Des Trompeurs trompés

Psychanalyste réputée, Phylis habite à Central Park West, quartier chic de New-York. Quand alertée par un s.o.s, Carol, son amie, fait irruption, elle découvre le luxueux appartement sens dessus dessous et la statue de la fertilité... sans pénis. Pressée de questions, Phylis les élude. Bizarrement. Après avoir joué un bon moment au chat et à la souris, elle distille l’implacable vérité : Sam, son mari, l’a quittée, il en aime une autre ! Cet aveu va déclencher une série de rebondissements qui révéleront différentes facettes de Carol, de son époux Howard et de Sam.

Old Saybrook est une charmante petite ville du Connecticut, où habitent Norman et Sheila, un couple qui respire le bonheur. Pour fêter leurs sept ans de mariage, ils ont convié à un barbecue printanier, Jenny, la soeur de Sheila et son mari David. Les braises sont à point... Coup de sonnette. C’est un couple, qui "sans déranger" voudrait visiter la maison. Il y a neuf ans, ils en étaient propriétaires et seraient ravis de faire un pèlerinage sur les lieux de leurs premières amours. Cette intrusion et la découverte du journal intime de Norman vont transformer le repas familial en un cocasse et impitoyable règlement de comptes.

Psychanalyste, avocat, orthodontiste, expert-comptable, chirurgien esthétique, les personnages de ces comédies sont mal dans leur vie aisée. Ils noient leurs problèmes existentiels dans l’alcool et réagissent contre leur disette sentimentale, en collectionnant les aventures. Tout l’art de Woody Allen est de traiter les frustrations de ces névrosés, avec un humour acerbe, plein de dérision. Très vite, le vernis se craquelle et libère mesquineries, coups bas et mensonges. Les répliques fielleuses ou cinglantes fusent. Du pain béni pour des comédiens qui se déchaînent dans des affrontements d’une irrésistible drôlerie.

Par sa mise en scène, Marcel Delval exploite efficacement la mécanique de "Central Park West", pour insuffler à cette comédie débridée, un rythme de plus en plus trépidant. "Old Saybrook" relève davantage de la farce. Comme en témoignent les perruques voyantes, les robes kitch et le jeu fort caricatural. La pièce adopte également un tempo de plus en plus vif, jusqu’à...l’irruption de Max Krolian, l’auteur d’"Old Saybrook". En panne d’inspiration, il entame une discussion avec ses personnages. Cette pirouette à la Pirandello casse l’élan de la farce. A leur entrée dans la salle, des spectateurs sont invités à profiter des confortables fauteuils, qui encerclent le plateau : à l’affût des secrets, ils éprouveront le plaisir du voyeur. Le même plaisir que ressent Hal, en écoutant les "exploits érotiques" de Norman.

"Central Park West" et "Old Saybrook" s’achèvent sur un "happy end". Cependant, nous n’en sommes pas dupes : la fin narquoise de la première et le dialogue amoureux entre Sandy et Hal dans la seconde masquent mal le pessimisme de l’auteur. Si la forme de ces pièces est jubilatoire, leur fond est triste, cruel. "Tout le monde a ses noirs secrets, ses désirs, ses pulsions, ses horribles besoins... et si la vie doit continuer, choisissons d’oublier." conclut Max Krolian. Le spectacle s’ouvre sur des vues de New-York, soutenues par la musique de "Rhapsody in blue". Ce clin d’oeil au film "Manhattan" nous incite à regretter la mélancolie délicate d’un des chefs-d’œuvre de Woody Allen.

Jean Campion



 

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