Si Abulkasem m’était conté...

Deux collégiens remuants apostrophent et tournent en ridicule des acteurs, vaguement costumés, qui débitent un texte ringard. En rigolant, ils ENVAHISSENT la scène, commentent leur esclandre et le prodigieux succès d’Abulkasem. Ce nom du héros de la pièce chahutée est mis à toutes les sauces et fait tache d’huile : adjectif signifiant "nase, faible", puis son contraire, insulte puis compliment. Dans une scène de drague, il devient le pseudonyme d’un frimeur. Au cours d’une discussion, une passionnée de théâtre s’en sert pour désigner une metteuse en scène, dont le nom lui échappe. Résultat : des intellos prétentieux, qui ne veulent pas perdre la face, encensent le génie... d’Abulkasem.

Une émission de télévision permet à des "chercheurs" de cerner la personnalité et les écrits d’Abulkasem. Ensuite des "membres des services secrets" le traquent un peu partout. L’ombre de Ben Laden pèse sur cet individu, qui cristallise tous les fantasmes suscités par les Arabes.. Franchement tournée vers un comique caricatural, cette première partie est inégale. Le talk show burlesque, interrompu par des pubs cocasses, déborde d’énergie. En revanche, la critique du pédantisme culturel s’étire paresseusement.

"J’aime bien le sourire qui se fige", reconnaît Jonas Hassen Khemiri. C’est ce que produit la trahison d’un immigré par son interprète. Transformant ses propos en provocations racistes, la traductrice le fait passer pour un dangereux extrémiste. Riton Liebman rend pitoyable ce cueilleur de pommes désarmé. Et Olivier Coyette nous bouleverse par le récit poignant d’un homme qui se mutile, pour gommer ses empreintes digitales.

Associées à des images d’immigrés matraqués à Lampedusa, ces scènes choquent, l’auteur insistant même lourdement sur la monstruosité du texte traduit. En dénonçant clairement les méfaits du racisme, elles se démarquent des variations fantaisistes, qui effleurent la fluctuation des mots et des identités. Même si un mot passe-partout sert de fil conducteur, les séquences disparates s’additionnent au lieu de s’épauler et maintiennent le spectateur à distance. Lorsque, pour stimuler la salle, l’animateur de télé lance un convivial : "Ca va toujours ?", les réactions molles du public expriment sa perplexité devant cette comédie décousue.

Jean Campion



 

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