Fils, qui es-tu ?

La pièce est une véritable tragédie moderne, celle d’un homme sclérosé par son conformisme (Fabrice Rodriguez), et qui perd pied face à la vacuité du système auquel il a toujours adhéré. Son fils (Renaud Tefnin), et le rêve étrange qu’il fait à son sujet, servent de déclencheur à ce réveil douloureux. Pourquoi ce fils échappe-t-il à la compréhension et au contrôle qu’il avait jusque là de la réalité ? Pourquoi sa bienveillante épouse (Ariane Rousseau) ne parvient-elle pas à le sortir de sa torpeur solitaire ? D’où lui vient ce désir de se faire voyeur et d’observer les ébats de son fils et de sa jeune amie (Louise Manteau) ? Ces questions trouvent au fur et à mesure leur réponse dans la bouche du spectre de Sophocle (Benoît Van Dorslaer), coryphée moderne qui prendra tour à tour aussi l’apparence d’une nécromancienne, d’un prêtre ou d’un commissaire.

Tous ces individus évoluent dans un décor simple, complétant l’impression onirique qui accompagne la pièce. Seule une table hexagonale, délimitant un espace de jeu en son centre, est posée sur une scène surélevée blanche. Cette séparation entre centre et périphérie nous renvoie subtilement au thème du voyeurisme, au fait de regarder ou d’être vu, d’être spectateur ou acteur de sa propre réalité. Une mise en abîme de la représentation qui est encore accentuée par les comédiens, devenant spectateurs attentifs lorsqu’ils ne jouent pas.

Une fois sur le plateau, coincés entre les lumières judicieusement crues et verticales de Renaud Ceulemans, ils nous présentent le drame du père. Un destin tragique qui nous est pourtant relaté non sans humour, que ce soit dans certaines répliques cinglantes illustrant la dérive pathétique de la figure paternelle, ou dans les incursions délicieuses de l’excellent coryphée Van Dorslaer. Ces bulles d’air salutaires arrivent à chaque fois à point nommé pour alléger le poids du drame qui se joue. Et ménager quelque peu un public soumis à un texte d’une grande beauté, mais complexe et asséné à un rythme (trop ?) effréné.

Pasolini était un artiste engagé contre tous les conformismes, ceux des conservateurs comme ceux des progressistes. A une époque où mondialisation rime souvent avec homogénéisation, il peut être intéressant de (re)découvrir cet auteur, que ce soit dans cet intense Affabulazione, ou via la rétrospective qui lui est consacrée jusque fin avril à la Cinematek.

Antonin Meden



 

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