolie jeune femme. A sa grande surprise, cette relation se développe. Cette pièce enjouée décrit le doute de John, son amour pour deux êtres si différents. Les comédiens sont excellents (Gregory Praet, Cedric Eeckhout, Erika Sainte et Christian Crahay), prenant probablement beaucoup de plaisir à nous faire partager cet imbroglio inattendu.

Robert qui ? - 8 octobre 2010

Robert Walser, écrivain suisse allemand du début du vingtième siècle, a focalisé toute son œuvre sur « les choses petites, délicates et belles ». Ecrivain atypique poète vagabond, il a suscité l’admiration de ses contemporains (dont Franz Kafka). Ce « deuxième dialogue » est essentiellement inspiré de son roman « La Promenade ».

Dans "Le Souper" (1989), Jean-Claude Brisville imaginait un face-à-face hypothétique mais captivant entre Talleyrand et Fouché. En 2009, François Ost nous montrait comment, durant "La Nuit la plus longue", Sade, anarchiste machiavélique, s’efforçait de déshonorer Portalis, symbole de la justice. S’appuyant également sur des faits historiques avérés ou...non, "La Nuit de l’audience" met aux prises Charlotte, ex-impératrice du Mexique et Agnès de Salm-Salm, une aventurière indomptable. Deux visions du monde et deux destins opposés, dans une confrontation qui tarde à devenir passionnante.

L’une va ailleurs, l’autre n’importe où. L’essentiel est de fuir. Fuir l’ennui qui tue ou l’indifférence qui étouffe. Ce point commun amène ces mal aimées à faire du stop au même moment et au même endroit. D’abord concurrentes face aux voitures qui passent, elles vont peu à peu devenir des complices capables de tirer le meilleur parti de toutes leurs aventures. Entre rire et tendresse, on a plaisir à suivre ces fugueuses jusqu’au bout de leur errance.

Dans un de ses spectacles précédents : "Rimbaud, il faut être absolument moderne !", Fabien Franchitti s’était efforcé de "jouer les propos du poète, en conservant un oeil critique". "Les Monstres de Baudelaire" confirme ce souci de personnaliser son approche d’une oeuvre poétique, sans dénaturer le texte initial des "Fleurs du mal". L’agencement des poèmes et la conviction des interprètes éclairent intelligemment les rapports entre l’artiste, la femme et la mort, mais le spectacle desservi par certaines maladresses, manque de ressort et de souplesse.

Un triste sire qui fait rire - 28 septembre 2010

Voilà un vaudeville qui sort un peu de l’ordinaire. Un mari volage qui change de femme et de maîtresses comme d’autres changeraient de voitures, rien de bien neuf à cela. Pourtant le public rit et sourit parce que le filou parvient à se faire aimer de toutes ses femmes tout n’en aimant jamais que lui-même.

L’insurrection qui vient est un texte engagé, de gauche forcément (quoique même l’idée de la gauche s’y trouve mise en question) et surtout écrit par un Comité invisible, c’est à dire des auteurs anonymes parce que telle était leur volonté. Coline Struyf a voulu rendre ces mots au théâtre ou plutôt les faire passer par ses codes ; belle initiative. Mais c’est un peu comme si on voulait faire prendre un visage humain à la divinité bouddhiste. C’est un exemple pour dire qu’il y a des oeuvres qu’il vaudrait mieux laisser exister comme on les a conçus initialement...

De la bête et du style - 12 septembre 2010

Pier Paolo Pasolini, pilier du monde artistique et intellectuel de l’Italie du siècle dernier, fut exclu du parti communiste en raison de son homosexualité et assassiné en 1975 dans des circonstances troubles. Ecrite en 1966, "Bête de style" est une pièce pour initiés.

Les Baladins du Miroir ont planté leur chapiteau dans le parc de Bruxelles pour nous conter de belles histoires d’antan qui traversent le temps parce qu’on y parle de Dieu, du mal, de l’homme, de la femme et… de l’amour !

En dédiant sa comédie "à tous ceux qui ont peur", Steven Berkoff nous invite à nous libérer par le rire de nos petites mesquineries et de nos grandes angoisses. A travers ces Américains moyens, tellement stressés par la crainte de l’échec qu’ils passent à côté de leur vie, il nous renvoie l’image d’une société obsédée par le rendement et le culte de la réussite. Avec un humour acide et une lucidité impitoyable. Grâce à la rigueur de la mise en scène et de l’interprétation, ce spectacle cruel est résolument jubilatoire.

La narration à l’honneur en ce mois de juin au Théâtre de Poche. Trois Africains nous racontent leur déconvenue, leur périple à la rencontre du monde blanc, leur désenchantement face à l’ailleurs. On les appelle des Aventuriers. Un sujet incontournable mais une mise en scène souffrant de quelques longueurs, à l’instar des voyages décrits.

Depuis un quart de siècle, Yves Hunstad, seul d’abord, puis avec sa complice Eve Bonfanti, explore avec jubilation l’ambiguïté et les potentialités du théâtre. "Hello Joseph" (1983) et "Gilbert sur scène" (1984), deux monologues inspirés par des improvisations, ont été les tremplins décisifs de sa carrière. En remettant en scène le personnage de Gilbert, avec punch et tendresse, Jérémy Gendrot nous offre un spectacle ludique, qui fait de la corde raide entre réel et imaginaire.

Une pièce qui reprend les thèmes obsessionnels de Marguerite Duras – amour, oubli et écriture – avec finesse. Jacqueline Bir et Edwige Baily sont plus que convaincantes dans ce dialogue qui tente de reconstruire l’histoire de cet amour « qu’on ne peut pas dire »...

Dernière défonce - 31 mai 2010

Une camionnette dans la nuit s’enfonce dans les bois. Trois hommes et une femme. L’alcool coule à flot. Noie leur vide existentiel dans l’horreur. Sombre décor de lambeaux d’arbres. Un silence de mort est crevé par le débit des paroles, rapide, des trois hommes. Comme vomi, il fait échos à leur chute incontrôlée vers l’ivresse. L’ivresse dans ce qu’elle a de plus glauque, malfaisant, morbide. Déconnectés de la réalité, les personnages titubent avant de perdre pied. A tout jamais.

Directeur de T L B, la chaîne de télévision bruxelloise, de 1996 à 2006, Michel Huisman est particulièrement bien placé pour analyser les liaisons dangereuses entre les médias et le pouvoir politique ou financier. Malheureusement, pour souligner la difficulté d’informer objectivement et honnêtement le téléspectateur, il nous propose une pièce didactique, qui s’enlise dans les hésitations, les manoeuvres et les démonstrations de personnages superficiels, coincés dans leur image.

L’ombre - 22 mai 2010

Sur un texte d’Evgueni Schwartz, Jasmina Douieb propose une pièce surprenante, à l’atmosphère fantastique, aux personnages absurdes ou intrigants. Réunissant sur le plateau une palette d’acteurs époustouflants, elle mène ce conte noir de bout en bout avec énergie et talent.

Dans "Yaacobi et Leidental", montée par le Rideau de Bruxelles la saison dernière, Hanokh Levin exprime, avec une fantaisie débridée, les ambitions et les désillusions de l’homme qui se cogne à la vie. Nettement plus mordante que cette farce musicale exubérante, "Une Laborieuse entreprise" nous plonge dans une scène de ménage impitoyable. Un affrontement féroce qui reflète également le désarroi devant la vacuité de l’existence. Et pourtant cette comédie noire est revigorante.

Sang équivoque - 10 mai 2010

Ambiance rouge. Rouge comme le camion qui s’ouvre sur la scène d’un soir, rouge comme les couvertures distribuées à l’entrée, rouge comme le sang d’animaux atrocement mutilés. Magnifique moment en dehors du temps, cette pièce incontournable du théâtre du Grand Guignol se déroule dans la roulotte de Brockau, le faiseur de monstres, au cœur du Parc Malou à Woluwe-Saint-Lambert.
Du théâtre populaire, sans autre prétention que le divertissement, qui réussit parfaitement son objectif : entre sourires et répulsion, une joyeuse soirée pleine de cruauté.

Bruxelles. C’est la guerre mais la vie continue. Les gens s’évadent en fréquentant le cinéma de quartier. Le projectionniste du Pathé Palace, c’est Louis. Louis est juif et ne quitte plus la salle dans laquelle il travaille. Terré depuis des années, il a besoin de relations humaines. C’est là que Jeanne entre en scène. Jeanne si bavarde qu’on ne saurait la faire taire, Jeanne si insouciante et si belle, que tous les hommes en tombent amoureux. Elle voudrait être actrice et demande à Louis de l’aider. Une belle histoire interprétée de manière très touchante par Claire Tefnin et Michel Kacenelenbogen.

Sur le plateau, les comédiens déambulent et parmi eux une voix s’élève, celle d’Anna Politkovskaia, portée par celles de trois excellents comédiens. De bout en bout, les spectateurs écoutent, pendus à leurs lèvres, les yeux rivés sur les tableaux vivants qui se dessinent devant eux.

Claire Lejeune est une poète et essayiste montoise. Poussée dans sa démarche créatrice par l’amour, le désir d’aimer et le désir du désir, son oeuvre est notamment dédiée à la réhabilitation et la légitimation d’une pensée et d’une parole féminine. Disparue le 6 septembre 2008, "La femme rouge" contient son dernier texte, enchâssé comme un joyau entre les mots de Frédéric Dussenne, auteur et metteur en scène.

Blessures familiales - 28 avril 2010

Un père, un fils. Le premier, la cinquantaine, brillant politicien et séducteur notoire, souhaite comprendre et apaiser le deuxième, une vingtaine d’années, écorché vif aux allures de travesti. Partageant une chicha qui doit favoriser l’authenticité des dialogues, les échanges deviennent de plus en plus crus et tendus. Des relations extra conjugales du père au chagrin de la mère pour en arriver à son décès, le duo père-fils passe en revue les événements marquants de leur passé, sans complaisance, et souvent même, avec cruauté. Empreinte de philosophie, cette joute verbale est passionnante. Christian Crahay et Cédric Eeckhout endossent parfaitement leur costume respectif et donnent beaucoup de dynamisme à ce huis clos familial.

Tout en sobriété, Claude Enuset met en scène ce texte de Samuel Benchetrit, Comédie sur un quai de gare. Deux inconnus se découvrent un voyage commun sous les yeux bienveillants d’un père inquiet…

Interlude dans le parcours de la fondatrice du Théâtre de la Balsamine, cette pièce ravira les aficionados de la metteure en scène mais peinera à toucher les autres spectateurs, qui passeront à côté d’une pièce malgré tout drôle et intelligente !

Septembre 2000. Quinze ans qu’ils forment un couple. Ils ont décidé d’arrêter, ils vont divorcer. Emilie boit, Antoine est amoureux d’une femme plus jeune. Une situation plutôt classique, un couple qui s’essouffle après tant d’années de vie commune, en se demandant si « rester toute une vie avec la même personne s’apparente à un manque d’imagination ». Dans une mise en scène de Jean-Luc Duray, Jacqueline Préseau et Oscar Dubru nous font partager huit années d’après divorce, heurs et malheurs de deux personnes qui ont, l’une pour l’autre, une affection très profonde. Beaucoup de crédibilité.

Un Coupable en or - 1er avril 2010

Créée en 1956, cette pièce cruelle et dérangeante trouve un écho particulier dans notre société, minée par les crises et fascinée par la toute-puissance de l’argent. Habitués à voir sacrifier les valeurs humanistes sur l’autel du pragmatisme économique, nous ne sommes pas étonnés par la lâcheté et l’hypocrisie des habitants de Güllen. Leur comportement suscite une réflexion passionnante qui nourrit un spectacle totalement épanoui.

Pudeur interdite - 26 mars 2010

Dans "La Société des loisirs", montée par le ZUT en 2007, François Archambault révèlent les fissures d’un bonheur de façade. Avec un humour acide, féroce, que l’on retrouve dans "Le Lieu commun". Mais le texte de cette douzaine de tableaux, qui adoptent des tons très différents, est moins percutant. Et l’intérêt du spectacle tient avant tout à l’originalité de la scénographie, à la fluidité de la mise en scène et à la virtuosité des comédiens.

Parus en 2007 aux Editions Lansman, "Les contes à réchauffer" d’Eric Durnez sont une série de petites fables sans queue ni tête ni morale, qui au départ n’étaient pas destinées au théâtre...Et c’est peut-être cela le problème.

Adaptation du roman d’Elfriede Jelinek, Les Exclus d’Olivier Boudon, aborde l’effondrement des valeurs pour la génération de l’après-guerre et la naissance de la violence. La pièce navigue entre cas particulier et cri d’une génération entière et nous livre à la fois un univers socio-historique donné et les clés d’une interrogation qui reste actuelle.

Il faut manger du souffleur aux gradins, c’est bon pour la santé. C’est ma mie qui l’a dit, et ma mie a toujours raison. Surtout que quand les souffleurs ont quinze ans d’âge, ils sont encore meilleurs.

