Sous la loupe d’un anthropologue narquois

Une dizaine de fables malicieuses nous font décoller de la réalité et pénétrer dans un monde où l’humour flirte constamment avec l’absurde. Un dimanche matin, une famille creusoise découvre surplombant son salon... un gigantesque stylo à bille. Une ancienne employée de Conforama serait très fière d’y retourner, accompagnée de son mari. Hélas ! Elle n’arrive pas à lui faire quitter sa perruque Louis XV, son talisman contre l’envie de fumer. Un chasseur de papillons rêve d’appeler son ami : "Bob", mais celui-ci ne peut pas satisfaire son désir. Pour des raisons généalogiques !

Situations extravagantes et argumentations d’une logique désarmante rendent chaque saynète jubilatoire. C’est le cas de cette première de "Phèdre" qui engendre...une nouvelle tragédie. Excédé par trois longues heures de supplice, un spectateur refuse d’aller féliciter sa belle-soeur, pour son interprétation. Sa femme s’efforce de l’amadouer, de démystifier les conventions, de jouer sur les mots. En vain. Il ne dira pas bravo ! On rit autant de son obstination farouche que de la diplomatie stérile de son épouse.

Ces affrontements dérisoires sont régulièrement entrecoupés par les déambulations, tout aussi cocasses, de visiteurs de musée. Ils se perdent dans les dédales d’une exposition comme dans leurs dissertations philosophiques. Prisonniers de leurs certitudes, ces personnages s’embourbent dans des problèmes, que n’ont pas les animaux, grâce à leur cerveau moins évolué. Avec un sérieux inébranlable, les cinq comédiens soulignent leur vanité ridicule et reflètent efficacement la petitesse et la faiblesse de l’homme.

En nous laissant respirer entre chaque séquence, menée sur un tempo très vif, le metteur en scène, Eric De Staercke, aiguise notre appétit. Quelle sera la prochaine trouvaille ? Les énormes boudins beiges, qui traversent la scène suggèrent vaguement des dunes. Ils sont aussi des obstacles , que les acteurs doivent enjamber ou piétiner d’une démarche mal assurée. Efforts qui provoquent des changements de rythme et qui rappellent que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Couronnée par deux "Molières", "Théâtre sans animaux" nous aide à résister au conformisme et à la morosité. Sa drôlerie féroce nous tient éveillés.

Jean Campion



 

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