La pièce commence par un chapelet de contes, tous gravitant autour du thème de l’enfance. Le texte est déclamé plus que joué, la mise en scène est élémentaire. Quelques projections vidéos viennent illustrer l’une ou l’autre histoire, deux ou trois lumières ponctuent sobrement les crêtes de la narration. Parvenu au milieu de la pièce, le public dit « régulier » des salles de théâtre risque d’être déstabilisé par la simplicité de l’ensemble. Puis, se produit le basculement qui reconfigure toutes les propositions. Bas les masques ! Les enfants, les « Vivants » dont il est question à travers ces contes, il ne faut pas les chercher ailleurs que sur scène. Christine et Isabelle s’offrent dans le plus simple appareil, avec leur parole, leurs mots, leur vertus et leur défauts. Ce ne sont que des petites filles qui, ayant grandies, continuent à exister et à se transformer.
Disons-le tout net : Faisons des vivants n’est pas proprement du théâtre. Rien de critique dans cette sentence, il s’agit simplement de prendre au sérieux ce qui nous est proposé. Les deux femmes assises dans leur canapé appartiennent peut-être au métier de la scène, ce n’est pas en cette qualité qu’elles se dévoilent au spectateur. De la même façon, le spectateur ne peut se maintenir dans la position d’une personne qui vient « consommer » une pièce, mais se fait interpeller en tant que fille ou fils d’une mère, d’un père, en tant qu’individu entièrement vivant. Dans cette logique, un buffet convivial attend le « public » à la fin de la représentation, afin de permettre à chacun de venir partager son propre conte. Pour ces raisons, on ne peut parler réellement d’une pièce, mais d’un moment d’échange entre êtres humains. C’est au prix seulement de cette transformation que l’on appréciera avec justesse ce qu’il faut bien appeler le « Théâtre de la vie ». Tout se jouera sur un rendez-vous, qui sera réussi ou non.