Une fable cocasse et thérapeutique

Un homme sort de sa tente. Il y a passé la nuit pour être le premier. Les pieds solidement campés sur cette ligne blanche en ruban adhésif, il chante et attend... Quoi ? On ne le saura jamais. Pourtant dans cette queue, qui ne mène nulle part, Fleming défend chèrement sa place. D’abord contre Stephen. Par ses raisonnements à l’emporte - pièce, sa passion délirante pour Mozart et son débit torrentiel, celui-ci lui donne le tournis.

L’irruption de trois nouveaux concurrents ébranle définitivement sa certitude de rester chef de file. Molly, une bourgeoise aguicheuse, s’offre successivement aux différents mâles, sous l’oeil détaché de son mari.
Arnall ne souffre pas de ces infidélités. Il SAIT que sa femme est "une personne d’une seule pièce. Tout à fait salope" et s’en remet à sa
petite philosophie :" Ce qui surprend, ça secoue. Ce qui secoue, ça fait mal. Pas de surprise, pas de bobo. Pas de bobo, aucun mal. Aucun mal, tout va bien. " Dolan, lui, est sournois. Adepte du truc "mine de rien", il met les gens en confiance, reste peinard à la seconde place et, au moment propice, tire les marrons du feu.

Ces personnages s’opposent par différents traits psychologiques, mais ils n’ont ni passé ni avenir et ne nous livrent que des bribes de leur personnalité. Ce sont des symboles. Avec l’entêtement de vieux gamins, ils se tendent sans cesse des pièges, pour chiper la place de l’autre. En les faisant jouer à "Ote-toi de là que je m’y mette", l’auteur souligne la vanité de nos prétentions. Sans l’ombre d’un sermon et avec un sens de l’absurde, qui l’apparente à Ionesco ou à Beckett. Son imagination débordante lui permet de relancer l’intérêt de ces luttes burlesques, qui débouchent sur une conclusion inattendue et ouverte à plusieurs interprétations.

Obsédés par la pole position,les adversaires se montrent de plus en plus agressifs. Le metteur en scène, Michel Huisman, a exploité astucieusement cette progression, pour accélérer insensiblement le rythme du spectacle. Il y est parvenu grâce à la solidarité des comédiens. Laurent Tisseyre est un Stephen virevoltant, illuminé, qui déconcerte le rustique Fleming (Christophe Destexhe) et séduit la vamp Molly (Sylvie Perederejew). Stéphane Ledune incarne Dolan qui se gargarise de sa roublardise et Jaoued Deggouj rend les cornes du cocu Arnall, pitoyables. Chacun joue avec l’autre, pour l’autre. Pas un qui tire la couverture à lui. Pas un qui veuille être...le premier.

Jean Campion



 

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