Jean-Claude Grumberg est né en 1939. Ses textes, montés à la Comédie Française et étudiés à l’école, abordent tous la question de la différence et de la peur. En filigrane, la mort de son père dans les camps nazis. Contenant et contenu pas très réjouissant me direz-vous. Mais l’auteur y insuffle une bouffée d’oxygène par le rythme de la comédie, et par des tonalités grotesques qui alimentent le rire, grinçant.

Obligé de se reposer, à la suite d’un malaise cardiaque, Thierry, zoologiste de 55 ans, envie la sérénité des albatros : une chorégraphie, spécifique à chaque couple, signale aux partenaires qu’ils sont bel et bien destinés l’un à l’autre. Lui s’interroge sur son avenir sentimental. Il a peur de gâcher sa vieillesse, en poursuivant sa liaison avec Judith. Elle a vingt-deux ans et les tics d’une époque qui l’horripile. Si ce misanthrope caustique nous amuse beaucoup par ses saines colères, il est difficile de partager son désarroi.

Orgie de répliques - 15 mars 2010

Pièce complètement déjantée, "Zaventem, moi non plus" nous fait découvrir un monde parallèle, celui d’un aéroport imaginaire et pourtant plus belge que le belge. L’histoire est celle d’une femme, qui attend l’avion pour Bruges, depuis très longtemps. Des personnages étranges gravitent autour d’elle, rythmant les allées et venues d’avions plutôt rares. Surréalisme à la mode belge, rires assurés.

Une grande soirée ce 20 mars avec le plus romantique des concertos pour piano, le concerto en la mineur de Schuman sous les doigts d’Hélène Grimaud, et une véritable cathédrale sonore, la 7e symphonie de Bruckner qui a trouvé l’oreille d’un vaste public, probablement grâce à l’utilisation de l’adagio par Luciano Visconti dans son superbe senso.

Puzzle humaniste - 6 mars 2010

Du gazon, des baies vitrées, des meubles blancs. Le spectateur entre dans le décor et s’y choisit une place. Au sens propre, il choisit l’une des chaises blanches mises à sa disposition. Au sens figuré, il imagine les évènements qui ont déterminé l’état actuel des relations familiales. Tout est suggéré, jamais explicite. La chronologie des évènements est bouleversée. Une pièce de Lars Norén, une mise en scène originale d’Isabelle Pousseur, énigmatique et peu conventionnelle.

Fils, qui es-tu ? - 1er mars 2010

Premier opus du diptyque consacré à Pasolini par le metteur en scène Frédéric Dussenne, Affabulazione relate l’incapacité d’un père à résoudre l’énigme que représente pour lui son fils. Dans la magnifique scénographie sobre et non-réaliste de Thibaut Van Craenenbroeck, Dussenne dose habilement le poids du tragique et les accents comiques pour faire jaillir avec frénésie la poésie d’un texte plus que jamais d’actualité.

Double invasion - 1er mars 2010

Des caisses, partout. Gloria (Myriem Akheddiou) et Rogerio (David Leclercq) emménagent dans leur nouvelle habitation. Il est passionné par la guerre en Irak, elle voudrait vivre dans un endroit agréable et ordonné. Entre rires et larmes, une belle réflexion sur la vie de couple, servie par de très bons comédiens, mise en parallèle avec les drames d’actualité et la perception qu’un citoyen peut en avoir.

Un petit goût de trop peu ce jeudi 25 février au théâtre de l’Aléna pour « Le goût du jour ». Mais comme on dit : les jours se suivent et ne se ressemblent pas et le spectacle semble recéler un autre potentiel.

Ils - 20 février 2010

Un Congolais et un Rwandais partagent une cellule de prison. Ils sont confrontés aux travaux forcés, à la fatigue, à l’exiguïté de l’espace. Ils se haïssaient et maintenant…ils s’aiment. La rencontre impossible de ces deux hommes est un témoignage d’humanité, un message universel de solidarité, la situation pouvant être celle de n’importe quels détenus politiques dans n’importe quelle geôle. Diogène Ntarindwa et Ados Ndombasi Banikina interprètent leurs rôles avec justesse et sincérité, visiblement convaincus par les personnages qu’ils incarnent.

Sang dessus dessous - 20 février 2010

Numéro trois des sept « Mouvements » prévus sur les conflits du Moyen-Orient depuis 1948, « Les marchands de sang » nous fait revivre la période 1975-1991. Théâtre documentaire : les comédiens sont accompagnés d’archives vidéo et de musique. L’atmosphère est grave. Si l’objectif est louable, retracer et expliciter l’enchevêtrement des conflits de cette zone géopolitique, il faut déplorer un certain manque de clarté de l’ensemble.

Une Bombe à retardement - 20 février 2010

C’est en écrivant de nombreuses pièces radiophoniques qu’Eric Assous a appris son métier : "Vingt-cinq minutes pour faire vivre une histoire, c’est très court. Il n’y a pas de place pour l’inutile." Ajoutez à cela que pendant les répétitions, il n’hésite pas à réécrire certains passages et vous comprendrez pourquoi "Les Belles-soeurs", son plus gros succès, brille par son efficacité. C’est une comédie bien construite, incisive, grinçante, qui décortique parfois lucidement les relations familiales.

Lee Hall a du culot et du talent : il s’attaque à des sujets audacieux et les exploite avec une maîtrise remarquable. Scénariste du film "Billy Elliot", il raconte comment un jeune garçon, passionné par la danse, lutte contre les préjugés machistes de son milieu misérable. L’héroïne de sa pièce "Face de cuillère", une fillette atteinte d’un cancer, nous déconcerte par sa vision lucide des choses de la vie. A l’opposé de ce monologue poignant, "La Cuisine d’Elvis" nous réjouit par son mauvais goût libérateur, sa cocasserie provocante et nous touche par l’humanité de ses personnages, qui tentent de survivre dans ce monde déréglé.

Qu’il prenne la plume, le pinceau, ou la caméra entre ses mains, Jodorowsky dévore le monde avec les doigts, sans pincettes, d’une manière forte et toujours singulière. Son appétit pour les différentes disciplines artistiques, qu’il tripatouille voracement, n’a d’égal que sa boulimie pour les travers de la société et de l’âme humaine. Passées par la moulinette de son regard acide, broyées par l’amertume des mots, elles saignent à l’encre rouge et noire.

Songe d’une nuit agitée - 11 février 2010

Création singulière des sœurs Ostrowski autour du texte de Dostoïevski, Le rêve d’un homme ridicule jongle entre attention portée au corps et travail sur le son et la lumière afin de nous présenter un spectacle onirique.

C’est dans un joli costume blanc de petite fille que Laura Sepul nous accueille au sein d’une fable noire, glauque et pessimiste en ce début de mois de février au National. « Le chagrin des ogres », première mise en scène de Fabrice Murgia, passe en revue les désarrois de l’adolescence, au travers de faits divers sordides, d’échappées oniriques et de réflexions existentielles. Noirceur voulue et réussie, ce spectacle réveille, interpelle et questionne les plus récalcitrants d’entre nous.

Face à la vérité - 9 février 2010

Titre énigmatique pour une pièce aux intentions claires. Dès 1986, lorsque le sida prenait sa dimension médiatique, Bengt Ahlfors et Johan Bargum, dramaturges finlandais écrivant en suédois, ont voulu l’aborder dans... une comédie. Leurs personnages, qui sont leurs clones, emmènent le spectateur dans leur processus créatif, l’incitant à imaginer son comportement face à la maladie et à s’interroger sur sa responsabilité. Un spectacle utile, souple, teinté d’humour, mais qui n’évite pas tous les pièges du théâtre didactique.

Et Dieu créa les amplis - 9 février 2010

Dans l’univers surréaliste et débridé qui lui est propre ; la Clinic Orgasm Society revisite la Genèse et offre un spectacle atypique, explorant les potentialités de la forme théâtrale.

To the ones I love - 6 février 2010

En offrant aux spectateurs un superbe moment pour les yeux, « To the ones I love » a ouvert le festival « Pays de Danse » en beauté et a conquis le public. Neuf danseurs métissés sur des musiques de Bach et évoluant dans une scénographie sobre et blanche, ça donne un beau mélange.

Esquisses de coin de rue - 6 février 2010

Pendant une petite heure, Nicole Dumez nous emmène avec elle à la rencontre de ces visages qui croisent sa route, ni héros ni même personnage mais quelques individus, quelques histoires en germe au gré de la Rue des Fleuristes…

"La Note bleue", le dernier album de Claude Nougaro, est sorti en 2004, un peu après sa mort. C’est à cette même période qu’Isabelle Wéry eut envie de vivre en osmose avec le baroque troubadour, dans ce spectacle singulier, pétillant et en CHANTEUR. Repris déjà plusieurs fois, il est à nouveau à l’affiche . Pour notre plus grand plaisir.

La Monnaie a centré sa saison, en grande partie, sur la tragédie grecque et en particulier sur le mythe des Atrides. Après les deux Iphigénie de Gluck (en Aulide et en Tauride), en décembre, voici une œuvre maîtresse du début du XXè siècle : Elektra, de Richard Strauss. Sans doute avec Salomé, composée deux ans plus tôt, l’opéra le plus riche de Strauss par l’intensité musicale et la traduction du drame intime.

Politicovskaia - 29 janvier 2010

De Middelkerke à Moscou, Thibaut Nève nous promet un « road théâtre documentaire » aux côtés d’Anna Politicovskaia … et de sa mémé ! Une alliance entre Histoire et intime qui tourne rapidement en rond…

Les images sanglantes des attentats en tous genres, qui se bousculent sur nos écrans, nous incitent à enfermer le terrorisme dans cette violence obsédante et spectaculaire. C’est à un terrorisme plus insidieux que s’attaquent Oleg et Vladimir Presnyakov. Ecrite avant le 11 septembre 2001, leur pièce dénonce l’obsession grandissante de l’insécurité, la peur de l’autre et l’abus de pouvoir. Avec un humour grinçant et des personnages décalés, qui rendent certaines séquences jubilatoires et d’autres plus laborieuses.

Malgré un choix de texte prometteur, le Théâtre en Liberté offre une piètre prestation dans La Griffe au Théâtre des Martyrs. Ce spectacle n’offre que peu de bons moments, si ce n’est l’envie de (re)découvrir l’œuvre d’Howard Barker.

Une Folle leçon de vie - 13 janvier 2010

"Madame Marguerite" permit à Annie Girardot de réussir, en 1974, un brillant retour sur les planches. Et depuis trente-cinq ans, cette pièce de Roberto Athayde est jouée avec succès, un peu partout dans le monde. La version qu’en donne Pauline Dupont, une jeune comédienne sortie récemment du Conservatoire de Mons, met en valeur les contradictions qui tiraillent cette femme impétueuse, mais ne fait pas ressentir sa désespérance.

Découpé en actes courts, Squash nous fait participer aux hésitations de deux jeunes cadres confrontés aux aléas de leur vie de couple. Fidélité, mensonge, adultère et trahison sont les concepts traités dans cette pièce, dynamique et réaliste, interprétée avec brio par Clément Manuel (Ryan) et Charlie Dupont (Greg), deux frères qui s’opposent sur un terrain de squash.

Jean-Michel Ribes aime beaucoup les sursauts, "ces petits moments délicieux qui nous disent que le monde n’est pas définitivement prévu." Et il a le chic pour nous entraîner dans son univers drôle et décalé. Comme en témoignent les variations loufoques de "Batailles" ou "Merci Bernard" et "Palace", deux séries télévisées désopilantes, coécrites avec son complice Roland Topor, dans les années 80. "Théâtre sans animaux" poursuit "la lutte contre l’enfermement morose de la mesure". Avec une impertinence et une fantaisie qui rendent ce spectacle mordant et savoureux.

Après le succès de son "Hebdo du lundi", la compagnie liégeoise Pi 3,14 propose cette fois un rendez-vous mensuel avec l’actualité. Un JT en plus humain et en plus drôle...

Séjour tonique en Absurdie - 18 décembre 2009

"Grosses têtes et petits pieds", "Des gens insensés autant qu’imprévisibles". Ces titres de livres suggèrent clairement que leur auteur, Claude Bourgeyx, aime plonger ses lecteurs dans un univers déjanté. "Les Petites fêlures" confirme son goût pour l’absurde. En adaptant à la scène cette quinzaine de textes, Yann Mercanton nous offre un spectacle remarquablement maîtrisé et délicieusement subversif.

Mon cul est culotté ! - 18 décembre 2009

N’en déplaise à ses détracteurs, Patrick Ridremont continue à tracer sa route, dont l’itinéraire à plusieurs voix, entamé il y a une vingtaine d’années, n’a cessé d’explorer de nouveaux horizons. Pour cette escale, il a choisi de partir seul avec sa tente et de s’arrêter dans « Mon cul ». Ce titre aux allures de paysage vallonné interpelle les oreilles, mais ne dévoile rien de sa destination finale : le Théââtre !

