Le Non du père

S’adressant au public, Pierre éructe sa rage contre Agnès, sa femme. Il doutait de sa fidélité. Grâce à un test génétique, il sait : l’enfant qu’il élevait avec amour est un chiard, que cette "pute" lui a fait dans le dos. Ebranlé, il cherche refuge auprès de son père. Mais Simon Coré, obsédé par sa candidature aux élections municipales, n’a pas de temps à consacrer à la détresse de son fils. Revenue d’un énième voyage en Inde, Hélène, sa mère, se révèle tout aussi incapable de l’aider. Trop lâche pour affronter Agnès, Pierre refuse de lui parler. A son grand désespoir. Le test, fait à son insu, l’a choquée, mais elle s’accroche rageusement à son couple. Indifférente à son enfant, elle est toujours amoureuse de son mari.

Dans cette famille en pleine désintégration, se faufile un personnage étrange, inquiétant, manipulateur. Bras droit de Simon, Frantzeck orchestre sa campagne électorale, avec l’opportunisme d’un vieux politicard. Il faut l’entendre suggérer cyniquement le discours hypocrite, saluant une amère victoire. C’est lui aussi qui a inoculé à Pierre le poison du doute. A la recherche d’un père, il voudrait combler ce vide, en se faisant adopter par Simon. Pure illusion ! Le seul lien dont rêve le vaniteux politicien est la reconnaissance de ses électeurs.

Coincés dans l’étau de leur égoïsme, les personnages s’isolent et certains se laissent emporter par la violence. Pierre, qui a vu son monde vaciller, se venge méchamment de son père. Il l’attire vers son malheur, en l’obligeant à douter, à son tour, de sa paternité. Simon s’acharne sur Frantzeck, en forçant cet alcoolique repenti à boire.

Par la sobriété de sa mise en scène, René Georges souligne la puissance d’un texte original, où se mêlent monologues brillants, scènes explosives, réparties tranchantes et humour noir. Sur un rythme soutenu, les comédiens, dirigés avec doigté, nous entraînent dans un univers troublant, où la cruauté des rapports humains est exacerbée. Ils incarnent des personnages habités par des sentiments contradictoires, qui sont tous victimes de leur incapacité d’aimer. Pour l’auteur, les membres de cette famille à la dérive représentent la société actuelle, où "chacun essaie de se protéger de l’autre. Se blinder pour ne pas se laisser envahir par les émotions du voisin, pour ne pas laisser s’écrouler les projets, qu’on a soi-même mis sur pied."

Jean Campion



 

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