Nuit de la délivrance ?

Côté cour, une fille androgyne, veste rouge vif, s’éclate en chantant. Côté jardin, derrière un micro, une femme, prisonnière de son tailleur bcbg, laisse les mots jaillir en un flux tendu : "Je veux sentir la sueur. Je veux crever les tympans. Je veux un verre, puis un autre, puis un troisième. Je veux qu’on me regarde comme si mes cheveux flamboyaient." Chloé fonce sur l’autoroute. Une virée pour fuir sa vie insipide, trop bien rangée. Les paysages urbains qu’elle décrit se diluent dans ses pensées, ses aspirations, ses souvenirs. Le passé envahit le présent.

Comme une apparition fantomatique, Peggy, la fille branchée, est venue la soutenir. Par son humour cinglant, elle tente d’apaiser sa frénésie. Elle lui pose des questions essentielles, qui restent sans réponses. Elle réveille leur adolescence et nous fait sentir l’intensité de leur amitié. Puis, elle confie sa propre histoire, en évoquant discrètement sa maison, sa chambre, son frère, son suicide... Ce drame, Chloé ne l’a appris qu’à son retour de vacances. Pourquoi ce geste ? Elle se sent coupable. C’est aussi pour se libérer de ce poids qu’elle roule à tombeau ouvert. Au bout de cette nuit folle, elle devra faire des choix. Trouvera-t-elle l’apaisement ? Un sens à la vie sans Peggy ?

Les flash back imbriqués dans la situation actuelle, les collisions d’images, les monologues enchevêtrés réclament une attention soutenue, qui nous empêche de vibrer à l’unisson des héroïnes. Nous les observons dans leur intimité, avec le vague sentiment d’être indiscrets. On s’interroge aussi parfois sur l’intérêt de certains jeux de scène comme la projection de dias ou le déballage de couverts.

Un décor neutre, des éclairages subtils, des effets sonores limités. L’auteur-metteur en scène a eu raison de choisir la sobriété. Elle facilite les voyages dans le temps et privilégie l’écoute du texte. Vincent Lécuyer maîtrise remarquablement la puissance des mots. Ils soufflent en bourrasques, pour traduire la violence rageuse de Chloé et murmurent délicatement les fêlures de Peggy. Même justesse de ton chez les interprètes. Sereine, caustique, fragile, Gwen Berrou donne à Peggy une présence rayonnante. Chloé Xhauflaire incarne Chloé, avec toute l’impétuosité d’une femme qui veut faire sauter un carcan. Parviendra-t-elle à se réconcilier avec elle-même ? Il serait étonnant qu’une pièce étrange, complexe comme "Nuit blanche" réponde par oui ou par non.

Jean Campion



 

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