La peur comme gageure - 15 décembre 2009

Soufian El Boubsi, seul en scène, sans décor ni accessoire, nous emmène à travers des contrées imaginaires, peuplées d’individus excentriques. Un conteur captivant, une gestuelle très représentative, l’histoire passionne de bout en bout et touche tout un chacun.

Un Style qui séduit encore - 14 décembre 2009

A sa mort, en 1957, les détracteurs de Sacha Guitry prédisaient que son théâtre, écrit sur mesure, était condamné à un oubli rapide et définitif. Grossière erreur, soulignée, entre autres, par Claude Volter qui, de 1967 à 2000, joua dix-huit oeuvres de celui qu’il considérait comme son maître. Bien plus qu’"un boulevardier frivole", Guitry est un auteur épris de liberté, qui écrit et joue des comédies "sans méthode, avec facilité, pour son plaisir et le plaisir du public". Il n’est donc pas étonnant qu’ "Une Folie" ne brille pas par la rigueur de sa construction, mais nous charme encore par l’élégance d’un style très personnel.

Avec brio ! - Avec qui ? - 11 décembre 2009

S’"il y a deux fois plus de suicides chez les désespérés que chez les autres", il y aura sans doute deux fois plus de gens de bonne humeur en sortant du théâtre que parmi ceux qui n’auront pas vu la pièce. Cette reprise soignée du grand classique du Spendid, mise en scène par Daniel Hanssens, en ravira plus d’un.

Après trois pièces, qu’il juge "un peu illustratives, didactiques", David Paquet, jeune dramaturge québécois, a décidé d’écrire "Porc-épic", en suivant un autre processus créatif : "J’ai vu des réseaux symboliques et thématiques commencer à surgir. Des réseaux convergents mais brumeux à la fois. J’ai choisi de les laisser tels quels, à mi-chemin entre mon conscient et mon inconscient." Cette ambiguïté délibérée incite le spectateur à faire une partie du chemin. C’est lui qui doit apprivoiser ces personnages insolites, vulnérables, prisonniers de leur solitude, pour donner du sens à cette "tragédie festive". Une démarche facilitée par une mise en scène fluide et des comédiens convaincants.

Dans une construction narrative magnifique, Loin de Corpus Christi nous emmène de Paris à Hollywood et Berlin, d’aujourd’hui aux années 40 ou 80. La scénographie et la mise en scène remarquables rendent ce ballotement avec justesse à travers une pièce qui toutefois se perd un peu à vouloir trop dire.

Priorité au défoulement - 30 novembre 2009

De plus en plus d’internautes éprouvent le besoin d’étaler, sans complexes, leur vie privée sur la toile. Il était donc inévitable qu’un site leur propose de raconter leur dépucelage. Puisant dans 40000 témoignages, Ken Davenport a fabriqué un patchwork, qui cherche avant tout à divertir. Si l’on attend une exploitation plus ambitieuse de ce sujet porteur, on sort de cette soirée, frustrés. Si non, on se laisse emporter par la nervosité de la mise en scène, le punch de quatre comédiens talentueux et la contagion des rires.

King of flop - 23 novembre 2009

Ou comment gâcher un roman de Stephen King

Publié en 1984, "Les yeux du dragon" est sans doute un des romans les plus méconnus de Stephen King, et pour cause : il tranche nettement avec le reste de sa production. Laissant pour une fois ses horribles monstres au placard, le roi de l’horreur signait là (à la demande de sa fille) un conte traditionnel dans le plus pur style "fantaisie héroïque", que les frères Grimm eux-mêmes n’auraient pas renié...

Des Liens qui libèrent - 23 novembre 2009

Dans "Molly au château", son précédent spectacle, Geneviève Damas évoquait la complicité qui avait grandi entre son héroïne et la comtesse Chavernay-Montbrisseau, malgré les barrières de l’âge, de l’arbre généalogique, du train de vie et du langage. C’est un nouvel apprivoisement de deux femmes, que tout oppose apparemment, qui nourrit cette comédie drôle, touchante et remarquablement maîtrisée.

High level - 21 novembre 2009

Froideur calculée, esthétisme irréprochable, éloge du progrès, « Grow or go » nous fait entrer quelques dizaines de minutes dans l’univers impersonnel des consultants. Beaucoup de justesse dans cette représentation documentaire, modérée, fidèle à la réalité et très bien interprétée.

En attendant mieux - 21 novembre 2009

Écrit en 1948, En attendant Godot est souvent considéré comme le chef-d’œuvre de Beckett. Un texte-culte auquel s’est attaqué le Théâtre du Sygne. Ce n’est ni raté, ni réussi... pas plus que la tentative de suicide d’Estragon...

Beaucoup de rythme d’entrée de jeu pour « Mort si j’veux », spectacle mettant en scène de jeunes acteurs dynamiques au théâtre de Poche. Cocktail détonant d’ingrédients attribués aux adolescents, alcoolisme, violence, omniprésence d’internet, confrontation au désengagement parental, automutilation, le nombre de thèmes abordés ne laisse pas toujours une place suffisante à leur analyse.

En attendant le métro... - 19 novembre 2009

Avec Under du suédois Lars Norén, la Compagnie de Monelle s’attaque à un texte résolument contemporain, dans son propos comme dans son écriture. Jean-François Noville nous ouvre une fenêtre sur l’univers de trois clochards, Kol, Keer et Luca. Un univers dévasté, absurde et tragique, dans une pièce drôle mais sans espoir, portée par des artistes talentueux.

Ce jeudi 26 novembre à Bozar, la soirée des extrêmes : la sérénade KV 388 de Mozart, la première symphonie de Mahler, et en première belge un concerto pour trompette du contemporain Jorg Widmann. Une magnifique soirée, mélangeant les genres, les époques, les émotions : du prodigue Mozart, à l’univers varié, accidenté, hurlant, passant de la douleur à l’extase du monde de Mahler, en passant par Jörg Widmann, à la fois un des compositeurs contemporains les plus joués, mais aussi l’un des clarinettistes les plus convoités de notre temps.

Le collectif Alcantarea nous propose l’ultime rencontre entre un frère et une sœur, dans ce huis-clos où se décline la complexité des rapports humains. L’écriture extrêmement maîtrisée de Keene y est portée par l’approche de Cerbara et par la complicité de jeu des comédiens pour offrir au spectateur une pièce tantôt déroutante, tantôt touchante mais toujours intense.

Halte salutaire - 16 novembre 2009

Travailler plus pour gagner plus ! Ce slogan sarkozien ne fait plus recette, depuis que la crise économique affole les ouvriers et provoque une épidémie de suicides chez les cadres. Travailler retrouve son sens premier de torturer. Aussi cette réhabilitation de "la mère de tous les vices" vient à point nommé pour démystifier le culte déraisonnable de l’activisme. Dans ce seul-en-scène léger, pertinent mais qui manque parfois de ressort, Dominique Rongvaux nous fait désirer une société plus juste, favorisant l’épanouissement de chacun.

Anakrouze, groupe composé de 25 femmes chantant a capella dans de multiples registres, nous fait voyager à travers le monde : Europe de l’ouest, Europe de l’est, Etats-unis, Brésil, Afrique...
Ce sont autant d’histoires qu’elles nous racontent avec leurs voix, mais aussi leur expressivité marquante, leur gestuelle et leur danse, dans une scénographie épurée où les seuls objets sont des valises, symboliques des périples, du dépassement des frontières et de l’échange, des rencontres.

Chaque premier mardi du mois, le « Marni Club » au théâtre Marni, c’est une soirée vivifiante, éclectique, qui combine expo, plat du soir en partenariat avec les restaurants du quartier et une programmation musicale de choix, avec un concert de jazz, de rock, ou de blues. Un concept peu commun, attrayant et pour un prix abordable, au coeur du quartier Flagey à Ixelles. A noter également, l’accueil très sympathique et convivial de la part du personnel du théâtre, en salle et au bar.

Chapeau bas - 4 novembre 2009

Comédie intelligente, brillante, faite d’émotion, d’humour et de tendresse : voici une pièce qui va prodiguer autant de bonheur aux spectateurs de la Comédie Claude Volter qu’il n’en a procuré à l’auteur, Olivier Charlet au mieux de son talent, et à l’acteur qui lui donne la réplique, Bernard D’Oultremont, époustouflant lui aussi.

Vendredi 23 octobre, Sarah Bettens était à La Chapelle de Mons pour un concert acoustique tout en nuances, avec Isola en première partie. Veni, vedi...

"Si nous sommes incapables de voir plus loin que les tabous ou les clichés, de nous regarder tous comme des hommes, plutôt que comme des abstractions, autant rallumer les fours." Par cette phrase provocante, George Tabori, juif hongrois en perpétuel exil, revendique un théâtre audacieux, dérangeant, qui prend des risques pour réapprendre aux spectateurs l’art d’écouter. Entremêlant le grotesque et le tragique, "Mein Kampf (farce)" est une fable hétéroclite, qui se disperse au fil des actes et n’atteint que sporadiquement l’objectif visé.

Précipitez-vous sur ce petit-déjeuner qui n’en est pas un, tant il regorge d’humour, d’inventivité, d’auto-dérision, de multiples niveaux de lecture et de regards croisés.

Ni dupe ni soumis - 15 octobre 2009

Depuis ses débuts dans "Rosetta" (1999), Fabrizio Rongione a incarné au théâtre, au cinéma ou à la télévision, des personnages denses. C’est ainsi qu’il a été le "Bonaparte" de Robert Hossein, le passeur mafieux du "Silence de Lorna", dernier film des frères Dardenne, et Marcel, un communiste résistant dans la série "Un Village français". Il a aussi joué dans plusieurs spectacles, écrits avec son complice Samuel Tilman, comme "A genoux" (Prix du Théâtre 2002), qui se moquait déjà de l’absurdité de nos comportements. Moins tendre mais plus caustique, ce nouveau seul en scène confirme le désarroi de l’homme, déboussolé par les incohérences de la vie quotidienne.

Un graal … Inaccessible. - 11 octobre 2009

Dans cette nouvelle création, Ingrid von Wantoch Rekowski, artiste associée au Théâtre National depuis 2005, aborde l’univers foisonnant d’Arthur et de ses Chevaliers de la Table Ronde. On y retrouve cette combinaison particulière qui avait fait le succès de ses pièces précédentes : une alliance baroque entre le théâtre, la musique, la danse, la peinture. Pourtant ici, cette alchimie ne fonctionne pas. Pièce hermétique, « Lapsit Exillis » oublie d’emporter le public avec soi et apparaît de ce fait comme une succession linéaire et désarticulée de scènes tournant autour des thèmes chers à cette époque, tels que le combat, l’appartenance au groupe, le rite d’initiation ou la reconnaissance des pairs.

Pinocchio de Joël Pommerat, une pièce à voir. Pourtant, malgré les multiples critiques élogieuses qu’a reçues la pièce, on peut rester un peu sur sa faim.

A dix ans, émerveillé par "Le Capitaine Fracasse" qu’incarnait Jean Marais à l’écran, Thierry Debroux savait déjà qu’un jour "il ferait quelque chose des agitations naïves de cet enfant qui se prenait pour un héros de cape et d’épée". Eh bien, ce "quelque chose" est un spectacle tonique, raffiné, chatoyant, qui mêle astucieusement les tracas du romancier, le panache des combats et la magie du théâtre.

Les quatre fantastiques - 7 octobre 2009

Forest, Peelaert, Cuvelier et Crepax partagent leur audace avec nous jusqu’à la fin de l’année. Invitation à accepter sans hésiter : les fondateurs de la BD sexuée méritent le détour. Pour la qualité artistique de leur travail, parce que leur œuvre témoigne de l’évolution des mœurs à partir des années 60, mais surtout pour l’agréable moment que cette expo nous fait passer.

Amère victoire du diable - 2 octobre 2009

Juriste et philosophe, François Ost s’est illustré dans le développement du courant "Droit et littérature" par des ouvrages comme "Raconter la loi" (2004) ou "Sade et la loi" (2005). Celui-ci se termine par une conversation imaginaire entre le divin marquis et l’avocat Portalis, futur auteur du Code civil. Adapté à la scène par Jean-Claude Idée, ce spectacle séduit par des dialogues éclatants et le brio de ses interprètes, mais est desservi par une progression anémique.

Cette année, le ZUT met le cap sur le Québec, puisque les quatre spectacles, qu’il nous propose, nous viennent de "la belle province". Georges Lini désire nous faire partager sa passion pour ces auteurs " à la langue folle, belle, poétique et rageuse." C’est Daniel Danis qui ouvre la saison avec une pièce âpre, sensible, nourrie par des images intenses, mais qui ne se laisse pas facilement apprivoiser.

Seul face aux miroirs - 27 septembre 2009

Sur une scène épurée, presque dans l’intimité, un homme nous livre son histoire, ses envies, ses failles et ses blessures. Une plongée au cœur de la solitude d’un écorché de la vie dans un texte sensible et fort de Paul Van Mulder, desservi par quelques faiblesses scéniques.

