Mythique libertinage

A la fois tragédie et comédie, cette pièce de Molière apparaît en rupture avec le reste de son répertoire. L’action y est éclatée, tout comme le temps et l’espace. Seul point de repère tout au long de la pièce : le personnage de Dom Juan, assisté de son valet Sganarelle, dont on suit les pérégrinations. Ce type de construction tend à souligner l’inconstance, voire l’ambiguïté, du personnage principal. Tour à tour séducteur, menteur, méprisant, courageux, ou brillant rhétoricien, Dom Juan saute d’une situation à l’autre. Ce faisant, il déroute le spectateur en suscitant chez lui tantôt de l’admiration et tantôt du dégoût. Cette inconstance, ce mouvement permanent sont ici relayés par une scénographie assez particulière : une grande partie du plateau est occupée par un mur posé de biais flanqué d’une double porte qui ne sera utilisée que lors des deux interactions avec le Commandeur. Sur le mur défilent des images appropriées à la scène en cours qui donnent cette impression de mouvement. On comprend l’intention mais on ne peut s’empêcher de regretter le sacrifice d’une très grande partie de la surface du plateau et un déséquilibre marqué entre cour et jardin.

Pas moins de treize comédiens défilent durant le spectacle, emmenés avec vigueur par Dom Juan (Serge Demoulin) et Sganarelle (Olivier Massart). Ce dernier en particulier est tout simplement irrésistible et impressionnant par la justesse de son jeu. Il parvient avec précision et sans tomber dans la caricature à faire exister cet être couard, prisonnier de ses craintes et comique malgré lui. Et c’est également ce rôle de valet qui permet d’alléger la pièce (qui n’échappe pourtant pas à quelques longueurs) et qui lui confère ses allures de comédie. Autre bonne surprise dans une distribution quelque peu inégale, le rôle de Pierrot (Aurelio Mergola) qui nous apparaît avec une sincérité et une naïveté touchantes.

La mise en scène offre assez peu de surprises et se laisse à quelques moments tenter par les sirènes du cabotinage (la dernière image de la pièce, parfaitement inutile, en fait malheureusement partie). Notons cependant les interactions avec le Commandeur, relevant presque du fantastique, qui sont habilement intégrées à l’ensemble du spectacle par d’ingénieux jeux d’ombres.

Malgré quelques faiblesses, « Dom Juan » procure beaucoup de plaisir, à tout le moins celui de (re)découvrir un texte qui interpelle encore aujourd’hui sur la morale et les raisons qui nous la font suivre.

Antonin Meden



 

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