Un polar monté avec... adresse

Pour raconter cette intrigue, pleine de rebondissements, sur un rythme soutenu, le metteur en scène, Claude Enuset, a choisi de juxtaposer deux décors : le bureau du commissaire et l’intérieur de la pension de famille, résidence présumée de l’assassin. Ce dispositif permet de passer, par un simple changement d’éclairage, d’un cadre à l’autre et offre au spectateur une situation privilégiée. En effet, il observe, en alternance, le désarroi des flics et les retombées de leur enquête balbutiante sur les habitants du 21, Russel Square.

Manifestement le commissaire Strickland, qu’interprète avec souplesse Patrick Brüll, n’a ni la sagacité ni la chance de Sherlock Holmes ou d’Hercule Poirot. Chaque fois qu’il croit tenir le coupable, un nouveau meurtre l’oblige à le relâcher. Comme il patauge, nous guettons les indices qui nous donneraient la solution de l’énigme.

Pourtant la pièce ne se réduit pas à ce jeu intellectuel : les personnages de S.- A. Steeman ne sont pas de simples pions de Cluedo. Incarnés par des comédiens, qui leur donnent beaucoup de relief, ils laissent progressivement percer certaines failles et frustrations. On sent que le docteur Hyde traîne un passé trouble et que le major Fairchild éprouve de la nostalgie pour ses prouesses militaires aux Indes. C’est sans doute le désoeuvrement qui le pousse à critiquer, avec une ironie mordante, la naïve Miss Holland. Même si Mr Andreyew n’est que la voix des grands acteurs qu’il double, Mrs Hobson le trouve très séduisant et voudrait bien tomber dans ses bras. Le prestidigitateur Lalla-Poor a soif de succès. Mr collins bégaie. Fameux handicap pour vendre des postes de T.S.F. Quant à Mary, elle espère percer dans la publicité, grâce à des slogans du genre : "Ménagez la ménagère".

Optant pour un policier plus souple que le "roman problème", l’auteur se contente d’esquisser les portraits de ces pensionnaires, mais il le fait avec subtilité et humour. Un humour que l’on retrouve dans quelques clins d’oeil. Ainsi un de ses personnages s’appelle DOCTEUR Hyde et le major Fairchild dévore avec passion "Le Mystère de la chambre jaune". On peut , bien sûr, considérer que la collaboration orageuse entre le commissaire Strickland et son beau-frère, le journaliste, est tirée par les cheveux ou trouver les flics de base trop banals. Ces regrets ne masquent pas les qualités de ce policier classique, adapté avec intelligence et efficacité, par toute une équipe très inspirée.

Jean Campion



 

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