La jeune fille et le poète - 27 septembre 2009

Dans la cave envoûtante de La Clarencière, Alessandra Leo offre un voyage particulier au côté de Giacomo Leopardi. Durant une heure, l’occasion est donnée de découvrir ce grand poète, dans un spectacle toutefois très inégal.

Le Rideau ouvre sa saison avec un texte phare du théâtre belge, Le Cocu magnifique de Crommelynck. Un auteur du début du siècle pour nous parler d’obsessions actuelles : le désir, le doute, l’insaisissable connaissance. Le tout servi par une scénographie où vidéo et musique sont partie prenante de l’intrigue et par un Bruno fascinant, dévasté peu à peu par la folie...

Felix Mendelssohn-Bartholdy -dont la musique a pâti de tant d’aisance, et d’une surabondance d’activités- dans son magnifique deuxième concert de violon, et Gustav Mahler, être tourmenté, et frappé par plusieurs coups du destin dans sa cinquième symphonie, sont présentés ce dimanche au Palais des Beaux-Arts.

... Comme ils respirent - 14 septembre 2009

Garde à vue, c’est avant tout un film de Claude Miller, sorti en 1981, et des dialogues au scalpel signés d’une patte mythique, celle de Michel Audiard. Quiconque l’a vu se souviendra de l’ambiance oppressante, pleine de silences poisseux et violents, des masques fissurés d’où suintent les non-dits. "Garde à vue", c’est aussi le trio de titans Ventura-Serrault-Schneider, qui s’adonnent à un jeu de massacre froid et méthodique ; un héritage assez lourd, en somme, pour la relève. Mais la relève se défend ici avec brio, et Olivier Massart signe une mise en scène qui réussit le pari d’être à la fois fidèle et unique.

Mythique libertinage - 9 juin 2009

Censurée à sa création en 1665, « Dom Juan » est une des œuvres les plus originales de Molière. On y retrouve ce personnage légendaire, originaire d’Espagne : libertin, révolté et libre-penseur, il cumule tous les vices de son époque, mais les assume et les revendique. Dans une mise en scène assez lisse de Michel Kacenelenbogen, le duo Demoulin-Massart (Dom Juan et son valet Sganarelle) déploie toute son énergie pour porter ce grand texte toujours d’actualité.

Un long combat - 6 juin 2009

Le regard tranchant de B-M. Koltès et la mise en scène réaliste de M. Wright se conjuguent pour faire sentir toute l’humanité qui se dégage de cette fable. Une pièce riche qui souffre malheureusement de quelques longueurs.

Si vous aimez le violoncelle, vous ne pouvez pas faire autrement qu’être présents le 11 juin prochain au palais des Beaux-arts pour écouter le concerto pour violoncelle de Dvorak.
Le concerto pour violoncelle et orchestre en si mineur est une des œuvres les plus populaires de Dvorak, avec la symphonie du nouveau monde et les danses slaves.

Depuis 1954, Franca Rame et son mari Dario Fo s’efforcent de libérer, par le rire, l’homme de la peur. Cette peur sur laquelle " est fondé tout obscurantisme et tout système de dictature". En transformant un de leurs nombreux monologues en conférence donnée par quatre S.S.F. (Sexologues Sans Frontières), la Compagnie Drolma nous entraîne dans un spectacle burlesque, pimenté de multiples trouvailles, mais alourdi parfois par des interventions trop didactiques.

Être ou paraître ? - 14 mai 2009

Auteur américain à la plume incisive, Neil LaBute nous livre avec « Fat Pig » une pièce drôle et percutante sur le diktat des apparences et des normes sociales. Quel avenir pour une histoire d’amour entre un jeune cadre dynamique et une femme dont les rondeurs ne sont pas en phase avec les canons de beauté filiformes d’aujourd’hui ? Dans une mise en scène efficace et épurée de Thierry Lavat, « Fat Pig » nous renvoie non sans humour ni un brin de caricature le reflet de cet aspect peu reluisant de notre société.

Insatiable Amélie - 13 mai 2009

Fervente lectrice d’Amélie Nothomb, Christine Delmotte est séduite par les qualités théâtrales de son oeuvre. Elle l’a montré, dès 1988, en proposant une soirée où des extraits de ses romans dramatisés se mêlaient à des discussions improvisées avec l’auteur, puis en adaptant à l’écran "Le Sabotage amoureux" et... à la scène "Biographie de la faim". Spectacle intelligent et serein qui met en lumière la dimension universelle de ce récit intime et la puissance de son écriture.

Même s’il inspire son titre de Philip K.Dick, auteur de science-fiction, Armel Roussel ne nous propose pas une vision de demain mais décortique aujourd’hui et la place laissée aux utopies avec dix comédiens pour porter un regard sur le monde dans une mise en scène polymorphe et maitrisée.

Chienne de vie - 7 mai 2009

Ce soir, les portes du bar Mimosa resteront closes. Mira, la jeune et jolie prostituée, refuse de vendre son corps, pas un jour comme celui-ci. Son amie Janine, une fille du bar voisin, a été assassinée. Comment Mira pourra-t-elle faire comprendre à Georges, son amant-souteneur, et accessoirement journaliste local,que cette mort plane sur elle ? Mimi, sa mère et propriétaire des lieux, déambule comme une âme en peine, traînant derrière elle un chien empaillé, symbole d’une société qui ne sait plus faire ses deuils. Grâce à une mise en scène moderne et cinématographique, Philippe Sireuil donne un sérieux coup de lifting à une pièce qui risquerait de s’engluer dans le naturalisme glauque.

Déçu par la Belgique, Patrick Roegiers s’est expatrié à Paris en 1983. La mort de son père, en 2001, a réveillé ce qui sommeillait dans son coeur et il s’est mis à " écrire par bribes, en désordre, avec une intense jubilation, un abécédaire imaginaire" , qui reflète son " MAL DU PAYS ". Adaptée à la scène par ses soins, cette "AUTOBIOGRAPHIE DE LA BELGIQUE" est devenue un spectacle malicieux, pétillant, chaleureux , orchestré avec maîtrise par Vincent Dujardin.

Des comédiens, sélectionnés selon la volonté hasardeuse d’un auteur absent, se retrouvent dans une salle de répétition. Chacun d’entre eux avec un texte et un rôle, face à eux : le mystère.
La pièce fonce à brides abattues à travers mythologie, music-hall déjanté, illusion et inspiration, ne pouvant malheureusement éviter quelques accidents douloureux.

Un seul-en-scène qui devient galerie de portraits, où Yann Mercanton arrive à changer de visages, dévoilant nombre de personnages cyniques, aux propos toujours bien au-delà du politiquement correct. Une réelle performance d’acteur à découvrir aux Riches-Claires.

Dotés d’un humour désopilant, les membres du London Quartet méritent la réputation qui leur est faite, celle de former l’un des meilleurs groupes de chants au monde. A la fois drôles et virtuoses, ces quatre "fous chantants" savent nous séduire.Polyphonies a cappella, musiques classiques ou modernes, comédies musicales ou chansons françaises, rien n’a de secret pour eux.Leur douce folie,leur talent illimité vous garantissent une soirée sans faille.

Treize ans après la création des « Mangeuses de chocolat », Philippe Blasband réunit le même quatuor de comédiennes autour d’un thème qui nous concerne tous : la mort. Sous la forme d’une séance de partage des biens d’un défunt, « Paternel » aborde avec finesse le difficile mécanisme du deuil. En se confrontant l’une à l’autre, les quatre femmes verbalisent les liens particuliers que chacune avait tissés avec le disparu… Un processus violent parfois, mais clairement cathartique, dans lequel le spectateur est happé grâce à la justesse du jeu des comédiennes et à une mise en scène épurée.

"Du théâtre qui tout à coup nous prend par les épaules et nous secoue très fort. Du théâtre où il est question à tous moments de ces oiseaux qui entrent dans la maison et qui se cognent sur tous les murs, parce qu’ils ne retrouvent pas la sortie." C’est ainsi que Georges Lini annonçait la couleur de la cinquième saison du ZUT. "Après la fin", qu’il met en scène avec rigueur, est incontestablement une de ces pièces percutantes qui nous empoignent le coeur.

Multitude de talents au service de cet « Abécédaire des temps modernes » présenté au Rideau. Paul Pourveur décortique notre monde (post)moderne et nous propose sa lecture, déclinée en 26 lettres et portée par la mise en scène claire-obscure de Michael Delaunoy. Un pari réussi.

Un professeur de français profite de ses cinquante dernières minutes de cours avant la retraite pour parler de ce qui lui tient à cœur : le langage. Sujet propice tant aux jeux de mots qu’à un exposé d’un orfèvre de la langue, à tel point que l’envie de retrouver les bancs d’école renaît. Une très belle pièce sur la beauté de l’enseignement.

Rira bien qui rira... - 24 mars 2009

Puisant dans ses souvenirs d’enfance et ses indignations d’adolescente, Anne-Marie Cappeliez a écrit une première pièce, qu’elle qualifie de "douce amère". Bien plus aigre que tendre, cette comédie grinçante nous amuse parfois par son humour noir, mais ne réussit pas à rendre émouvante la confrontation entre ces deux sexagénaires, désespérément seules.

Duchotel est censé courir le lièvre avec Cassagne. Il est, en réalité, avec la femme de Cassagne, au 40, rue d’Athènes. Le docteur Moricet en profite pour courtiser Léontine, qui n’est autre que la femme de Duchotel, et lui donne rendez-vous… à la même adresse !
En cette fin de saison, le Théâtre des Galeries Saint Hubert reprend la chasse avant de courir les châteaux cet été. L’esprit de Saint Hubert rôde dans les parages, en effet. Mais entre la châsse du saint et celle du médecin, il y a un accent « sans complexe » qui sonne la trompe, annonçant l’hallali des corps pieux !

Une aire d’autoroute, une voiture sur une route de campagne, une chambre d’hôtel dans un village allemand...autant d’étapes de ce « Voyage » familial comme autant d’évolutions. Entre ce fils en mal d’existence et ce père qui a trop vécu se (re)noueront des liens que seule la mémoire de l’asphalte pouvait déterrer ou créer.

Coquineries de boudoir - 19 mars 2009

A travers un répertoire de chansons de Boris Vian, Colette Renard, Henri Tachan, Brigitte Fontaine et bien d’autres,Geneviève Voisin revisite un siècle d’érotisme et de sensualité en faisant appel à notre mémoire collective ou individuelle. Cette belle jeune femme a un talent fou et peut compter sur celui de Philippe Libois, son pianiste complice. Bien dans son corps, qu’elle déplace avec grâce et légéreté, elle nous séduit par la qualité de sa voix et de son jeu de scène.Avec elle, on peut s’attendre à tout. Tout est possible, tout est permis, jamais vulgaire. Du grand art, pour le plaisir des yeux et des oreilles.

No future - 13 mars 2009

Après Unter Eis qui explorait de l’intérieur les dérives anxiogènes du monde des entreprises, Falk Richter change de perspective en abordant le point de vue de ceux qui refusent « le système ». L’angle d’attaque est différent mais le propos similaire : que l’on se construise contre ou avec lui, en quoi le monde d’aujourd’hui nous façonne-t-il, voire nous anéantit ? Question pour le moins urgente, qui résonne dans « Jeunesse blessée » comme un cri glacial entre révolte et désespoir.


La pièce se déroule chez Calvinu, restaurant que la famille Jaffray fréquente depuis une trentaine d’années. Pour fêter les cinquante ans de Laure, sa femme, Robert Jaffray y a réservé une table pour six, conviant ses fils, Alain et Roland, et leurs compagnes, Stéphanie et Sandrine. De deux générations distinctes, ces trois couples vivent leur besoin d’aimer et d’être aimés dans un cadre petit-bourgeois ordinaire, où les contentieux, les injustices, et les trahisons se lient à la passion, à la tendresse et au désir. Puis se délient dramatiquement.

Drôle de vie ... - 4 mars 2009

"Tous ses héros ont l’humanité entêtée, âpre, mauvaise, mais si naïve, si bouleversante, que nous nous y retrouvons tous.". Laurence Sendrowicz (traductrice des pièces d’Hanokh Levin) souligne avec pertinence l’empathie que nous éprouvons pour Yaacobi, Ruth et Leidental. Jonglant avec les loufoqueries et les émotions, ils nous entraînent dans une farce musicale exubérante. Sous le masque de ces clowns, se cache l’homme en quête du bonheur, désespérément écartelé entre sa soif égoïste de réussite et le besoin de vivre en harmonie avec l’autre.

Explorer les angoisses de l’isolement au moyen d’une pièce mêlant le thriller psychologique, la comédie musicale et le théâtre burlesque… Voilà le défi audacieux que relève avec brio Anne-Cécile Vandalem dans (Self) Service. Pour nous faire partager ses réflexions, une intrigue : la mort (accidentelle ?) de Miss Sally B., écrasée dans son solarium, au milieu de son salon. Le ton est donné. Quatre femmes vont alors investir toute leur énergie pour clamer leur innocence ou accuser leurs congénères… Pour le plus grand plaisir du spectateur.

