Salon virtuel et cruel

La pièce d’Enda Walsh aborde les thématiques de la solitude, de la pseudo-rencontre, de la puissance destructrice des préjugés, de la cruauté primitive de l’être humain ou encore de la quête identitaire de l’adolescent. Les six personnages sont d’un réalisme total et inquiétant. On est à la limite du documentaire. Un vaste programme, que Sylvie de Braekeleer a mis en scène avec beaucoup de bon sens et quelques touches d’humour, même si le sujet est tout sauf léger.

Le décor est efficace. Une projection en arrière-fond évoque à intervalles réguliers la rapidité du monde virtuel et l’agressivité des images dont les ados sont bombardés quotidiennement. Des chaises placées parallèlement délimitent l’espace de jeu des acteurs et constituent une petite “bulle” dans laquelle chaque personnage évoluera sans jamais croiser le regard des autres, et prononcera à voix haute les phrases qu’on l’imagine taper à toute vitesse sur son clavier. Cela fonctionne pas mal du tout. La musique, techno, est parfaitement adaptée à l’univers de la pièce et crée des interludes utiles (les comédiens peuvent ainsi bouger et changer de place) et symboliques (l’ado qui adhère jusque dans ses moindres mouvements à la culture de masse et qui trouve dans la musique et la danse un moyen de s’échapper ponctuellement du réel).

Représenter des personnages physiquement éloignés dans l’intrigue mais partageant un même espace scénique n’est pas la chose la plus simple qui soit. Sylvie de Braekeleer a choisi les bonnes solutions et a dirigé son équipe avec dynamisme. Le jeu des comédiens est par contre un peu plus décevant, inégal en tout cas. Certains ne sont pas suffisamment crédibles dans leur rôle d’adolescent, d’autres ont une diction beaucoup trop scolaire. Mais ce n’est qu’un petit bémol, car l’ensemble est très cohérent.

Personne ne restera indifférent à ce tableau cruel de notre société : un monde où le virtuel occupe de plus en plus de place au détriment des véritables contacts, un monde sur lequel la technologie a de plus en plus d’emprise, un monde qui fait croire à nos jeunes qu’ils se “socialisent” alors qu’il les fait au contraire basculer dans un état de “non-société”. Ce n’est pas pour rien que l’auteur de Chat room fait référence à Sa Majesté des mouches.

En bref, un spectacle engagé, audacieux et percutant sur un phénomène qui nous concerne tous. Pour ceux qui n’ont pas peur de regarder la réalité en face.

Roxane Debray



 

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