Des Liens qui libèrent

Dès leurs premières rencontres, on mesure le fossé qui les sépare. Eva préférerait continuer à lire "A la recherche du temps perdu", plutôt que de répondre aux questions puériles de Magda. Mais celle-ci, avide de contacts, relance la conversation. Elle veut lui apprendre à protéger son GSM, sa santé et s’immisce dans sa vie privée. A un point tel qu’Eva, excédée, l’envoie promener, refusant de suivre les conseils d’une femme de ménage. Blessée, Magda lui rétorque qu’elle est "chargée d’entretien".

A travers un chassé-croisé de querelles, de réconciliations, de ruptures, de confidences, nous voyons se construire une amitié fragile mais profonde. Elevée dans un foyer, Magda idéalise la mère qu’elle n’a pas eue et s’interdit de faire un enfant, à qui elle infligerait une maman qui ne sait pas lire. Complexée, elle s’efforce de masquer son illettrisme, sans se recroqueviller sur elle-même. C’est une battante ! La vie à Bruxelles ne lui fait pas peur, d’autant qu’elle peut compter sur le soutien de sa collègue Monique. Généreuse et pugnace, elle bouscule Eva, qui se laisse porter par les événements. Une enfance choyée, des études universitaires et maintenant... des petits boulots insipides, en attendant une problématique édition de ses nouvelles. Cependant croit-elle réellement à son avenir d’écrivain ? Enceinte, elle hésite à garder le bébé d’un père, qui vient de la larguer. Magda, elle, adorerait être "la maman du mercredi".

Par son jeu nuancé, Isabelle Defossé traduit subtilement les sentiments contradictoires de son personnage fluctuant. Agacée par l’impulsivité de Magda, elle est émue par sa vulnérabilité, sa solitude et se laisse revigorer par son appétit de vivre. Exploitant avec justesse les différentes facettes de son personnage, Geneviève Damas incarne une Magda cocasse et attachante. Elle nous amuse par son bon sens, ses expressions colorées, sa pétulance de chien fou , puis révèle ses failles et son besoin d’être respectée.

Pour que chacune se découvre dans le regard de l’autre, il faut du temps et de nombreux trajets. "STIB" est donc fragmentée en courtes séquences, qui pourraient devenir répétitives. La mise en scène précise de Janine Godinas évite ce piège. Grâce à deux mains courantes, deux sièges amovibles et un plateau tournant, elle varie constamment les angles de vue, donnant sa couleur à chaque scène. Paradoxalement, l’espace public du tram favorise les conversations intimes. Un dialogue des coeurs, ponctué par la musique de Jean- Philippe Collard-Neven. Tantôt enjouée, tantôt mélancolique, elle nous aide à communier avec cette comédie douce- amère.

Jean Campion



 

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