On the road again - 16 février 2009


Inspirés par les chansons de Serge Gainsbourg et l’odyssée de Bonnie and Clyde, Alexis Goslain et Delphine Ysaye nous entraînent dans une virée à l’issue malheureuse. Des braquages au meurtre, ils se retrouvent sur la pente glissante du no return. Prêts à s’aimer comme des « dingues », comme des « fous à lier », ils vont vivre un amour anarchisant, souvent confinés dans ce no-man’s land qui leur sert de voiture. Soumise au jeu du tandem écrivains-acteurs, la mise en scène, signée par Patrice Mincke, est une ode à la vitalité et la fureur de vivre.

Nuit de la délivrance ? - 13 février 2009

Dans "Petite âme" et "Etre en robe", ses deux premières pièces, Vincent Lécuyer explorait des passions silencieuses, en laissant une grande place à l’imaginaire du spectateur. Il confirme dans "Nuit blanche" la subtilité de son écriture et son goût pour le dévoilement partiel des âmes. Ces deux monologues entrecroisés nous intriguent, nous troublent , suscitent des questions intéressantes et de trop rares moments d’émotion.

Comme une histoire - 13 février 2009

Dans une grande simplicité, Dominique Rongvaux se fait le porte-voix du jeune Boulgakov, médecin de campagne, témoin d’une Russie rurale et pittoresque de 1917. Devant les murs nus du Théâtre de la Vie, il nous offre ce texte sans prétention, teinté de réalisme, de cynisme mais surtout d’humour. Rares sont les titres qui annoncent sans détour le propos d’une pièce. « Récits d’une jeune médecin ». Ni plus, ni moins.

Poésie nocturne - 13 février 2009

Une seule nuit. Plusieurs ombres. Dans une sublime scénographie signée Vincent Lemaire se déploient neuf comédiens, personnages ou ombres qui se rencontrent, se confrontent ou s’observent. Entre fiction et réalité, le texte audacieux et poétique de Paul Willems prend son envol et résonne au cœur de la nuit.

Histoire oubliée - 11 février 2009

"Tête à claques" raconte le passage charnière de la vie de jumeaux coincés entre le passé encore pesant de leur famille et l’isolement de leur village. Ensemble, ils tâcheront de s’en sortir, malgré les moqueries de certains enfants ou les mesquineries des villageois.
Cette histoire est portée par une mise en scène inventive et deux comédiens généreux. Elle touche le spectateur et ne le laisse pas indemne.

Du Fo qui sonne juste - 8 février 2009

En 1974, au moment de la création de "Faut pas payer", des manifestants, essentiellement des femmes, dévalisèrent les supermarchés de Milan. La réalité copiait la fiction. Dans cette version réactualisée (2007), Dario Fo soutient à nouveau la désobéissance civile, en dénonçant, avec acuité, les injustices de notre société gangrenée par la crise mondiale. "Clown militant", il nous communique sa révolte par une succession de situations loufoques, qui rendent cette virulente comédie, jubilatoire.

D’où est-ce que nous venons ? De quoi est faite notre image ? Qu’est-ce qui est important dans notre vie ? Où allons-nous ? ... Tant de questions existentielles ou pragmatiques nous sont posées par ce spectacle sous la forme particulière de parcours individuels au coeur de nos angoisses liées aux grandes étapes de notre vie. Bouleversant. Ce voyage spectaculaire est l’expérience incontournable de ce début d’année.

"Qui sera la meilleure mini star ce soir ?". Le titre de cette récente émission de T F 1, comme les élections de miss et les attributions des oscars ou des ballons d’or confirment la fascination exercée par le sacre du champion. Cet esprit de compétition exacerbé, Israël Horowitz le démystifie avec un humour pétillant dans "Le Premier". Une pièce insolite et narquoise, interprétée par cinq comédiens qui se renvoient la balle avec adresse.

Salon virtuel et cruel - 1er février 2009

Savez-vous ce qu’est un chat room ? C’est un “salon virtuel dans lequel on peut discuter”, autrement dit “chatter”. Simple, non ? ... Bienvenue dans l’univers de six adolescents d’aujourd’hui !

Sur un nerf de famille - 21 janvier 2009

« Qu’est-ce qu’être parent aujourd’hui ? » ... Face à cette vaste question, Joël Pommerat tente intelligemment de faire émerger la réponse en chacun de nous, en nous livrant dix moments de vie criant de vérité. Ces instantanés, mis en scène de manière naturaliste par Thierry Debroux et portés par quatre excellents comédiens, sont autant de pistes de réflexion pour le spectateur, invité à saisir entre les mots toute la complexité de ces relations nouées.

En revisitant le mythe de Narcisse, ce jeune adolescent tellement amoureux de sa propre image qu’il en perdit la vie, Andrès Cifuentes creuse le perpétuel va-et-vient de l’âme du jeune homme. Privilégiant le symbolisme et l’économie de l’objet, il nous prouve sa capacité à nous plonger dans un univers intimiste dont nous ne sortirons pas indemnes. Notre réflexion se focalise sur une question fondamentale : L’homme ne serait-il qu’un immense narcisse qui se regarde sans se soucier des souffrances qu’il inflige ?

De SCHUBERT à WIDMAN… - 20 janvier 2009

C’est discrètement, à l’ombre de Beethoven et dans la même ville, à Vienne, que Schubert écrivit ses 15 quatuors.

Le génie de Schubert se développera sans l’ambition de dépasser les maîtres qu’il admirait, sans remettre en cause la tradition, mais en suivant sa nature et ses intuitions. Discret, humble même, Il suivra un tracé tout personnel. Il n’y a jamais rien d’ostentatoire dans sa musique… Mais n’est-ce pas justement cela qui fait toute la poésie de Schubert ?

Tollé sur l’intolérance - 15 janvier 2009

"Une fois les êtres humains définis exclusivement par la bouffe et le sexe, on les plonge dans un univers traversé par deux données : la peur et l’argent." C’est ainsi que le metteur en scène Yves Claessens analyse les ingrédients d’ "Emballez, c’est pesé !". Dans ce cocktail explosif, Jean-Marie Piemme dénonce les préjugés, étale la bassesse humaine et stigmatise le rejet de l’autre. Sans leçon de morale et avec une ironie mordante, qui rend la pièce tonique et décapante. Dommage qu’elle ne s’appuie pas sur un scénario plus consistant.

Haydn, vers 1760, est le créateur (avec Boccherini) de ce genre pour 4 instruments à cordes solistes de la même famille (2 violons, un alto et un violoncelle). Il en créa 83.

Les 2 opus que nous entendrons au Conservatoire de Bruxelles appartiennent au cycle des 6 quatuors op. 71/74, Hob.III.69/74 crée entre 1792-1793. Pour la première et unique fois, Haydn s’attacha à la notion d’introduction. Le style de ces quatuors est brillant, plein d’éclats et de virtuosité.
Nous apprécierons notamment dans l’opus 71 n°2, la magnifique mélodie de l’adagio cantabile, et le largo Assa de l’opus 74 n° 3 et ses changements abrupts de nuances.

Parmi la quarantaine de pièces écrites par Anouilh, Le coq combattant (parue en 1956 sous le titre L’Hurluberlu ou le réactionnaire amoureux) appartient à la catégorie de celles qui dénoncent l’absurdité de l’existence, dont les valeurs sont sans cesse violées par l’homme, véritable loup pour lui-même.
L’intrigue prend place dans un milieu bourgeois, véhiculé par son habituel cortège d’hypocrites bienséances, qui peinent à cacher les bassesses et lâchetés des hommes. Mêlant rire et amertume, le ton est grinçant, les dialogues rapides, contrastés. Le style et l’esprit de Molière ne sont pas loin.

Burlesque précarité - 27 décembre 2008

Trois corps autour d’un objet étrange et imposant. L’un d’eux se lève, perdu. Face à tant de perplexité, son homonyme clownesque lui répond : « Tu es mort. »
Sous la forme d’un « conte philomélancolique », la troupe du Théâtre Loyal du Trac présente un spectacle sur "l’éphémèrité" de la vie. Ce sujet sensible, abordé par l’absurde et l’ironie, offre le plus souvent de joyeux instants de rire et de réflexion. Cependant, certaines scènes ont du mal à cacher quelques fragilités.

Rire à gorge serrée - 17 décembre 2008

En 2005, Véronique Stas jouait dans "Youpi", un formidable pied de nez imaginé par Charlie Degotte, pour fêter les 175 ans de la Belgique. Cette fois, le tandem iconoclaste nous raconte le pitoyable destin d’Albert Lambert, dans une comédie cruelle, bien plus noire que l’insolente opérette. Parfois très savoureuse, cette potée liégeoise provoque des aigreurs. En effet, si certaines scènes, enfiévrées par une verve truculente et pimentées par l’accent, sont désopilantes, d’autres manquent de rythme, d’originalité ou de rigueur.

Au risque de se perdre... - 17 décembre 2008

Kurt Köpler est un acteur de talent qui ne manque pas d’ambition. Sympathisant gauchiste, il se retrouve pris dans la tourmente de la montée du nazisme et décide de tenir bon, de résister de l’intérieur. C’est le seul acte politique qu’il puisse poser. Etre ambigu et plein de contradictions, il n’est ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir. Comment résister aux pressions grandissantes du nouveau pouvoir alors qu’il souhaite continuer à occuper l’avant-scène ? Qu’aurions-nous fait à sa place ? « To be or not to be » nous dit Hamlet. Le théâtre est le lieu où on doute. Avec « Mephisto » , Guy Cassiers et son équipe nous entraînent avec force et brio dans les dédales d’une vie où tout n’aura été que jeu.

A l’heure de l’apogée des traitements électroniques du sonore qui exacerbent le hiatus entre ce qui se donne à voir et ce qui se donne à entendre, Henri Chopin s’impose comme une figure centrale de la réunification des deux accès sensoriels principaux de tout spectacle musical ou autre. Là où les musiques faisant intervenir le traitement en directe de la matière sonore via des machines de plus en plus sophistiquées et dont le fonctionnement échappe de plus en plus à la compréhension du commun des mortels, cherchent-elles sans doute à faire vaciller les repères de l’auditeur en lui dissimulant le processus de production des sons qu’il entend, Henri Chopin, lui, remet le geste musical au coeur de l’accomplissement de sa musique.

Voyage au centre de l’hiver - 17 décembre 2008

Avec V.-Nightmares, Prix de la Critique 2007 pour le meilleur spectacle de danse, le chorégraphe Thierry Smits nous livre une oeuvre puissante et monumentale. « Ice », le quatrième et dernier de ces « cauchemars », consacré à l’hiver, bouscule le spectateur par l’intensité des images qui lui sont données à voir.

La vie dans tous ses états - 17 décembre 2008

Avec V.-Nightmares, Prix de la Critique 2007 pour le meilleur spectacle de danse, le chorégraphe Thierry Smits nous livre une oeuvre puissante et monumentale. Mêlant tout à la fois de la danse, des textes, de la vidéo, ou des effets pyrotechniques, cette performance artistique est à la hauteur de son ambition.

A sa création, en 1952, "La Valse des toréadors" a été mal accueillie. Certains critiques dénonçaient sa grossièreté et sa noirceur. Ils s’acharnaient sur un drame, alors que cette pièce grinçante est une farce. Les invraisemblances de l’intrigue et les comportements caricaturaux des personnages en témoignent. Mêlant burlesque et tragique, Jean Anouilh "essaie de nous faire rire avec nos petites misères d’hommes." La mise en scène intelligente de Danielle Fire confirme cette intention, en suscitant l’hilarité, aux moments où l’on devrait pleurer.

En avril 2008, l’actrice - conteuse Michèle Nguyen avait présenté, sous le titre "In limine", une première adaptation du livre de Lise Bonvent : "Sans jugement". Très ébranlée, par la confrontation entre cette juge et une enfance complètement délaissée, elle l’a retravaillée, pour mieux se l’approprier : " Tant que je n’ai pas trouvé, je change. Ma recherche est d’être le plus à nu possible.". Déconcertante parfois, cette version épurée impressionne par l’osmose entre la comédienne qui fait vibrer les mots et la juge qui voudrait dépasser le cadre de sa profession.

Désapprendre pour écouter - 26 novembre 2008

Le forum des compositeurs s’expose à l’espace Senghor à l’occasion de la première édition du festival que celui-ci organise. L OO OO PP 1 se déroulera toute la journée durant et comportera de multiples facettes, dont à 14 heures un "focus jeunes compositeurs" qui justifie à lui seul le déplacement.

Elle avait fait un rêve - 25 novembre 2008

Mis en scène par Jasmina Douieb, ce spectacle est basé sur le journal intime et les mails de Rachel Corrie, jeune militante Américaine morte à 23 ans sous les chenilles d’un bulldozer Israélien. Membre du Mouvement de Solidarité Internationale, engagée dans la bande de Gaza pendant la seconde Intifada, cette jeune femme n’a commis d’autre crime que celui de s’opposer pacifiquement à la destruction de la maison de deux familles Palestiniennes.

