La Guerre en pleine figure

Musique angoissante, halètements, coups violents contre la porte, un appel :" Maman !" Ce garçon perdu est un soldat. Il n’est pas tout à fait là : "Je suis là-bas. Cette nuit, j’avais envie de te voir." Deux situations se télescopent. En opération dans un pays qui pourrait être le Kosovo ou l’Afghanistan, ce militaire fait irruption dans une maison. Pour savoir où sont passés les hommes, il interroge brutalement une mère et sa fille. Deux femmes qui se confondent avec sa maman et sa soeur. Dans leur pavillon de banlieue française, celles-ci se morfondent en l’attendant. La guerre peuple leurs nuits de cauchemars.

Le temps et l’espace se brouillent. Tiraillé entre les scènes réalistes et oniriques qui s’enchevêtrent, le spectateur perd parfois le fil de la narration. Il est troublé par certaines associations : la sœur se révolte contre les tueurs de chats, alors que son frère, au combat, en écrabouille un. Cependant malgré sa complexité, la pièce inscrit la guerre au plus profond de l’intimité des personnages.

En incarnant avec retenue "une gamine plus tout à fait gamine", Edwige Baily souligne la maturité de cette jeune fille, hantée par les bruits d’explosion. Dans des monologues poignants, elle dénonce les ravages de la violence et décrit , avec une minutie implacable, la scène où "ils" demanderont à sa mère d’être courageuse. Celle-ci n’est plus vraiment vivante. Elle veille, en attendant... les courses du samedi au Lidl. Pas question d’assumer ses erreurs ni de se sentir responsable du désarroi de son fils. Il lui fallait un métier ! Et puis cette mission de pacification, ce n’est pas la vraie guerre. Philippe Sireuil a confié ce rôle à un homme : Roland Vouilloz. Par son autorité froide, l’excellent comédien suisse laisse entendre que cette mère psychorigide a dû remplacer le père absent. Certains regards adressés à la photo d’un homme peuvent le suggérer.

"Je n’ai pas quitté ma mère, pour qu’on parle de moi comme d’un nain. Je l’ai quittée, pour devenir un géant." Ce cri dérisoire traduit la détresse du petit soldat. La guerre, il l’avait imaginée à partir de films glorifiant les exploits de Rambo et des autres. Le voilà confronté à une réalité sanglante, insoutenable ! Felipe Castro exprime rageusement son impuissance et la violence qu’elle engendre.

Deux murs décrépis convergent vers une porte mystérieuse. Ce goulot renforce l’impression étouffante du huis clos réel ou imaginaire, vécu par les personnages de cette pièce déroutante. Tout en laissant des zones d’ombre, la mise en scène rigoureuse et inventive de Philippe Sireuil l’éclaire et nous aide à ressentir sa vérité.

Jean Campion



 

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