Harcèlement et psychose : "pour de rire" ?

Les personnages d’Océane et Anissa, respectivement interprétés par les très convaincantes Jessica Gazon et Véronique Dumont, forment le duo inquiétant de ce face-à-face construit sur une succession de scènes courtes qui oscillent entre la comédie, la démonstration documentaire et le psychothriller. C’est la multiplication même de ces tonalités qui, malgré l’intérêt que chacune peut revêtir, risque de laisser certains spectateurs sur leur faim.

Océane, la (nouvelle) victime. Anissa, le bourreau. Dès le premier tableau, on pressent que leur relation de travail ne va pas connaître une évolution équilibrée et, très (trop...) vite, nos intuitions sont confirmées. Anissa tire parti de sa supériorité hiérarchique pour s’immiscer dans la vie de sa jeune recrue et la contrôler au point de l’anéantir. La plume de Cécile Boland nous offre un tableau complet du harcèlement en exploitant toutes ses formes d’expression : intrusion dans l’intime, neutralisation de la parole de l’autre, emprise morale, narcissisme pervers, victimisation abusive, harcèlement physique, dérive incestueuse.

La salle de l’Atelier 210, avec sa scène surelevée, contraint malheureusement le spectateur à une distance peu appropriée au huis-clos et les comédiennes, à jouer d’emblée avec force, parfois même à la limite du surjeu. Cette directive empêche donc de cerner le harcèlement dans ce qu’il aurait de progressif (à cet égard, la répétition de la musique et des bandes-son durant les ellipses n’aident pas) et finit par ferrer les deux jeunes femmes dans leurs rôles comme pourraient l’être deux « Desperate Housewives » dans leur dépression ou dans leur hystérie (couleur du décor et costumes ne sont pas sans rappeler en effet l’esthétique des nouvelles sitcom).

Et puis, tous les harceleurs ne sont pas des psychopathes organisés. Anissa, elle, en est une et c’est en rappel au symptôme de Lady Mac Beth qu’elle efface durant toute la pièce les tâches-traces invisibles de ses crimes, de sa culpabilité et de ses propres traumatismes d’enfant (idée lisible et bienvenue que celle de la poubelle qui, en avant-plan, finit par déborder de mouchoirs !). Pour qui restera insensible à cette dimension psychotique du personnage, le final sera redondant et par trop caricatural ; il coupera sans doute l’herbe sous le pied du spectateur désireux de réfléchir à la thématique traitée. Pour qui en tirera partie, la pièce sera par contre une réelle source de plaisir et de satisfaction.

Karoline Buchner



 

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