Violences de salon - 25 novembre 2008

"Ce qui m’intéresse, ce n’est pas raconter des histoires, mais critiquer l’existence." Yasmina Reza arrache les masques avec jubilation. Dans "Art", l’achat d’un tableau blanc dévoile les lézardes d’une amitié apparemment bien cimentée. Ici une conciliation entre des parents, pleins de bonne volonté, tourne à l’aigre et réveille le dieu du carnage. Avec un humour décapant, ce huis clos explosif révèle la vérité cachée sous le vernis des conventions et stigmatise la médiocrité de nos comportements.

L’alchimiste du sonore - 20 novembre 2008

Ecouter Scelsi, c’est entrer dans l’intimité du phénomène sonore, y pénétrer plus précisément et plus charnellement qu’à l’écoute d’autres musiques instrumentales. Scelsi, l’alchimiste du sonore, manie les timbres avec une telle précision et une telle dévotion que l’on réalise avec bonheur que la musique est parfois ailleurs que là où on l’entend communément. Elle se situe au-delà des notes sur une portée agencées selon des règles de syntaxe plus ou moins précise, dans le but plus ou moins avoué de susciter, avec plus ou moins d’univocité, tel ou tel sentiment.

Vomir son malheur - 20 novembre 2008

Fascination de l’image, prestige de la beauté, obsession de la minceur, drame de la boulimie, Anne-Bénédicte Bailleux brasse ces thèmes très actuels dans un monologue inégal. Desservie par le texte, qui devrait se concentrer sur le désarroi de Rose, Jessica Gazon ne maîtrise pas constamment son personnage. Par contre, elle manifeste beaucoup de virtuosité dans la suggestion de silhouettes antipathiques.

Peut-on partager un deuil ? C’est une des questions que pose Frédéric Melquiot dans cette pièce. Hantés par le spectre de Marcia, morte il y a un an, les membres d’une famille tentent de se rassembler. Ils ne se fuient pas, mais chacun dresse un rempart entre sa douleur et celle des autres. Sans influencer notre jugement, l’auteur nous plonge dans le désordre des émotions et fait émerger la vérité des personnages, sous les propos anodins ou les silences.

Tout simplement Ibsen - 16 novembre 2008

À sa publication en 1881, la pièce d’Ibsen fit scandale et fut interdite. Parce qu’elle dénonçait de manière cinglante l’hypocrisie de la morale bourgeoise et abordait des thèmes aussi délicats que l’inceste ou l’euthanasie. Depuis, Les Revenants n’ont cessé de revenir hanter les scènes européennes. Comment aborder aujourd’hui un tel texte ? Tout en sobriété, il n’y a pas d’autre solution. C’est bien ce qu’a fait Elvire Brison, et avec brio. Pas de fioritures inutiles. La froideur qui caractérise l’ensemble du spectacle souligne bien l’insolence du propos.

Lors de sa création, en 1836, "Le Révizor" remplissait le théâtre, mais suscitait les injures des fonctionnaires, des policiers, des marchands et des hommes de lettres. Le tsar lui-même se sentait visé. Ulcéré par ces réactions hostiles, Nicolas Gogol s’est efforcé de dissiper le malentendu :
"J’avais décidé de ramasser tout ce que je connaissais de mauvais et d’en faire la cible de mon rire". Dans sa mise en scène débridée et expressionniste, Michel Dezoteux respecte cette intention. C’est bien l’agitation humaine dérisoire et vaine qu’il tourne en ridicule. Quel que soit leur bord, les personnages, enfiévrés par la peur, se conduisent souvent comme des bouffons délirants.

Serge Kribus explore remarquablement l’évolution des rapports qui se tissent entre deux personnages. Dans "Le Grand retour de Boris Spielman" (2000), il montrait délicatement comment un père et un fils, qui n’ont jamais su se parler, partent à la rencontre l’un de l’autre. Et dans "L’Amérique", il nous fait sentir, grâce à une langue percutante, tendre et chaleureuse que l’amitié entre Jo et Babar, lancés dans une folle équipée, est indestructible.

Si vous avez en mémoire le film qu’Henri-Georges Clouzot avait tiré, en 1942, du roman de Stanislas-André Steeman, vous serez surpris, en bien, par cette adaptation, signée Fabrice Gardin. Alors que le film, très français, mise sur la gouaille et le pittoresque d’acteurs à la mode, cette pièce nous plonge dans le climat brumeux de Londres, hantée par Jack l’Eventreur. En suivant des policiers dépassés, qui tentent d’identifier Mr Smith, nous nous perdons dans un labyrinthe et tournons autour de suspects étranges et inquiétants.

Depuis quelques décennies, la relation homme - femme a bien changé. Interpellés par cette mutation, Nicolas Dubois et Patrice Mincke ont écrit et jouent avec brio "Où sont les hommes ?", qui, tel un kaléiodoscope, présente le mâle du 21ème siècle, sous de multiples facettes. Orchestré avec souplesse par Vincent Raoult, ce spectacle drôle et pimenté séduit aussi par son esprit de tolérance.

Luckas Vander Traelen a plus d’une corde à son arc. Successivement chanteur de rock, réalisateur à la télé flamande, député groen au parlement européen, il s’est lancé un nouveau défi : partager avec un public francophone ses émois d’adolescent. Le pari est gagné. Grâce à son style décontracté et à son goût prononcé pour l’autodérision, cet Alostois de cinquante ans réchauffe tendrement ses souvenirs, en évitant toute mièvrerie.

Trente ans avant Rossini, Beaumarchais avait exploité l’intrigue classique du vieux barbon empêché d’épouser une ingénue, dans ...un opéra. Comme son oeuvre fut refusée, il la transforma en une comédie, toujours dominée par la musique et qui osait narguer la tradition. Ce sont ces deux atouts que Jacques Delcuvellerie a voulu privilégier dans sa mise en scène. Résultat : un spectacle drôle, espiègle, déjanté, mais dont certaines scènes manquent d’allant.

Des petits bouts d’Hamlet - 13 octobre 2008

Sept acteurs pour jouer Hamlet, cela donne “Hamlet(s)”... un nombre infini d’Hamlets... On ne pourrait mieux exprimer l’ambivalence si présente chez Shakespeare. Tout comme “le beau est laid, le laid est beau”, Hamlet est à la fois un et plusieurs, plusieurs et un seul.

Considéré comme un grand dramaturge belge, Michel de Ghelderode est rarement à l’affiche de nos théâtres. Si "Escurial", "Barrabas", "Pantagleize" ou "La Ballade du grand macabre" sortent parfois du purgatoire, ses pièces pour marionnettes ou pour pantins humains sont oubliées. Bernard Lefrancq répare cette injustice, en montant avec audace et ingéniosité, deux farces qui exploitent "le théâtre dans le théâtre", par des scènes cruelles, grotesques, truculentes,mais parfois excessives.

Dans de beaux draps ! - 7 octobre 2008

Dans "L’Illusion chronique", sa création précédente, le Panach’ Club tournait en dérision la folie consommatrice. Cette fois, c’est le lit qui a excité l’imagination débordante de onze comédiens déchaînés. Leur humour débridé, parfois grinçant, fait défiler sous le baldaquin, des personnages déjantés, des situations surréalistes et des chansons farfelues. Dommage que ce spectacle délirant, mené sur un rythme alerte, traîne quelques scènes poussives.

"Une pièce qui fit le tour du monde." Cette formule devrait nous rassurer. Malheureusement, elle souligne plutôt l’âge et la désuétude de ce thriller, signé Frédérick Knott. On ne frémit pas, on ne tremble pas, on ne panique pas, en partageant les angoisses de l’héroïne. L’intrigue policière se déroule sans la magie du suspense.

Les problèmes posés par les "sans papiers" confirment que la question de l’identité est d’une brûlante actualité. René Bizac n’a pas voulu l’aborder sous l’angle social ou politique. Il a préféré la traiter en nous sensibilisant au dialogue intime d’un homme qui se bat pour "exister". Ecrite dans un style vif, subtil et poétique, "François Mailliot" est une pièce prenante et salutaire.

Hommage aux "Pères" - 26 septembre 2008

Pères de famille, pères spirituels, pères de la nation se côtoient dans les photographies de Taysir Batniji présentées au Jacques Franck dans le cadre du festival Masarat / Palestine 2008.

Sur les murs des échoppes gazaouites, sont accrochés, tels de petits autels, des cadres à la mémoire du père, des "Pères" , présences bienveillantes garantes de valeurs et d’identité.

C’est en 1720 que Marivaux écrit « Arlequin poli par l’amour », la comédie qui annonce véritablement son style typique, et rencontra un franc succès. Ce licencié en droit, qui fonde le journal intitulé « Le Spectateur français », écrit des comédies d’un ton nouveau, mêlant ironie moralisatrice, réalisme sentimental et analyse psychologique. Le public plébiscitera davantage celles qu’il écrit pour les comédiens italiens, dont le jeu est plus vif, plus dynamique que celui des français. Elu à l’Académie française, il produit également une littérature plus philosophique, sous forme d’essais et réflexions.

L’écriture à quatre mains de cette comédie est fluide, drôle et proche du langage quotidien. Provenant d’horizons différents, les auteurs, Jean Dell (comédien) et Gérald Sibleyras (scénariste) se complètent efficacement. Ils se sont rencontrés à France Inter où ils écrivaient des sketches politiques, avant de se tourner vers le théâtre. C’est lors d’une mise en scène au Splendid que leur est venue l’idée d’écrire « Un petit jeu … » au vu de la jalousie que certains entretenaient à l’égard de leur duo complice. La pièce a obtenu le Molière 2003 du meilleur spectacle, et l’année suivante, Bernard Rapp en réalisa une adaptation cinématographique, avec Yvan Attal et Sandrine Kiberlain.


A l’occasion des 100 ans de la pièce L’Oiseau bleu, l’Atelier 210 nous convie à un bel envol dans le monde poétique et féérique d’un des plus grands représentants du courant symboliste. Seul écrivain belge à avoir reçu le Prix Nobel de littérature, Maeterlinck sera tour à tour dramaturge, essayiste et poète, après avoir renoncé à sa carrière d’avocat. C’est à cet homme d’exception, qui reçut la Légion d’honneur, et à cet artiste de talent (présenté comme l’égal de Shakespeare par Octave Mirbeau) que l’on doit cette pièce en six actes et douze tableaux.

Depuis une quinzaine d’années, l’acteur sicilien Spiro Scimone écrit et joue , avec son complice Francesco Sframeli, des pièces qui illustrent, de façon originale, la nécessité d’écouter l’autre. C’est grâce à leurs relations rugueuses mais toniques que Pepe et Tano, deux "encombrants humains", oubliés dans les détritus de cette cour ("Il Cortile") parviennent à exister. La subtilité des dialogues et la justesse des comédiens, dirigés avec doigté par Valérie Lemaître, rendent ce spectacle choquant, intelligent et salutaire.

S’inspirant des quatre éléments, Wajdi Mouawad a composé une tétralogie :"Littoral", "Incendies", "Forêts" et "Ciels". Prix du meilleur spectacle 2006-2007, "Incendies" avait enthousiasmé le public du Zut. "Littoral" est une fresque tout aussi chaleureuse, qui nous emporte dans son souffle poétique et nous séduit par l’audace de son écriture.

En 2004, "Molly à vélo" avait révélé la capacité de Geneviève Damas à faire vivre des personnages hauts en couleurs, dans un récit mené tambour battant. C’est avec la même énergie débordante qu’elle nous entraîne dans les nouvelles aventures de Molly Savard. Cependant on aurait aimé que ce sacré bout de femme pugnace et généreux affronte une société moins idéalisée. On peut positiver sans tomber dans la candeur.

Après la reprise en septembre dernier de son spectacle "Moi, Michèle Mercier, 52 ans, morte", le groupe Toc revient au théâtre Marni avec une nouvelle création. "Les 24h de Tina Pools à la recherche de son bonheur", dont la rédaction est assurée par Marie Henry, auteur privilégiée et fondatrice du Collectif, réaffirme la volonté qu’a ce groupe de jeunes artistes de construire une démarche de création personnelle et originale capable d’assurer un renouvellement des codes d’interprétation et de représentation.


L’arpentage signifie à la fois l’action de mesurer et aussi celle de parcourir un espace d’un pas large et décidé.
Les arpenteurs de Michèle Noiret prennent la mesure d’un espace urbain qu’ils parcourent compulsivement à la recherche de leurs propres repères spatiaux et mentaux. L’espace urbain, ici métaphore d’espace mental, est par essence incommensurable car en mouvement perpétuel.
La ville imaginaire de Michèle Noiret n’a rien de romantique. Elle s’incarne plutôt en un espace impersonnel ayant sa propre logique, prête à écraser ses habitants et à les mener à la folie.

