Moi + Moi = Nous ?

"Je peux pas la blairer !" Chaque fois qu’il se rend au cimetière, pour bavarder avec sa mère, emportée par un cancer, Jean-Marie est excédé par la présence de cette "beigeasse". Assise devant la tombe de son mari, tué récemment dans un accident de vélo, Daphné est aussi agacée par cet "homme de Cro-magnon" : il pue la bouse de vache et le mauvais goût. Témoin cette flopée de décorations kitch qui envahissent la pierre tombale. Cependant, un beau jour, les regards hostiles se transforment miraculeusement en sourires. Timides d’abord, puis éblouis. Une passion explosive, vécue avec un enthousiasme juvénile. "J’ai quatorze ans d’âge mental, et c’est merveilleux !" s’exclame Daphné.

La menace d’une histoire à l’eau de rose disparaît rapidement. A quarante ans , nos amoureux ont une personnalité très affirmée, qui s’est construite dans des mondes opposés. Bibliothécaire, passionnée par Lacan, Schopenhauer et l’opéra, Daphné s’accordait bien avec son mari, un intellectuel brillant, mais sans fantaisie. Tout le contraire de cet agriculteur, brut de décoffrage qui la surprend, l’affole et l’envoie au septième ciel. Aveuglé par sa passion et ses préjugés, Jean-Marie s’imagine que Daphné pourrait remplacer sa mère, une maîtresse femme, et l’aider à élever ses vingt-quatre vaches, dont il est si fier. Mais est-elle prête à troquer son appartement aseptisé, cocon blanc qui la rassure, contre cette grande ferme sale, affublée d’horribles rideaux ?

Différents par leur culture, leur mode de vie, leur cercle d’amis, leurs options politiques, leurs goûts, leurs centres d’intérêt, les héros de Katarina Mazetti sont séparés par un immense fossé. Pour le franchir, sauront-ils faire les concessions indispensables et respecter la personnalité de l’autre ? Alternant moments de tendresse et conflits violents, l’auteur répond à ces questions avec subtilité et drôlerie.

Placés de part et d’autre du plateau, les spectateurs deviennent les complices des personnages, qui leur confient sans retenue leurs états d’âme. Grâce à la mise en scène sobre et rigoureuse de Michelangelo Marchese, les enchaînements entre les monologues et les séquences dialoguées sont souples et le spectacle déborde de vivacité. Les comédiens exploitent la truculence de cette pièce, sans jamais grossir le trait. Guy Theunissen incarne sincèrement cet agriculteur terre à terre, qui, sans regret d’avoir renoncé aux études, affiche bon sens et intelligence du coeur. Le jeu énergique et nuancé de Florence Crick révèle une femme frustrée, étouffée par un époux trop influent. Paradoxalement ce paysan inculte, borné mais poreux, comble sa sexualité et lui offre peut-être la chance de devenir elle-même."Le Mec de la tombe d’à côté" nous emmène dans un voyage à la découverte de l’autre, qui nous amuse, nous touche et nous réjouit.

Jean Campion



 

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