A Coeur ouvert

Ces témoignages anonymes, dont la formulation était très inégale, Julie Annen les a réécrits, dans une langue qui souligne leur force. Et en les proposant en vrac, elle nous fait éprouver de multiples sentiments. C’est ainsi que l’on passe de l’enterrement d’un enfant mort-né à la colère puérile d’un papa possessif ou à la déception d’un autre devant un pyjama trop petit.

La mort ou la maladie grave rôdent souvent. Comment accepter qu’un fils de 17 ans soit fauché dans un accident ou condamné à vivre comme un vieillard "se chiant dessus" ? Confronté à un adolescent rebelle, un père en arrive à le frapper, puis pleure sa honte : "J’avais eu envie qu’il meure. Mon propre fils." Contrairement à sa femme, un médecin comprend très vite que son enfant est anormal. Il déteste ce gosse et les mots qu’on emploie pour le désigner. Devenu pompier volontaire, pour le fuir, il se raccroche à son deuxième fils. Avec lui, il peut faire du sport et aller au cinéma. Une pulsion de vie que l’on retrouve dans la rage d’un père, révolté par les hurlements de son enfant, durant sa circoncision.

Ces aveux poignants se mêlent à des confidences pétries de tendresse. Achille Ridolfi a des allures de gros nounours, quand sa fillette de trois ans se sert de son peigne Barbie, pour lui tournicoter les cheveux en disant : "Tais-toi, bébé, ça fait pas mal." Avec humour et pudeur, Daniel Marcelin nous fait partager les sentiments contradictoires qui l’habitent, en découvrant que sa fille,"qui n’a plus dix ans", devient une femme. Autre image touchante : le visage fermé du divorcé qui serre un vieux doudou dans ses bras, quand il ramène son fils à son ex-femme. Un dimanche soir sur deux.

Certains témoins refusent la paternité. C’est pas leur truc ou ils ne sont pas assez mûrs pour assumer cette responsabilité. Anton Tarradellas incarne avec fougue un père qui ne veut pas d’un deuxième enfant. Excédé par les contraintes liées à une première naissance, il clame haut et fort son droit à la liberté. D’autres renaissent grâce à leur enfant. Comme ce prisonnier qui consacre toute l’heure du parloir à faire répéter à sa gamine de trois ans : PAPA ou ce leucémique, soutenu par l’humour revigorant de son ado.

Dans des styles différents, les trois comédiens enchaînent les témoignages. Formant parfois un trio qui chante a cappella, ils suggèrent que les différences (et elles sont éclatantes !) ne peuvent pas masquer le lien inconditionnel qui relie pères et enfants. Des pères ont pris la parole, d’autres sont invités à s’exprimer sur "lesperes.over-blog.com". Et chaque soir, un comédien lira sur scène un des textes postés. La pièce de Julie Annen est un tremplin.

Jean Campion



 

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