Comme un papillon attiré par la lumière, Charles Sainte-Beuve fréquentait assidûment le salon de Victor Hugo. Poète moyen, il se sentait écrasé par le génie de son ami. Et malgré un physique ingrat, il rêvait de conquérir sa lumineuse épouse. Situation en or pour le dramaturge Michel Lengliney. En faisant vivre cet anti-héros, il a construit une comédie alerte et brillante. Si elle néglige parfois la vérité psychologique, pour le plaisir d’un bon mot, elle met aux prises six personnages finement dessinés et interprétés par des comédiens pleins de vitalité.

"Nous sommes tous en quelque sorte des naufragés de la vie. On joue à faire semblant, en attendant la mort qui nous guette à chaque instant. Mais qu’est-ce qui nous pousse à jouer tel rôle plutôt qu’un autre ?" Par ce commentaire, la metteur en scène du "Naufrage", Isabelle Nasello, indique, avec pertinence, le prolongement que l’on peut donner à cette parabole. Mêlant réel et imaginaire, Eric Westphal nous entraîne dans une aventure insolite, qui lui permet de poser des questions graves sur un ton léger. Dommage que certains de ses dialogues manquent de sobriété.


Que tous ceux qui n’avaient pas eu l’opportunité de voir "Push Up" à l’Eden de Charleroi la saison passée saisissent l’occasion de sa reprise au Varia ! Le spectacle, qui n’aura certainement rien perdu de son souffle premier, vaut tant par l’immense intérêt que représente l’oeuvre de l’auteur contemporain allemand - et combien en vogue ! - Roland Schimmelpfennig que par la mise en relief qu’en propose Jean-Michel Van Den Eeyden. Le travail de plateau, s’il nous semble parfois alourdi par quelques "tics" récurrents dans les mises en scène de textes contemporains, rend percutante l’aliénation vécue par les individus dans un monde du travail totalement vicié.

Et pourquoi pas ? - 15 avril 2008


Prenant le contre-pied de "ce qui se fait" habituellement au théâtre, Patrick Dieleman a élaboré, avec ses partenaires, une pièce déconcertante sur la tentation du renoncement. Ce spectacle, qui naît sous nos yeux , séduit par sa souplesse, son ironie douce-amère et la subtilité avec laquelle le héros désabusé amène le spectateur à s’interroger sur son destin.

Classique Prévert - 10 avril 2008

Succès la saison précédente au Rideau de Bruxelles, « Silence Prévert » rempile cette année en ce mois d’avril, au même endroit. Un spectacle où musique et poésie se côtoient un peu trop académiquement peut-être… mais qui fait entendre l’écho de la splendide et riche rencontre Prévert-Kosma.

Privés d’enfance - 24 mars 2008

Jouée avec succès par la Compagnie Petite âme, "La Trilogie de Belgrade" avait révélé l’humour noir, teinté de tendresse, de Biljana Srbljanovic. On retrouve son ironie grinçante dans ces "Histoires de famille" racontées par des enfants, qui s’approprient les comportements des adultes. Drôle, désarmante, cruelle, cette pièce est interprétée avec une maîtrise sidérante, par quatre comédiens, qu’a subtilement dirigés Miriam Youssef.

Qu’est-ce que ça fait comme effet de se tenir tout nu devant une ou plusieurs paire(s) d’yeux, qui vous regarde(nt) durant une ou plusieurs heure(s), et de voir ensuite les moindres détails de votre anatomie reproduits sur une feuille de papier à dessin ? Si cette question vous taraude, vous devez absolument aller voir Modèles vivants. Et si elle ne vous taraude pas, vous passerez quand même une excellente soirée de plaisir et de détente au Théâtre du Méridien.

Agatha porte bien son nom : car ce texte de Marguerite Duras est une vraie pierre précieuse. Le matériau idéal pour ciseler un petit bijou théâtral, ce que Michaël Delaunoy a réalisé avec brio.

Après le tonitruant "Dialogue d’un chien avec son maître sur la nécessité de mordre ses amis" de Jean-Marie Piemme, Philippe Sireuil nous propose un classique tout aussi percutant. En effet, son Misanthrope "joué aujourd’hui avec des costumes et des corps d’aujourd’hui" est un spectacle enlevé, qui dénonce vigoureusement la société "bling bling" et qui nous sensibilise à la cruauté d’un amour impossible.

Politiquement intime - 10 mars 2008


Comme l’affirme l’une des répliques de L’heure verticale, "le terrorisme est la mauvaise réponse à une bonne question". De la même manière, le spectacle à l’affiche au Rideau de Bruxelles, s’il regorge de bonnes questions, n’apporte pas sur celles-ci un éclairage convaincant.

La saison dernière, Muriel Audrey et Jean-Luc Duray ont joué, au "Théâtre de la Flûte enchantée", "Ils se sont aimés" de Palmade et Robin. Remontant le courant de cette vie conjugale, qui est loin d’être un fleuve tranquille, ils incarnent à nouveau Delphine et François dans "Ils s’aiment". Comédiens expérimentés, ils maîtrisent efficacement les effets subtils de ce texte décapant, mais auraient pu imprimer à la représentation un rythme plus vif.

En montrant comment le héros d’ "Homme pour homme" perd son identité, Bertolt Brecht nous incite à réfléchir à l’interaction entre l’homme et le monde. Il le fait dans un style épique et un langage théâtral, plein de vitalité, qu’a su exploiter avec pertinence la troupe du Théâtre de la Vie

Motivé par une expérience personnelle, Thibaut Nève, jeune comédien, co-fondateur de la Compagnie Chéri-Chéri, s’est interrogé sur les rapports entre les contraintes du travail et l’épanouissement de l’individu. Sa réflexion débouche sur un spectacle original, salutaire, dynamisé par des comédiens ardents mais qui devrait s’appuyer sur une progression dramatique plus nette.


Avec "Game Over", Jeanne Dandoy présente une création dont elle est à la fois l’auteur et la metteur en scène. Si la presse papier et radiophonique semble avoir accueilli positivement ce texte qui "pose question", nous nous permettrons de nous interroger sur la valeur de ce questionnement. En effet, le désordre formel et narratif dans lequel la pièce évolue finit par annuler toute possibilité de propos ; pire, il va jusqu’à créer des amalgames complaisants et éthiquement contestables.

Exploitant le cadre intime du Théâtre de La Clarencière, Frédérique Panadero nous invite dans un boudoir de l’époque Louis-Philippe, pour nous rendre témoins de l’inconstance des sentiments. Les conspirations féminines d’"Un Caprice" et le jeu de chat et de souris d’"Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée", orchestrés avec subtilité, confirment que Musset est bien le digne héritier de Marivaux


Auteur connu et reconnu tant au Japon qu’à l’étranger, Oriza Hirata est un artiste à la poétique épurée et vibrante d’émotions…
« Tokyo notes », une de ses pièces les plus connues, présentée ici par le théâtre des 2 Eaux, est un kaléidoscope de microscopiques moments de vie, zénitude et sentiments à peine effleurés au programme. Le tout mis en scène par Xavier Lukomski, habitué qu’il est de naturalisme tchékhovien et sensible…

Manque... - 2 février 2008

Pari osé au théâtre Marni.
Une jeune équipe de comédiens y joue en effet Manque, texte de la très (trop ?) souvent controversée auteure anglaise Sarah Kane. Un exercice difficile que de porter au plateau la prose de cette jeune écorchée vive, dont le théâtre est loin des conventions, tant dans la forme que dans le fond… L’exercice cependant est ici réussi de main de maître.

Œdipe à Londres - 31 janvier 2008

Œdipe à Londres


Lavabo, WC, bidet, baignoire : bienvenue dans l’univers d’Eddy, réincarnation contemporaine du héros de Sophocle. L’auteur de la pièce, Steven Berkoff, nous convie dans les bas-fonds londoniens, où règnent la saleté, la misère, la désillusion… en un mot, la peste. Le metteur en scène, Guillaume Dumont, a logiquement créé une atmosphère glauque, opaque, voire pesante, dans laquelle toutefois les notes de musique énigmatiques et les petites pointes d’humour viennent distiller çà et là quelques bulles d’oxygène.

Un Cadavre nous interroge - 27 janvier 2008

"Une écriture qui conjugue l’atmosphère du thriller à l’observation entomologique d’un microcosme." Cette formule de S. Martini souligne avec pertinence la lucidité implacable de cette pièce originale et passionnante, interprétée avec beaucoup de maîtrise par six comédiens en état de grâce.


Il faut certainement que vous vous rendiez au Zone Urbaine Théâtre à une représentation de "L’Enfant froid". D’une pierre, vous ferez ainsi trois coups : vous découvrirez l’écriture dramatique très riche de Marius von Mayenburg ; vous profiterez d’une mise en scène qui a su rendre hommage à cette richesse ; et vous soutiendrez un théâtre qui, au-delà des difficultés financières qu’il peut rencontrer, ne cesse de batailler pour dire, montrer et jouer.


Jusqu’au 4 février 2008, une équipe de jeunes comédiens bruxellois occuperont, tous les dimanche et lundi soirs, le foyer du Théâtre de la Toison d’Or. L’espace, confiné, nécessite de l’ingéniosité pour se muer en scène de théâtre. Ces artistes-là, heureusement, n’en manquent pas, même si la psychose collective qu’ils y interprètent flirtent davantage avec le contenu des magazines « Elle » et « Psychologie » qu’avec l’opus freudien.

Un Ubu droit au but - 14 janvier 2008


Pas si simple de s’attaquer au texte fondateur de l’esthétique théâtrale grotesque, devenu depuis un classique du répertoire. Pourtant, c’est une version percutante, limpide et très convaincante de l’Ubu roi d’Alfred Jarry que nous livrent Christophe Cotteret et ses quatre comédiens.


En jouant "Les Monologues du vagin", Adelheid Roosen s’est aperçue que le texte d’Eve Ensler reflétait surtout les problèmes vécus par la femme occidentale. C’est pourquoi elle a voulu faire entendre les voix de femmes arabes, vivant en Hollande. Les douze monologues , tirés de sa longue enquête, proposent une vision très diversifiée de la femme musulmane et composent une pièce émouvante, dynamique, chaleureuse.


Pièce multisensible du théâtre de la Galafronie destinée (aussi ?) aux enfants, « On pense à vous » est un petit bijou de poésie qui ravit les adultes autant que leurs bambins.
Un concentré de sentiments livrés à fleur de vie, en couleur, musique et frissons.

2023. Il y a un peu plus de dix ans, Stéphanie Jacques, grande vedette de la chanson française, s’est suicidée sur scène. "Fabuleuse étoile" retrace sa carrière et interroge ses proches sur sa destinée hors norme.
Malgré la répétition de certains effets, cette parodie d’hommages télévisés est très drôle et confirme l’étendue des talents de Zidani.

Justesse poignante - 17 décembre 2007


Plongés dans le noir qui éteint la dernière image déchirante de "Face de cuillère", on regrette d’entendre le crépitement des premiers applaudissements. Ils sont amplement mérités, mais brisent la fascination qu’exerce cette pièce magistralement interprétée par Deborah Rouach, meilleur espoir féminin.

La dernière création de la nouvelle co-directrice de Charleroi/Danse promettait pourtant le meilleur... Une bande son travaillée par Thierry De Mey, des danseurs expérimentés et un thème - le sexe - audacieux, riche, troublant. Le parfait cocktail pour une soirée chorégraphiée haute en couleur et en chaleur.
Quelle déception cependant devant ce kama-sutra dansé sans imagination ni prise de risque, faussement ludique !


Inclassable dans le paysage théâtral conventionnel, « Petit meurtre entre nous » offre aux spectateurs de l’Atelier 210 un spectacle déambulatoire et savoureusement « cluedien ».
Fous rires étouffés (meurtre et regards assassins des domestiques-guides obligent), ambiance décontractée et vagabondage comme aux temps des jeux de nuit et autres feux de camps au menu du spectacle.

Sympathique mais inégal - 10 décembre 2007


4e édition des contes urbains au Poche. Le concept, relancé tous les deux ans, a débuté en 2001. Cette année, quatre jeunes auteurs belges y ont traité, chacun à leur manière, le thème de l’héroïsme en se jouant des figures de super-héros. Le résultat, quatre seuls en scène dirigés par quatre metteurs en scène différents, est sympathique mais inégal.

Du Cousu main - 10 décembre 2007

En remportant son premier grand succès avec "Tailleur pour dames"" (1886), Feydeau apparaît déjà conmme un "horloger du rire". Cette pièce s’appuie, en effet, sur une construction rigoureuse qui entraîne les personnages dans un tourbillon étourdissant. Orchestrés avec précision par Danielle Fire, ces quiproquos, ces chassés- croisés, ces rebondissements saugrenus forment un spectacle trépidant, sur mesure pour pimenter les fêtes.

Trois courtes pièces de Feydeau, quelques chansons loufoques et aphorismes sur le mariage sont les ingrédients utilisés par le "Théâtre en liberté" pour mitonner un spectacle burlesque, joué avec fougue et pimenté de trouvailles cocasses. Malheureusement ce "Boulevard Feydeau" est encombré d’un casse-vitesse : une pochade qui ne méritait pas d’être exhumée.

