Dans « on se suivra de près », Aurélie Namur aborde le thème angoissant de la mort en solitaire, ignoré de tous, une mort qu’elle a elle-même frôlée.
Sur scène, le monde des vivants et l’au-delà se côtoient dans le décor unique du commissariat de police, pour ensuite se superposer et enfin se fondre pour ne faire qu’un. On y voit les hommes s’affairer dans une course contre la montre, les uns pour rendre une identité à ce corps sans nom, les autres pour lui apporter un peu de chaleur humaine. Aurélie Namur, dans le rôle de la morte, passe de l’état de cadavre-objet, accessoire, à l’existence, pour finalement prendre toute la place. La mort n’est pas qu’une absence, un trou noir autour duquel l’action se brode, c’est l’adieu à un être, à ce qu’il a été et ce qu’il est encore. Chaque personnage se retrouve confronté à ses angoisses intimes : l’identité, la solitude, le droit à la considération, même après trépas,…
Malgré quelques inégalités de rythme, l’ensemble est enlevé, les répliques font souvent mouche (« Vous vous sentez donc plus Arménien depuis le génocide ? », « C’est quoi, une communauté ? Des gens qui vivent ensemble »). Aux scènes dialoguées succèdent des chorégraphies d’une grande beauté entre le cadavre vivant et son gardien (émouvant Angelo Dello Spedale). Des parenthèses de poésie muette souvent plus parlantes que le texte lui-même, et dont on regrette que l’impact en soit trop souvent atténué par une réplique superflue. Le public, pris à témoin, passe du rire à l’interrogation grave. Si je meurs, qui sera là ? Qui pleurera ? Qui sera présent pour être « témoin de ma vie », comme le demande un des personnages ? C’est sur cette promesse implicite que repose la pièce : celle de se comporter en frères et de prendre soin les uns des autres, vivants et morts.