Un fascinant jeu de pouvoir

"Raconte, raconte encore...." Louise ne se lasse pas d’écouter la voix pétrifiée de son sauveur. Elle a besoin de fixer des images sur cette soirée cauchemardesque. Le bar soufflé par l’explosion nucléaire, le paysage apocalyptique, les cadavres qui tombent en poussière et elle, transportée par Mark, dans son abri anti-atomique. Lorsqu’il l’avait acheté, en même temps que son appartement, ses collègues, dont Louise, s’étaient moqués de sa frilosité. C’est pourtant lui qui avait raison : ce bunker leur permet maintenant d’attendre, dans des conditions supportables, que la menace des retombées radioactives disparaisse.

Angoissée par le sort de ses proches, Louise se résigne difficilement à cette cohabitation. Contrairement à Mark, qui se sent conforté par l’attentat terroriste. Et des affrontements de plus en plus âpres vont révéler l’incompatibilité de leurs personnalités et de leurs visions de la société. Epanouie, sûre de son charme, peu farouche, Louise mordait dans la vie à belles dents et adorait faire la fête avec sa bande de copains. Une bande, dans laquelle Mark se sentait le mouton noir. Jaloux de Francis, il souffrait de l’indifférence de Louise, sur laquelle il avait flashé.

Il n’abuse pas d’emblée de sa position dominante, mais devant l’attitude rebelle de Louise, il s’enivre de son pouvoir. L’amoureux dépité se transforme en bourreau qui affame et enchaîne sa victime. Par ce chantage à la nourriture, il la tient à sa merci et la réduit à l’état d’animal. Le duel entre ces deux rescapés illustre la dictature des forts qui s’appuient sur la peur pour dominer les faibles. Persuadé que la guerre est déclarée et que l’on doit se méfier des étrangers (en particulier de ceux qui ont une barbe !), Mark se sent protégé dans son bunker. Par le biais de ce personnage, que le 11 septembre a rendu paranoïaque, l’auteur jette un regard critique sur une société minée par la crainte du terrorisme et tentée de se replier sur soi.

De part et d’autre du plateau nu, qui prend l’allure d’un ring, les spectateurs assistent à un combat de plus en plus acharné. Heureusement, Dennis Kelly a le sens de l’humour et nous détend, en ridiculisant la raideur aveugle de Mark. Particulièrement risible, quand il s’entête à faire respecter scrupuleusement les règles du jeu "Donjons et dragons". Les éclairages agressifs et la mise en scène énergique de Georges Lini scandent efficacement la montée de la violence. Cependant, secoués par ce rythme de plus en plus frénétique, nous entrons difficilement dans la scène qui suit ce huis clos étouffant : trouée de silences suggestifs, elle renforce subtilement l’ambiguïté des personnages, mais elle nous semble longue. Malgré ce bémol, "Après la fin" est une pièce profonde et incisive, interprétée par un excellent duo de comédiens. Exploitant les différentes facettes de leur personnage, France Bastoen et Vincent Lécuyer vivent ce face-à-face avec une intensité poignante.

Jean Campion



 

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