Alain Corneau est un des grands parmi les cinéastes contemporains. On lui doit quelques chefs d’oeuvre, des films d’anthologie et des films qui nous racontent tout simplement une histoire. Souvenez-vous de "Tous les matins du monde", de "Série Noire", de "Fort Saganne". Il a travaillé avec les plus grands comédiens, mais aussi avec des écrivains et des musiciens, avec des collaborateurs "techniciens" qui contribuent autant que lui à faire d’un film une oeuvre collective.
Dans cet entretien où transparaissent la modestie et l’émerveillement de l’artisan, Alain Corneau nous donne une vraie leçon de cinéma, une master class dont tous les apprentis cinéastes devraient se nourrir. Il parle de son travail avec les écrivains (Jim Thompson, Alain Bosquet, Pascal Quignart), de l’adaptation de la littérature au cinéma (évoquant notamment un scénario non tourné adapté de "La recherche du temps perdu" par Visconti !), de la proximité entre musique et cinéma, mais aussi de l’Inde où depuis des années il se rend régulièrement, là d’où nous venons...
Cette rencontre est aussi, comme le livre "Projection Privée" qui en est l’occasion, une invitation à lire des livres cités par le réalisateur, mais aussi à écouter des musiques qu’il évoque et à visionner les films qu’il a réalisés ou ceux qui l’ont formé. L’entretien débute par une évocation de Henri Agel, philosophe et théoricien du cinéma, une haute figure de l’histoire du septième art et de l’enseignement, un maître que l’on rêverait immortel.
Edmond Morrel
Depuis plus de trente ans, Alain Corneau nous offre de très belles heures de cinéma : qui pourrait oublier Patrick Dewaere dans la peau de Frank Poupart, l’antihéros de Série noire ? La fresque épique de Fort Saganne ? La balade métaphysique de Nocturne indien ? Ou Jean-Pierre Marielle devenu le janséniste Sainte-Colombe de Tous les matins du monde ?
Loin de se laisser enfermer dans un genre – celui du film noir qu’il a exploré avec le triptyque Police Python 357 (1975), La Menace (1977), Le Choix des armes (1981) –, Alain Corneau puise aussi le sujet de ses explorations cinématographiques dans la littérature contemporaine. Avec Nocturne indien d’Antonio Tabucchi (1989), Tous les matins du monde de Pascal Quignard (le grand succès de 1991) ou Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb (2002), il prouve qu’il peut faire sien l’univers d’un autre et prendre plaisir à mettre en scène le style d’un écrivain qu’il admire.
Dans ses souvenirs, Alain Corneau ne se met pas en scène. Il se raconte, avec passion et sincérité : son amour des livres et de la musique (il a même caressé un temps l’idée de faire carrière dans le jazz) ; ses études de cinéma à l’IDHEC ; ses débuts d’assistant aux côtés de Costa-Gavras, Roger Corman ou Michel Drach ; ses réussites et ce qu’il considère comme ses échecs ; son ancien engagement trotskiste ; son goût des voyages ; ses rencontres avec quelques « grands » – Coltrane, Thompson, Scorsese… – ; son amour pour les comédiens… Avec beaucoup de pudeur, il évoque aussi ses proches et la femme qu’il aime : Nadine Trintignant.
Enfin, dans le dernier chapitre, le réalisateur dévoile tous les secrets de son nouveau film Le Deuxième Souffle (qu’il considère davantage comme une adaptation du livre de José Giovanni que comme un remake du chef-d’œuvre de Melville), qui sortira en salles le 24 octobre 2007.