Bayreuth fm, radio pas macho - 27 novembre 2007


Bayreuth fm, suite féminisée de « Siegfried forever », a l’excellence du spectacle de danse assumé dans toute sa contemporanéité. Corps parlant, humour, humeur sur fond de trombone mélancolique, sans parler de l’intelligence de l’interprétation…Tout est réuni donc pour une soirée d’inspiration wagnérienne des plus réussie

Jeu de société - 27 novembre 2007


Il y a de bons moments dans la dernière création du Z.U.T.. De très bons moments même, maniant avec intelligence et humour les vices d’une société promue aux loisirs organisés et aux amusements planifiés. Mais la caricature est parfois un peu trop appuyée pour nous faire profiter comme on le souhaiterait de l’esprit du propos et du jeu souvent excellent des comédiens, Anne-Pascale Clairembourg en tête, sublime de frustration névrosée...

Sombre et lumineux - 26 novembre 2007


Il y a de nombreuses raisons qui pousseront à aller voir le premier spectacle du Rideau mis en scène par son nouveau directeur, Michaël Delaunoy. Lieu de la représentation, modernité de l’auteur et densité du texte choisi, jeu des comédiens, mise en scène, éclairages et scénographie, chacun de ces aspects mérite une évaluation positive. Et l’ensemble, de conférer à « Blackbird » un air de franche réussite !

Convives nos amours... - 21 novembre 2007


L’idée est excellente qui prétendait vouloir créer un spectacle autour de la convivialité de fin de soirée. Ce moment où, se retrouvant entre amis, autour du verre d’ « après repas », on refait (défait ?) le monde à l’envi.
Au final de ce spectacle écrit par Eugène Savitzkaya et interprété par le collectif Transquinquennal, Bernard Breuse, Miguel Declaire et Stephane Olivier sur le plateau, quelques moments de génie textuel mais aussi quelques imprécisions dans le jeu…

Sobre et implacable - 18 novembre 2007

Romancier plusieurs fois primé (Goncourt des lycéens en 2003 pour "La Mort du roi Tsongor", Goncourt en 2004 pour "Le Soleil des Scorta"), Laurent Gaudé est également très doué pour le théâtre. "Cendres sur les mains" nous interdit d’en douter, tant cette pièce poignante, impeccablement représentée, s’ouvre intelligemment aux "fureurs du monde".

Une bouteille à la mer ? - 14 novembre 2007


Marquée par le récit des survivants au génocide khmer rouge, Catherine Filloux se penche, depuis quinze ans, sur l’énigme de ce genre d’extermination. Aussi n’est-il pas étonnant qu’elle ait fait de Raphaël Lemkin, juif polonais qui s’est battu pour imposer cette notion de génocide, le héros d’un spectacle ambitieux mais maladroit.

Boucherie recommandée - 13 novembre 2007


Dès les premières minutes de ce spectacle mis en scène par Michaël Delaunoy, la pertinence du choix des jurys des prix du théâtre ne fait aucun doute. Ils ont en effet désigné Alain Eloy meilleur comédien de l’année. En réalité, il est imparable et totalement crédible dans ce rôle sautillant et faussement léger de « garçon boucher »… Assurant chacun plusieurs rôles, ses compagnons de jeu ne déméritent en rien, achevant de rendre vraie et vivante la pièce…


Cécile Boland, journaliste et comédienne de formation, signe avec « Atteintes » une première mise en scène plutôt réussie. Il serait difficile de ne pas lui pardonner les quelques maladresses qu’elle y commet, d’autant plus quand on sait la difficulté de porter à la scène un texte que l’on a soi-même écrit. Mais, en fin de compte, la qualité du spectacle semble surtout dépendre de ce que le spectateur cherchera à y voir... Et à y trouver.

Plus grise la vie ! - 9 novembre 2007

Très sensible aux problèmes de fratrie, Sophie Landresse nous plonge au coeur des rapports orageux entre Hélène et sa soeur cadette Sylvia.
Dommage que cette comédie psychologique se dilue trop souvent dans des tranches de vie d’un intérêt inégal.

Quelle cravate ! - 5 novembre 2007


Sentiments en demi-teinte pour cette comédie de lourds réglements de compte (in)amicaux.
Parfait pour remplir une soirée placée toute entière sous le signe du rire sans prise de tête, le spectacle n’offre pas toutes les qualités d’une pièce rigoureusement menée, entre imprécisions de jeu et mise en scène (très) conventionnelle.

Il suffit d’aimer la vie - 26 octobre 2007

Film boudé à sa sortie (1971) puis encensé, devenu roman puis pièce de théâtre à succès (1973), "Harold et Maude" reflète l’esprit libertaire de la fin des années 60. Trente-cinq ans plus tard, la critique de la société a perdu son pouvoir de provocation, mais cet hymne à la vie, écrit par Colin Higgins, reste émouvant et salutaire.

Jouer avec la nuit, l’obscurité...
Le pari était osé, que relève en ce moment Pascal Crochet et ses comédiens aux Tanneurs.
Pari osé mais globalement réussi, puisqu’il parvient, en une heure et demie de spectacle à capter notre attention, nous faisant voyager au plus profond des doutes, des sensations qui hantent la vie nocturne. Le tout, dans une quasi pénombre propre à illustrer le propos.

Essentiel ? - 25 octobre 2007

Cinq jeunes comédiens, pour la plupart frais émoulus du Conservatoire de Bruxelles, ont entrepris un travail d’écriture, de création et de jeu autour du thème de l’enfance et présentent le résultat de leur collaboration avec énergie, enthousiasme et générosité le temps de quelques soirs à la Soupape. L’enfance... Vaste thème, en réalité, et on peut regretter ici le manque de densité avec lequel il est traité.

Une lucidité désarmante - 12 octobre 2007

Pour situer la saison 2006-2007 du Zut, Georges Lini, directeur artistique, écrivait : " Nous voulons d’un théâtre qui prend la réalité à bras le corps et qui secoue - émotionnellement et intellectuellement-le spectateur en l’emmenant sur des chemins scabreux et lumineux, sans pour autant le désanchanter,..." "Jouliks", qui ouvre la saison 2007-2008, confirme avec brio ce parti pris.

Comment parler d’espoir au bord du gouffre ? Parcours troublant dans un univers hermétique, le spectacle est porté par un jeu d’acteur époustouflant... Au final, un résultat superbe qui peut toutefois déconcerter les spectateurs en quête de sens à tout prix...

Dans ce spectacle mis en scène par Michel Dezoteux, le personnage de Billie Holliday est en réalité prétexte à un voyage « dénonciatoire » dans l’univers ségrégationniste, entre Martin Luther King et lynchages de « nègres », désir d’égalité et protest song… Une claque en jazz.

Après "Fabbrica" et "Histoires d’un idiot de guerre" d’Ascanio Celestini, Pietro Pizzuti (à la mise en scène) et Angelo Bison (au jeu) – duo gagnant du Rideau - continuent leur périple dramaturgique dans le théâtre italien contemporain en explorant un nouveau texte, "Le Gris", résultat littéraire de l’amitié qui liait le musicien Giorgio Gaber et le peintre Sandro Luporini. Que ce monologue soit né de la plume d’artistes qui ne sont pas hommes de théâtre n’est pas, dans ce cas, une donnée anecdotique car la musique et l’évocation picturale sont sans nul doute les composantes essentielles de ce spectacle.

Un Humour décapant - 4 octobre 2007


"Dieu habite à Düsseldorf"...N’essayez pas de décoder ce titre bizarre. C’est une savonnette, sur laquelle vous glissez pour vous retrouver dans un spectacle drôle et grinçant, qui passe à la moulinette certains travers de notre société.


Anne a réussi à convaincre sa mère Irène d’inviter à dîner son ex-époux Emile, afin que ses parents réapprennent à se parler, alors qu’ils ne se sont plus rencontrés depuis quinze ans. Simplement pour faire bonne figure lors de son prochain mariage avec Philippe. Pierre , le frère d’Anne, trouve cette initiative ridicule et menace de boycotter les retrouvailles conjugales. C’est dire que le repas de famille risque d’être électrique.

En 1970, François-Régis Bastide écrivait dans ses chroniques théâtrales : "Un jour viendra, pas si lointain, je le parie, où l’on verra qu’en ces années bizarres que nous vivons, il y avait peu, vraiment peu de voix aussi neuves que celle de Jean Tardieu." En concoctant intelligemment ces "Menus plaisirs", Vincent Dujardin lui donne entièrement raison.

wild wild jazz - 24 septembre 2007


L’atelier 210 est un lieu multiple, qui accueille un riche mélange de théâtre, mais aussi de concerts en tout genre. Le spectacle « The Wild Party » est donc la plus pure illustration de sa programmation, puisqu’il mêle avec bonheur ambiance de concert et mots bien balancés.
Le résumé du programme indique que ce spectacle légèrement déjanté est en réalité du « jazz-théâtre »… Mais kesako, le jazz théâtre ?

Une pièce flamboyante - 22 septembre 2007

Il ne faut pas manquer la pièce de Mayenberg qui se joue actuellement aux Tanneurs. D’abord parce qu’on a rarement l’occasion d’entendre un vrai beau texte. Et quand ce texte est servi par une mise en scène intelligente et de bons acteurs, c’est un régal.

Le frère et la sœur se rebellent contre les parents. Et l’un d’eux est malade, ou les deux. A moins que ce ne soit les autres…

Démarrage en beauté - 21 septembre 2007


Si le théâtre du Méridien, cette année, ne peut miser sur l’abondance, il mise en tous cas sur la qualité, en présentant, en début de saison, A un jet de pierre de Pristina, de Philippe Beheydt. Certes, le texte n’évite pas, au début, les écueils qui peuvent guetter un pareil sujet (une famille en temps de guerre) ; il cède au mélodrame et au didactisme. Mais très vite, il gagne en intensité, et s’il se laisse encore traverser de quelques clichés, ceux-ci se font vite oublier. L’écriture déploie alors une poésie âpre, la trame s’épaissit, certains dialogues transpercent littéralement la salle obscure. Les duos qu’on souhaitait voir se former surgissent ; le thème de la guerre s’entrelace à celui des relations familiales, de la solitude, de la liberté, de l’amour.

Marche ou rêve... - 20 septembre 2007

Laurence Vielle et Jean-Michel Agius sont aux commandes de ce voyage au travers des mots et des émotions, tout en lenteur et sentiments.
Au départ, une envie commune, celle de la liberté de création en
« itinérance », loin d’un temps et d’un espace quotidiens. Laurence et Jean-Michel s’aiment. Lui habite à Paris, elle vit à Bruxelles. Elle se perd dans un temps derrière lequel elle se sent courir sans cesse, lui se trouve enfermé entre les quatre murs de son studio qui lui semblent se rapprocher un peu plus chaque jour.

When a man comes around... - 16 septembre 2007

Unité de temps : un soir après le travail ; unité de lieu : un entrepôt de recyclage de papier ; unité d’action : deux ouvriers trentenaires et alcooliques nageant en plein désert culturel, contraints à affronter la noirceur de leur passé à l’occasion du retour au pays et de la visite intrusive de leur amie d’enfance Betty. Le huis-clos du « Baiser de la Veuve » , d’autant plus étouffant que la facture en est classique, trouve un refuge adéquat dans l’espace confiné de l’Arrière-Scène : au sens figuré comme au sens propre, on est contents, après un corps-à-corps d’1h30 plein d’une violence ambiguë et malsaine, de retrouver l’air frais du patio intérieur.

Silence ! On tourne ! - 14 septembre 2007

Les Fines bouches est une pièce jubilatoire qui invite à une renaissance par le silence. Le silence au théâtre ? Périlleux !

Une fiction ordonne la pièce. Dans une ville, les pouvoirs publics ont mis à la disposition des citoyens un lieu où jouir du silence et du temps qui passe. Le décor dessine habilement un sanctuaire dépouillé, forme moderne et non mystique du zen. Il nous situe quelque part entre la cabine de bateau, d’UV et le cocon. C’est alors tout le théâtre qui devient ce lieu protégé du monde, microcosme idéal, île édénique.

Audacieux mais réussi ! - 13 septembre 2007

Lors de la présentation à Mons et à Paris , "Africare" a été salué par des critiques enthousiastes. Je ne peux que leur emboîter le pas devant ce spectacle radieux, tonique et très audacieux.

En effet, de nombreux pièges guettaient Lorent Wanson : le misérabilisme suscité par l’évocation des drames vécus par les Congolais, l’exotisme dégagé par les danses et les rites africains ou encore le simplisme de dénonciations politiques. Eh bien ! Le maître d’oeuvre (terme qui , dans ce cas, me paraît préférable à celui de metteur en scène) les a intelligemment déjoués, en construisant avec les nombreux participants au projet ( habitants de Kinshaha , Bukavu , Kinsangani , danseurs , chanteurs , choristes) " un spectacle impur, aussi moderne qu’archaïque , aussi compliqué que simple , aussi insensé que limpide " (L. Wanson).

Interviews réalisées par Edmond Morrel

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