Promenons-nous dans les bois...

Face à une scène vide, les spectateurs s’installent. Les lumières s’éteignent, les voix se taisent et c’est alors que les yeux s’ouvrent tout grands, surpris devant la forêt qui apparaît devant eux. Une forêt, une vraie : avec des arbres et de la terre dont on devine l’humidité, recouverte de feuilles mortes.
Y pénètrent une jeune fille en tenue de gymnaste/pom-pom girl et son entraîneur. Peu à peu le training commence, l’athlète comme outil malléable entre les mains du coach est tirée/étirée dans tous les sens.
Habillant d’étrangeté les mouvements lents et répétitifs exécutés devant nous, la bande sonore lourde et électrique permet à cette scène d’échapper à la trivialité. Il y a quelque chose d’inquiétant dans cet entraînement au clair de lune : si la forêt est belle, elle n’en est pas moins mystérieuse et notre imaginaire ne manque pas d’y installer les contes effrayants de notre enfance et les sordides faits divers qu’on lit dans les journaux. « If you are not perfect, I will kill you » susurre l’entraîneur.

Alors que la brume envahit progressivement la scène et enveloppe la jeune fille, les mouvements de celle-ci se teintent de sensualité. Ses gestes ont quelque chose de robotique, le corps trop habitué à être tenu sous contrôle semble incapable de se laisser aller à cette danse sauvage à laquelle la forêt parait inciter la gymnaste. Débarque alors le troisième personnage, une rock star défoncée, sanglotant : « I want to kill myself ».

Voici donc les principaux éléments de ce spectacle : des personnages, archétypes de la volonté de maîtrise de l’homme sur son corps, de l’homme sur son prochain, de l’homme sur la nature, dans une forêt qui leur révèle leurs instincts primitifs et les fait basculer dans la sauvagerie. S’il est d’abord proposé au spectateur de contempler passivement une scène dont le réalisme fait songer au cinéma, ce dernier n’en est pas moins peu à peu invité à entrer à son tour dans les bois. Des bruits l’entourent, le brouillard, de plus en plus épais, s’échappe de la scène et vient le happer, jusqu’à le faire disparaître. Le froid, l’humidité, l’odeur de terre et de feuilles en décomposition le transportent hors de la salle de théâtre pour le laisser se confronter à ses propres images et fantasmes de forêt.

Le spectacle de Gisèle Vienne est une grande réussite technique : les images, plus belles les unes que les autres, se succèdent au gré des changements de lumières et de l’épaisseur du brouillard. Le son, quant à lui, semble suivre son propre scénario, venant tantôt compléter, tantôt mettre à mal ce que l’on nous donne à voir. Néanmoins, on peut se demander s’il n’y en a pas parfois un peu trop et si cet aspect spectaculaire ne nuit pas à la poésie de cette création et au voyage intérieur que nous sommes invités à faire.

Svobodova Karolina.




 

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