Un Appel à plus d’humanité

La construction du spectacle est sinueuse, puisque s’y entremêlent les témoignages de Lise Bonvent, le récit d’une amitié fusionnelle et un conte célèbre. Une table en fer, une chaise et quelques feuillets suggèrent le bureau de la magistrate. Même dépouillement dans l’évocation des affaires traitées. Michèle Nguyen dirige le projecteur sur la vulnérabilité de l’enfant et sur la responsabilité de la juge. Quel destin attend ce bambin nu ? Les policiers l’ont recueilli, mais ne peuvent pas le ramener chez ses parents, parce que ceux-ci se disputent de plus en plus violemment. Comment offrir une seconde chance à Jean, le braqueur de station - service ? Cette fille, murée dans son silence, est-elle condamnée irrémédiablement à l’hôpital psychiatrique ? Pour Lise Bonvent, ces jeunes, largués par le système, sont avant tout victimes de l’aveuglement, de la démission ou de la lâcheté de leur entourage. Elle doit afficher la correction imposée par sa fonction, mais on la sent révoltée par "l’humanisation" des cellules d’isolement ou par les risques que, que l’on fait courir à Blandine, en la laissant à la merci de monsieur R., violeur de sa soeur.

Grâce à des gestes maîtrisés et à une voix sereine, la comédienne donne beaucoup d’intensité à ces entretiens. C’est dans un style plus détendu qu’elle évoque la genèse du spectacle et l’éclosion de son amitié avec Lise. Quand elles se retrouvent, pour examiner l’adaptation de Michèle, les deux femmes n’osent pas entamer d’emblée cette démarche délicate. Elles préfèrent laisser fondre leur timidité, en consacrant de nombreuses heures au dépouillement du sapin de Noël. Cette séquence, malheureusement trop longue, confirme que l’apprivoisement réclame du temps.

Invité surprenant, Barbe - Bleue se glisse, à plusieurs reprises dans le monologue. La conteuse revisite avec talent la sinistre histoire. Dans cette version, le père vend successivement ses six filles au riche et cruel seigneur et l’épouse trop curieuse tient tête à son mari impitoyable : derrière le monstre se cache un homme nu. Ce récit libère une forte émotion et plusieurs questions sur le sens de différents symboles. Questions qui s’ajoutent à celles que l’on aimerait poser à Lise Bonvent, pour éclairer plus objectivement la situation d’une juge pour enfants. Ces interrogations ne masquent pas la grande qualité de ce spectacle rigoureux et fervent. Un témoignage chaleureux qui nous conduit au coeur de l’humain.

Jean Campion



 

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